Une circulaire adressée aux préfets et aux ARS fixe une feuille de route pour le plan interministériel de développement de l'habitat inclusif en mettant l'aide à la vie partagée au coeur du dispositif. Un focus sur la démarche « Bien vieillir dans les petites villes de demain » souligne l'enjeu pour l'aménagement du territoire.
Habitat inclusif : une circulaire interministérielle appuie sur le starter
L'habitat inclusif est une offre prometteuse entre le logement ordinaire et l'hébergement en institution pour les personnes âgées ou en situation de handicap. La loi Elan du 23 novembre 2018 lui a donné une définition légale avec l'emboîtement de deux codes : le Code de l'action sociale et des familles et le Code de la construction et de l'habitation. Elle a aussi créé un forfait pour l'habitat inclusif (FHI) destiné à financer le projet de vie sociale et partagée et élargi le périmètre des conférences des financeurs à l'habitat inclusif. Enfin, le cadre juridique a été complété par un décret et un arrêté du 24 juin 2019.
En 2020, les crédits en faveur du soutien à l'habitat inclusif ont permis de financer 310 projets d'habitat inclusif pour 2 936 personnes. Timide, trop timide pour le Gouvernement, qui a alors missionné Denis Piveteau et Jacques Wolfrom pour élaborer une stratégie de déploiement à grande échelle. Leur rapport(1) remis le 26 juin 2020 dessine le modèle d'un habitat accompagné, partagé et inséré dans la vie locale (Hapi) et sert de boussole au comité de pilotage du plan interministériel de développement de l'habitat inclusif installé le 24 février 2021. Une de leurs propositions phares a aussitôt été concrétisée dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021 : la création d'une nouvelle aide à la vie partagée (AVP), appelée à se substituer au FHI.
L'aide à la vie partagée au coeur du dispositif
Les premiers travaux du comité viennent de se traduire par une circulaire interministérielle(2) mise en ligne le 25 octobre qui donne aux préfets et aux directeurs généraux d'agence régionale de santé la feuille de route de cette période qualifiée de « starter » par le Gouvernement.
Ce plan met l'AVP au coeur du dispositif. Le financement de cette aide individuelle concourant à solvabiliser les locataires d'habitat inclusif repose sur les conseils départementaux. Elle est directement versée à la personne morale chargée d'assurer le projet de vie sociale et partagée (« porteur de projet ») : association, entreprise privée, mutuelle, bailleur social, collectivité locale... Elle finance l'animation (rémunération d'un professionnel) et la coordination du projet de vie sociale ou la régulation du « vivre ensemble ».
Pour les projets, existants ou nouveaux, identifiés en 2021 et 2022, les conseils départementaux pourront bénéficier d'un soutien financier de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) à hauteur de 80 % sous condition d'un accord-cadre État/département/CNSA. La Gironde et la Meurthe-et-Moselle ont signé un tel accord et une demi-douzaine d'autres départements sont en passe de le faire. En 2021, une enveloppe de 4,5 millions d'euros permettra de financer 400 projets pour 2 800 habitants.
Par ailleurs, la circulaire confirme le rôle central du parc locatif social, avec deux leviers à actionner : les « logements-foyers non ESMS » qui ont évolué vers une catégorisation PA/PH (au sein des résidences sociales), et les programmes dits « article 20 de la loi ASV du 28 décembre 2015 » (accessibles et attribués en priorité). Dans le neuf, pas trop de difficultés, dans l'existant en revanche le montage des projets reste très complexe. On n'est pas loin du parcours du combattant ! Mètres carrés à dédier au projet de vie sociale et partagée, problèmes juridiques de colocation ou sous-location à régler, et surtout différents financements à mobiliser, la réglementation peine à s'adapter au modèle habitat inclusif... L'annexe n° 3 de la circulaire fait utilement le point avec un tableau récapitulatif non moins utile !
Dans ce secteur encore trop atomisé, l'association H@pi que viennent de créer la fondation des Petits Frères des Pauvres, le groupe Caisse des dépôts et le réseau de l'Habitat partagé et accompagné (Hapa) devrait se révéler d'un recours précieux pour les porteurs de projet - elle lancera une plateforme numérique au cours du 1er trimestre 2022.
Bien vieillir dans les « petites villes de demain »
Outre l'autonomie, l'habitat inclusif est aussi un enjeu transversal aux politiques du logement et de l'aménagement des territoires. D'ailleurs l'Agence nationale de la cohésion des territoires va jouer un rôle moteur dans son déploiement.
Une première cible pour le Gouvernement : les 1 600 communes qui sont entrées dans le programme « Petites villes de demain » (PVD) - elles comptent une moyenne de 12,6 % de plus de 75 ans, contre 9,4 % sur le plan national.
En raison de l'intérêt manifesté par de nombreux élus sur le sujet, la démarche « Bien vieillir dans les PVD » a été lancée pour soutenir des stratégies de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs adaptées aux besoins et aspirations actuels et futurs des personnes en perte d'autonomie : habitats, services, parcours de santé, commerces, mobilités, culture et citoyenneté active. L'objectif fixé est de permettre l'émergence et la concrétisation de 500 opérations d'habitat inclusif jusqu'à 2026.
À l'occasion de la rencontre nationale Petites Villes de demain du 25 octobre, Jacqueline Gourault ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales et Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'Autonomie, ont annoncé un appel à manifestation d'intérêt permanent autour de l'habitat inclusif. Cent premières collectivités bénéficieront en 2022 de 1,5 millions d'euros dédiés à l'accompagnement en ingénierie pour démarrer et développer leur projet.