L'objectif principal de l'étude menée en 2009 était d'évaluer la fréquence de la dénutrition protéino-énergétique selon les critères de la HAS. Le Dr Monique Ferry (1), gériatre et nutritionniste, nous apporte aujourd'hui son regard acéré sur le sujet.
Interview du Dr Monique Ferry
Docteur, quels sont les résultats de l'enquête sur la dénutrition en EHPAD menée sur tout le territoire ?
Nous avons constaté que 45,6% des 4 520 résidents, objets de l'étude, présentaient des critères de dénutrition et un peu plus d'un quart une dénutrition sévère, soit une prévalence de 12,5% .
Le vieillissement lui-même n'est pas la cause, mais c'est la conjonction de l'environnement et de pathologies qui provoquent la dénutrition.Or sa prévention n'est pas cotée à sa juste valeur par l'outil PATHOS.Cette étude montre en effet une sous estimation majeure du codage dénutrition.
Dépistage, prévention et suivi: quelles pistes de travail préconisez-vous ?
J'énoncerai une boutade: en faisant manger les résidents!. Plus sérieusement, nous formons les médecins à la pratique, en partenariat avec la Ffamco, avec l'outil Mobiqual Nutrition créé par la SFGG, avec le soutien de la CNSA. En ce qui concerne PATHOS, les discussions sont en cours entre les pouvoirs publics et la SFGG.
Dans ses bonnes pratiques de prise en charge de la dénutrition protéino-énergétique chez la personne âgée, l'HAS considère qu'il est indispensable de peser toutes les personnes à l'entrée dans l'établissement puis au moins une fois par mois, la courbe de poids étant un élément indispensable du dépistage et du suivi thérapeutique
Quant à la prévention, elle est l'affaire de tous, de la société de restauration, en passant par le directeur et les familles
A qui s'adresse Mobiqual Nutrition ?
Il s'adresse à tous les professionnels qui interviennent auprès des personnes âgées, en établissement médico-social ou de santé : le directeur de l'établissement, l'équipe de restauration et les diététicien(ne)s, l'équipe de soin : médecin, infirmier(e)s, aides-soignant(e)...
Mobiqual est gratuit: il suffit à l'établissement demandeur de s'engager à remplir un questionnaire pré et post - opération, à le mettre en place, et à en évaluer les résultats au bout de six mois".
Les ARS ont inclus la dénutrition comme facteur de risque de perte d'autonomie, dans le cadre de la gestion des risques. Comment ce dernier point est-il pris en compte ?
Les ARS ont commencé depuis 2011 à réaliser des journées d'information et de formation à la dénutrition auprès des médecins coordonnateurs et des médecins traitants en partenariat avec la SFGG.
Que pensez-vous des compléments nutritionnels ?
J'y suis favorable lorsqu'ils sont correctement prescrits et correctement absorbés. Étant donné que la LPRR (2) a été réintégrée dans le prix de journée, la prescription ne doit se faire qu'à bon escient et en aucun cas si le risque de dénutrition n'est pas établi."
A-t-on une idée du coût induit en établissement par la dénutrition?
Il est difficile de le chiffrer, mais prenons un exemple: un résident ayant un ou plusieurs escarres ne cicatrisera pas bien s'il est dénutri. Il y aura donc un coût de pansements et de soins. Les EHPAD n'en sont souvent pas responsables, car ils peuvent hériter de la situation provoquée dans d'autres structures de soins.