Quelle que soit la forme que prendra l'EHPAD dans un futur proche (structure physique de proximité, établissement « hors les murs », plateforme de coordination de services), il est certain qu'il sera ouvert à son environnement et rempli de nouvelles technologies. A condition de donner aux acteurs du terrain les moyens de s'approprier les outils. Les explications de Jean-Christophe Quideau, expert en SI de santé et auteur d'une thèse professionnelle1.
Informatisation des EHPAD : comment optimiser les données ?
Avec l'entrée des établissements dans une logique de parcours de soins individualisé et l'arrivée des objets connectés de santé, les échanges électroniques de données vont se multiplier. Le système d'information (SI) jouera donc un rôle de plus en plus important et s'imposera comme un outil incontournable. Tout particulièrement le Dossier Résident Informatisé (DRI) qui, à l'instar du Dossier Patient Informatisé (DPI) à l'hôpital, sera un producteur de données en interne et une source essentielle d'informations pour l'extérieur.
Une situation alarmante
Or on constate que les DRI sont très mal utilisés par les personnels... lorsqu'ils existent. La situation de l'informatisation des EHPAD est assez hétérogène, certains étant en phase de renouvellement de leur DRI alors que d'autres n'ont toujours pas commencé les travaux d'automatisation de leurs processus métiers. Pire, alors qu'on exhorte les directeurs à saisir des données dans une pléthore d'applications informatiques territoriales ou nationales non interopérables sans qu'aucune vision urbanisée cohérente n'ait été bâtie au préalable, aucune incitation n'existe pour faire de l'informatique à l'intérieur des établissements une aide à l'activité au quotidien.
Les raisons de la mauvaise utilisation du DRI sont à chercher à différents niveaux. Depuis la direction générale qui n'a encore pas compris l'intérêt stratégique du SI, les directeurs qui sont peu formés aux enjeux du SI et à ses bénéfices, les services techniques qui sous-dimensionnent les infrastructures techniques et offrent aux agents peu de dispositifs mobiles (de type tablettes). Mais c'est sur le plan des ressources humaines que le bât blesse actuellement : il y a un manque criant d'informaticiens dans les sièges des groupements d'EHPAD et de ressources mobilisables sur le terrain pour mener le projet d'informatisation.
Un effort à fournir à tous les échelons
Optimiser l'utilisation du DRI demande d'accepter une baisse d'efficacité dans un premier temps pour en gagner par la suite. C'est un investissement humain entraînant a minima une surcharge de travail (gestion du projet, accompagnement des utilisateurs par les référents, appropriation de l'outil par les agents) et un nécessaire changement d'organisation (clarification des rôles de chacun et nouvelles tâches pour les agents), l'idéal passant par un accroissement des effectifs. C'est un luxe que ne peuvent s'offrir les EHPAD aujourd'hui.
Pour que la situation progresse, les efforts artisanaux des groupements seuls ne seront pas suffisants. Les établissements publics et privés non lucratifs ont besoin d'un appui technique local (par exemple par une réaffectation des compétences informatiques des GCS /GRADES vers le secteur médicosocial) et surtout d'un soutien financier national sous la forme d'un plan pluriannuel dédié, un « ESMS Numérique » à l'image du plan Hôpital Numérique. Vouloir faire du numérique une priorité, c'est bien ; donner aux acteurs du terrain les moyens de le concrétiser, c'est mieux.