L'assurance-maladie a exercé une surveillance particulière à l'égard des fraudes dans le secteur de l'audioprothèse, l'une des dérives étant « l'itinérance » dans les Ehpad à laquelle le conseil d'Etat vient de mettre un coup d'arrêt.
Fraudes en audioprothèse : les Ehpad sont un terrain de chasse
Le secteur de l'audioprothèse a représenté 21,3 millions d'euros de fraudes, selon le bilan 2023 de la lutte contre la fraude de l'assurance-maladie présenté le 28 mars.
Plus de 300 plaintes pénales ont été déposées dans les cas les plus graves en 2023.
Une condamnation est citée en exemple, celle d'une société d'audioprothèse qui avait déployé des dizaines d'agents commerciaux dans les Ehpad, sous couvert de la CPAM, en les faisant passer pour des audioprothésistes afin de vendre des appareils à des personnes âgées. La société Moovaudio (puisqu'il s'agit d'elle) a été condamnée début janvier 2023 pour exercice illégal de la profession d'audioprothésiste auprès de résidents d'Ehpad et escroquerie à la CPAM.
Il se confirme d'ailleurs que les Ehpad ont été des terrains de chasse pour des sociétés d'audioprothésistes itinérants dès l'entrée en vigueur en 2021 du 100% santé audiologie.
Le conseil d'Etat dit non à l'itinérance audio
Mais une décision du 29 décembre 2023 du Conseil d'Etat vient de donner un coup d'arrêt : il a rejeté les requêtes de la société des Audioprothésistes Mobiles qui avait demandé l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 24 juin 2022, étendant l'application de la convention nationale régissant les rapports entre les audioprothésistes et l'assurance maladie. Cet arrêté interdit de facto la prise en charge au domicile ou en Ehpad des personnes malentendantes dépendantes, ainsi que le développement du télésoin.
Le Syndicat des audioprothésistes (SDA) a salué cette décision sur LinkedIn. Son président, Brice Jantzem, s'est déclaré prêt « à discuter de l'intervention des audioprothésistes dans les Ehpad mais pas n'importe comment ».
Le Conseil national professionnel (CNP) d'ORL a également applaudi : « non, les audioprothésistes ne sont pas mobiles ». Il rappelle que, selon la loi, l'audioprothésiste doit appareiller son patient dans ses locaux, et que toute adaptation d'aides auditives qui n'a pas été réalisée par un audioprothésiste diplômé dans ses locaux n'est pas facturable à la CPAM.
Une dizaine de sociétés radiées depuis début 2024
L'assurance-maladie a d'ailleurs fait savoir aussi le 28 mars que quand les conditions élémentaires de l'activité d'audioprothésiste ne sont pas réunies (absence de local, utilisation de faux diplômes, etc.), l'assurance maladie peut directement mettre fin à la possibilité d'exercer par la société d'audioprothèses. Une dizaine de sociétés ont ainsi été « radiées » des fichiers depuis le début de l'année 2024, les privant de possibilité de poursuivre leurs activités. Les faits font également l'objet d'une plainte pénale et/ou d'une procédure de pénalités financières.