Dans notre précédente chronique axée sur la question des générations, nous terminions en rappelant que l'âge et la génération comptent en tant que vecteurs de proximité mais ne paraissent pas devoir enclencher un choc générationnel.
Intergénération ou nouvelles coopérations ?
Les représentations de l'âge tendent à être négatives, et le discours sur la « guerre des générations » prend racine dans ce contexte de stigmatisation de la vieillesse. Elle doit donc se penser dans une perspective interculturelle. Or la norme imposée à ceux qui vieillissent ne répond pas toujours à une donnée objective et fixe mais s'inscrit dans un discours idéologique du convenable. Les seniors sont renvoyés sur les marges par la puissance du discours normatif établissant de manière unilatérale ce qui relève du bien, du normal ; et ce qui relève de la contravention, de l'originalité...
Le discours d'opposition des générations se fonde sur l'exacerbation des stéréotypes associés à chaque âge. Ils peuvent renvoyer à des représentations traditionnelles où la jeunesse est par exemple synonyme de force, de vitesse, de capacité d'adaptation, ou encore de modernité et de progressisme (dont la définition reste assez floue...), la vieillesse faisant corps avec le déclin, la perte, la rigidité, le conservatisme... Ces oppositions relèvent de stéréotypes largement discutables.
Des liens plus subtils
Cette vision tranchée de la séparation culturelle entre les générations apparaît bien réductrice. C'est le cas, par exemple, de l'opposition entre seniors et « génération Y », réputée digital natives mise en avant par les sociologues William Strauss et Neil Howe. Ils désignent la génération des jeunes nés entre 1980 et 1996 comme la génération Y qui s'opposerait en tout point à ses aînés. Le clash est assuré... Or, entre ces générations, le partage, les liens sont bien plus nombreux, épais et intenses que ne le laissent croire ceux qui font profession de jouer sur les différences, les oppositions, les peurs...
Prenons aussi l'exemple des préférences politiques. Longtemps, la science politique a montré que les jeunes étaient majoritairement positionnés à gauche sur l'échiquier des préférences partisanes. Cela reste pour la majorité des professionnels de la politique comme une vérité intuitive. Nous avions publié il y a presque 10 ans une analyse sur le vote des catégories populaires(1) montrant que les plus jeunes étaient largement tentés par le vote en faveur du Front National et que les plus âgés étaient ceux qui s'y refusaient le plus. Cela avait beaucoup surpris des personnalités se situant à gauche.
Les enquêtes récentes vont dans le même sens où la préférence partisane des jeunes est plus complexe à lire.
Une opportunité à saisir
L'intergénération n'est pas un mot magique mais une dynamique permise par le commun : c'est le partage d'un engagement, d'une passion, d'un centre d'intérêt, d'un projet qui dépasse les frontières de l'âge. C'est aussi une opportunité pour créer du lien solidaire, pour renforcer le sentiment de partager un destin commun.
Être dans l'intergénérationnel, c'est bien saisir que nous sommes dans l'interdépendance. Chacun est en lien avec l'autre, a besoin de l'autre, de sa présence, de son regard bienveillant.
@Guerin_Serge
Professeur à l'INSEEC GE. Auteur de « Les Quincados », Calmann-Lévy, président de l'A-MCA, vient de publier avec V. Suissa et le Dr Denormandie, « L'homéopathie en 20 questions », Michalon.