Qu'est-ce que l'hypnose ? Quelle est son utilité dans le soin des personnes âgées ? Mireille Guillou, thérapeute au centre de rééducation Florentin (Nancy) et formatrice à l'Institut Français de l'Hypnose, répond à ces questions.
Hypnose... et la douleur disparaît
L'hypnose a encore ici et là une image sulfureuse. Pourtant, utilisée lors les soins, elle apporte un bien-être physique et psychologique au patient ou résident et facilite le travail des soignants.
Qu'est-ce que l'hypnose ?
" C'est un état de conscience modifié, explique Mireille Guillou, psychologue clinicienne et diplômée de l'Institut Français d'Hypnose. Il y a en chacun de nous une aptitude naturelle à "partir ailleurs", Ces moments où l'on est à la fois ici et ailleurs... C'est cet état de conscience que le thérapeute va proposer à son patient. Les personnes âgées ont longtemps été tenues éloignées de cette thérapie car on les considérait comme peu réceptives à la suggestibilité. "
Les étapes
Le thérapeute installe la confiance pour obtenir un état détendu. La détente du corps va permettre de construire une bulle dans laquelle rien n'interfère. Ensuite le thérapeute utilise les techniques de l'hypnose pour faire remonter des souvenirs agréables. L'entrée en état d'hypnose, c'est " l'ouverture d'une porte sur l'imaginaire, l'exploitation du réservoir de la mémoire, de la sensorialité ", c'est la captation de la conscience qui se focalise sur des informations agréables. À partir de là, les soins peuvent se faire.
À quoi sert l'hypnose auprès des personnes âgées ?
La lutte contre la douleur est le principal intérêt de l'hypnose en gérontologie. On parle ici d'hypnoanalgésie. " Grâce à la captation, le thérapeute court-circuite tout ou partie du message douleur, lequel remplit habituellement tout le champ de la conscience, argumente Mireille Guillou. La première application concerne les douleurs induites : soins d'escarres, mobilisation d'un membre pendant une rééducation ou même toilette, en cas de patient rétracté, La seconde application porte sur les douleurs chroniques : douleurs des membres fantômes après une amputation, douleurs neurologiques des hémiplégiques, rhumatismes... " À noter que les soins sont d'autant plus douloureux que le patient a peur d'avoir mal. La mémoire de la douleur augmente l'intensité de la douleur... d'où une appréhension qui rend le circuit de la douleur particulièrement efficace.
Qu'en dit la science ?
L'imagerie permet d'objectiver les zones actives dans le cerveau pendant l'hypnose : la réponse au même stimulus douloureux n'est pas la même lorsque le cerveau est sous hypnose ou non. Grâce à des images réalisées (PET SCAN) sur le cerveau de volontaires, l'équipe médicale du CHU de Liège a démontré que l'hypnose modifie tout le réseau de la douleur. L'hypnose est utilisée dans de grands hôpitaux (Hôpital Robert Debré, La Pitié-Salpêtrière...)
Où pratiquer l'hypnose ?
Un endroit calme est préférable mais on peut faire des séances au milieu d'une salle de rééducation.
Les résultats
Même si le message douleur perce, la mémorisation sera différente. " J'ai vu des pansements cauchemardesques devenir des rendez-vous agréables avec soi-même ", s'enthousiasme la thérapeute. Le pansement devient attendu. De plus, grâce au travail sur la mémoire quelque chose se reconstruit chez le patient. D'ailleurs une dame très âgée, qui avait des escarres de stade 4, m'a dit après une séance de pansements " Vous me faites vivre des moments inoubliables ! "
Les limites
L'hypnose requiert l'adhésion du patient. Certains patients n'adhèrent pas... Il sera aussi plus délicat de pratiquer l'hypnose sur des personnes atteintes de troubles cognitifs avancés. Quand les démences en sont à des stades précoce à moyen le thérapeute peut tout de même proposer l'hypnose, voir l'hypnose conversationnelle.
Peut-on s'auto-hypnotiser ?
" Un des buts de l'hypnose est l'autonomisation du patient, répond Mireille Guillou. Je suis toujours étonnée de l'appropriation rapide des techniques. Le patient redevient acteur du processus de guérison. Il est même possible de constater parfois une cicatrisation accélérée, comme chez les grands brûlés. "
Le soignant est gagnant aussi
Infliger la douleur est traumatisant pour le soignant. Le soignant arrive avec de la tension auprès du patient. En permettant des soins non douloureux ou beaucoup moins douloureux, l'hypnose diminue la tension du soignant et prévient son épuisement.
Marie-Suzel Inzé
Une approche complémentaire
Patricia Jeanclaude est médecin au Centre Jacques-Parisot (Office Hygiène et Soins), à quelques kilomètres de Nancy. Cette structure de réadaptation gériatrique (PSPH) compte un EHPAD et une USLD. Présidente du Comité de Lutte contre la douleur, le médecin constate depuis sept ans les bienfaits de l'hypnose sur les patients ou résidents. " L'hypnose est une approche complémentaire des médicaments, elle permet de supprimer ou de diminuer la douleur, affirme Patricia Jeanclaude. Les analgésiques restent administrés selon les cas en traitement de fond ou un peu avant les soins. " anecdote ? " Nous faisions un soin douloureux à un patient atteint de troubles neurologiques modérés, raconte le médecin. Nous connaissions bien ce patient : il avait toute sa vie aimé danser avec sa femme, et chanter aussi. Il chantonnait souvent " La java bleue. " Le thérapeute a commencé à fredonner cette chanson et a suggéré au patient de se rappeler l'époque où il dansait et chantait. La mémoire ancienne est toujours active aussi le patient s'est mis à chanter. Et son état de conscience s'est modifié. De temps en temps, le médecin prononçait une petite phrase pour maintenir la dynamique. Le soin s'est bien déroulé. " A tel point que le Docteur Jeanclaude a en septembre démarré une formation à l'hypnose.