Trois raisons militent dans le sens d'un renforcement ou du moins d'une permanence de l'intergénération : la catastrophe pandémique a été marquée par la multiplication de « solidarités minuscules » ; la force et le besoin de réciprocité dans le lien social ; l'âge n'est pas une clé suffisante pour expliquer les comportements et les représentations.
Intergénération ou nouvelles coopérations ?
Covid et intergénération
Les différents confinements et effets du virus ont largement été marqués par les discours opposant les âges. Ainsi, chacun a en tête les images, maintes fois diffusées, de jeunes qui ne craignent pas le virus et qui font la fête, discours sur les étudiants qui ne se préoccupent guère du sort des aînés ou au contraire de retraités qui empêchent le développement de l'emploi et de l'économie... Cette réalité existe. Comme les quelques « vieilles gloires » des médias appelant leurs congénères à se confiner et à accepter de mourir pour ne pas sacrifier l'avenir des jeunes.
Mais le réel est bien plus riche et pluriel : la société n'est pas uniforme. Durant ces mois de confinements et de gestion complexe de la pandémie, les relations entre les générations, et pas seulement des plus jeunes et des plus vieux, ont été multiples, innovantes, solidaires... Ces « solidarités minuscules » concernaient aussi bien des enfants adressant des dessins aux habitants des maisons de retraite, des étudiants aidant des collégiens, des jeunes cherchant à faciliter l'accès des aînés aux outils numériques, des jeunes proposant d'aller faire les courses des plus âgés, des âgés faisant des repas pour leurs cadets, des seniors s'impliquant dans le soutien à la recherche d'emplois... Bref, la solidarité intergénérationnelle n'a pas été un vain mot depuis mars 2020.
Une intergénération de réciprocité
Mais la problématique de l'intergénération repose sur des dynamiques de réciprocité qu'il importe de mettre en lumière. Une dynamique qui va à l'inverse de la fragmentation croissante de la société.
La relation intergénérationnelle implique aussi différentes formes de transmission : celles actives de compétences et connaissances, mais aussi celles de l'ordre du symbolique[1]. Elles recouvrent les échanges réciproques, le temps accordé, l'écoute, la présence... La problématique pour toutes les générations, et encore plus dans la période actuelle, est de maintenir et développer le sens et le plaisir de vivre, d'entretenir un capital social au sens de Putnam, où il s'agit de la capacité de l'individu à rester en lien avec les autres, avec ses semblables[2].
Aujourd'hui la transmission est double : les plus âgés ont l'expérience, les plus jeunes l'appétence pour les technologies numériques. Elle ne répond plus à une seule logique descendante mais permet la réciprocité de l'échange égal. C'est d'ailleurs au sein des entreprises et plus généralement des organisations de production de biens et de services, que s'exerce par nécessité cette double transmission. L'un des ressorts de la performance de la structure provient de la qualité de la coopération entre les générations, entre les personnes qui composent ce collectif. Le sondage Odoxa pour La Cohorte, publié fin 2020, montrait d'ailleurs que pour pratiquement 70% des Français, l'aide au sein de l'entreprise est un des marqueurs les plus présents du soutien entre les générations, bien avant les questions financières.
@Guerin_Serge
Professeur de sociologie à l'Inseec GE, directeur du MSc « Directeur des établissements de santé », président de l'Agence des MCA, auteur de Les quincados , Calmann-Lévy