Il ne saurait y avoir de prospective pour le secteur des personnes âgées sans prospective des emplois, des métiers et des qualifications. Quels professionnels pour faire face au choc démographique de 2030 ? Éléments de réponse dans les rapports du Haut conseil de l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) et du Conseil de l'âge du Haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA).
Horizon 2030 : la révolution des métiers du grand âge à ne pas rater
Le secteur du grand âge est à l'heure de la prospective. Chacun apporte sa pierre à l'édifice pour étudier, anticiper et imaginer ce que pourrait être la prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie à l'horizon 2030. Saisis conjointement, en octobre 2017, par la ministre des Solidarités et de la Santé, le Haut conseil de l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) et le Conseil de l'âge du Haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) ont rendu leur rapport respectif qui viennent alimenter la réflexion en cours dans le cadre de la concertation "Grand âge et autonomie" et celle -à plus long terme- sur l'évolution de l'organisation sanitaire et médico-sociale nécessaire à la prise en charge des personnes âgées fragiles ou dépendantes.
Dans un avis intitulé "Système de santé et personnes âgées fragiles ou en perte d'autonomie à l'horizon 2030", adopté en novembre 2018 et mis en ligne en décembre, le HCAAM considère que la priorité donnée au domicile, suivant les préférences exprimées par une grande majorité de Français, « suppose de faire du développement de services à domicile médico-sociaux et sociaux convenablement articulés avec les services sanitaires de proximité le choix privilégié dans une perspective de moyen terme ». Dès lors, les EHPAD auront « à se concentrer toujours plus sur les personnes âgées les moins autonomes ». Le Conseil de l'âge partage cette analyse, dans son rapport intitulé "Le soutien à l'autonomie des personnes âgées à l'horizon 2030", adopté début novembre 2018 et mis en ligne le 8 janvier et envisage, pour sa part, le scénario de « la spécialisation et la diversification de l'offre des établissements en fonction des niveaux de perte d'autonomie des résidents ». « Pour dépasser l'alternative établissement isolé / établissement plateforme, peut-être faut-il considérer l'idée de gradation, « avec des établissements de niveau 1 : missions habituelles d'hébergement dans la durée ; de niveau 2 : accueil de populations extérieures (en plus des missions d'hébergement dans la durée); niveau 3 : intervention à domicile (en plus des autres missions) », suggère le rapport.
Enjeu prioritaire
La réflexion sur le positionnement et les missions à venir des EHPAD et des acteurs du domicile porte en son sein la question des ressources humaines, des compétences nécessaires face au choc démographique à l'horizon 2030. Cette réflexion est d'autant plus urgente à mener que les métiers du grand âge souffrent d'un manque d'attractivité persistant. « L'anticipation en matière de ressources humaines nécessite de réfléchir aux grandes évolutions de la société, de repérer les mutations d'ensemble qui impacteront directement ou indirectement le système de santé et d'action sociale et médico-sociale, parmi lesquelles le vieillissement et la montée du grand âge et de la perte d'autonomie figurent évidemment en bonne place », rappelle le Conseil de l'âge. L'instance souligne « l'importance de politiques globales en matière de formation, de valorisation financière, de conditions de travail, d'image » du secteur des personnes âgées. Et selon elle, « améliorer l'attractivité des métiers du grand âge apparaît comme un des enjeux prioritaires pour les prochaines années».
Le Conseil de l'âge insiste également sur le fait que le dispositif d'accompagnement des personnes âgées ne doit pas reposer « trop fortement sur le système de santé » mais nécessitera de s'appuyer « davantage encore sur les métiers sociaux et médico-sociaux ». « Une place plus grande pourrait être faite aux psychologues, aux animateurs de vie sociale, etc. Par ailleurs, de nouveaux métiers sont également à inventer ou à perfectionner (ex : gestionnaire de cas, professionnel pour accompagner les aidants ou pour aider à l'appropriation de nouvelles technologies, gouvernante de maison dans les habitats inclusifs, etc.) », énumère-t-il. Et de suggérer : « Un chantier spécifique sur les nouveaux métiers du grand âge ». Si les EHPAD se positionnent sur la grande dépendance, ils vont être amenés « à mobiliser plus d'aides-soignants, d'infirmiers, de spécialistes des troubles cognitifs, voire de personnels formés davantage au soin « relationnel » qu'au soin technique », augure le rapport du HCAAM. « Selon la taille des établissements et le contexte (urbain, rural...) les ressources médicales et infirmières nécessaires peuvent être totalement internalisées ou résulter de la mobilisation organisée de ressources du réseau de proximité, à l'image des permanences d'infirmier de nuit et des consultations de télémédecine. » Le HCAAM se déclare aussi en faveur de l'extension du droit de prescription des médecins coordonnateurs en EHPAD et souligne la nécessité de mieux définir la fonction d'infirmier coordonnateur.
Mutations et innovations
« L'importance de la ressource humaine dans le champ sanitaire et médico-social (en termes d'effectifs mais aussi de poids parmi les ressources mises en oeuvre) peut être un très puissant amortisseur des mutations : la gestion des effectifs en activité, sauf à disposer de dispositifs de conduite du changement ou de formation continue très puissants, freine, diffère ou empêche certaines évolutions ; la formation elle-même n'est pas spontanément tournée vers les nouvelles pratiques et encore moins anticipatrice. Inversement, cette importance de la ressource humaine fait qu'elle pourra faciliter certaines mutations et innovations, qu'elle conditionnera et préparera des transformations d'ensemble du système d'accompagnement », analyse le Conseil de l'âge.
Dans la conclusion de son rapport, le HCAAM précise que la redéfinition des métiers et la clarification des rôles des différents professionnels de santé devraient faire l'objet de travaux ultérieurs. L'atelier n°6 de la concertation "Grand âge et autonomie" avait pour but d'apporter des réponses aux enjeux de formation, de qualité de vie au travail et d'attractivité des métiers de l'accompagnement et du soin. Reste désormais à voir ce qui découlera de cette réflexion dans le rapport de Dominique Libault, pilote de la concertation, attendu entre le 15 février et le 1er mars.