Gastronomie, goût, plaisir... Le ton change dans les Ehpad. L'alimentation devient santé et la gourmandise s'invite à table comme remède à de nombreux maux, dont la dénutrition.
Inviter le plaisir à la table des Ehpad
Il faut en finir avec une restauration inadaptée, triste et sans saveur... Le repas est un soin à part entière et il est possible de concilier besoins physiologiques et approche d'un repas plaisir. Un petit vent de nouveauté souffle sur le secteur pour répondre aux besoins des résidents et prévenir la dénutrition tant redoutée dans les établissements.
Prévenir la maladie
La dénutrition est une maladie silencieuse susceptible de devenir, avec le vieillissement de la population et les perspectives démographiques à venir, un grave problème de santé publique. Elle touche déjà aujourd'hui en France plus de 2 millions de personnes, dont 5 à 25 % des plus de 70 ans vivant à domicile et 35 % des résidents d'Ehpad. À l'hôpital, la maladie touche également 50 % des personnes âgées.
Les conséquences de la dénutrition sont graves. Elle provoque un affaiblissement général, diminuant les défenses immunitaires, augmentant le risque d'infection et accélérant la perte d'autonomie. Une fois installée, la maladie entraîne de nombreuses complications : maladies cardio-vasculaires, troubles gastro-intestinaux, troubles de la déglutition, troubles cognitifs, problèmes dentaires, difficultés pour s'alimenter... Sans une prise en charge rapide et une prévention adéquate, les complications peuvent mener à l'hospitalisation et devenir irréversibles.
Une prise en charge négligée
Pourtant, et malgré ses conséquences, sa prise en charge effective reste faible. En cause, la méconnaissance des professionnels de santé comme des aidants. 80 % des Français ne considèrent toujours pas la dénutrition comme une maladie, indique un sondage Ifop réalisé en juin 2023 par le Collectif de lutte contre la dénutrition. Pire, un Français sur deux pense qu'il est normal de maigrir en vieillissant.
Le sondage révèle également que 27 % des Français ont déjà connu un proche souffrant de dénutrition, dont le premier signe repéré était la perte de poids (pour 62 % des Français). 79 % des personnes ayant un proche dénutri se sentent démunis face à la situation et 97 % sont inquiets pour sa santé. Pourtant, des gestes très simples, comme la pesée régulière de la personne, l'enrichissement de ses plats ou l'inspection de son réfrigérateur, peuvent facilement tout changer !
Savoir pour prévenir
Plusieurs causes peuvent mener vers la dénutrition.
- L'isolement social. Lorsqu'elles vivent seules ou sont socialement isolées, les personnes âgées peuvent être démotivées pour cuisiner et s'alimenter correctement.
- La mobilité. Se déplacer pour faire ses courses ou porter des sacs, voire même pour cuisiner, peut se révéler plus compliqué avec la perte de mobilité.
- La prise de médicaments qui peuvent réduire l'appétit, altérer le goût des aliments ou affecter la capacité d'absorption des nutriments.
- Le pouvoir d'achat. Dans le contexte inflationniste actuel, l'accès à une alimentation complète et saine peut devenir plus difficile, ce qui peut pousser les personnes à choisir des aliments moins coûteux mais moins nutritifs ou dans une quantité moindre.
- La perte de désir, l'anxiété ou la dépression peuvent amener les personnes à ne plus se nourrir correctement.
La dénutrition n'est pas une fatalité
La dénutrition peut être prévenue et traitée, à condition qu'elle soit repérée à temps. Pour cela, les aidants et les professionnels de santé doivent être correctement formés.
Une prise en charge adaptée est alors mise en place. Elle est composée d'un suivi du poids par le médecin traitant, une infirmière ou un aidant, et éventuellement grâce à des outils d'autoévaluation tels que l'échelle Parad, le disque Saveurs et Vie ou la courbe de poids. Le suivi par un diététicien peut également être très bénéfique.
Des réponses adaptées existent et permettent d'installer si nécessaire un rééquilibrage alimentaire, d'adapter la texture des aliments en cas de problèmes de déglutition, de fractionner les repas, d'ajouter des collations, mais aussi de proposer des compléments nutritionnels appropriés ou de favoriser le lien social pour lutter contre l'isolement, et d'améliorer l'accès aux repas, en facilitant les courses ou par le recours à des services de portage de repas si nécessaire. Le seul objectif restant d'encourager le plaisir de manger.
Une campagne nationale de mobilisation
Chaque année pourtant, une semaine nationale de lutte contre la dénutrition mobilise professionnels et grand public autour d'actions de prévention et d'information. Ainsi, la 4e édition, qui s'est tenue du 7 au 14 novembre 2023, a permis de déployer plus de 15 000 actions d'une grande variété sur tout le territoire.
Saveurs et Vie, par exemple, a réalisé, à l'image de la fresque pour le climat, la première fresque de la dénutrition. Le but : mieux faire connaître cette pathologie et les manières de l'appréhender.
Un colloque à l'Assemblée nationale en salle Colbert, sous le haut-patronage de la Présidente de l'Assemblée nationale, a également été organisé le 15 novembre sur le thème « La dénutrition : toujours mal connue du grand public », soutenu par deux parrains d'exception, la cheffe Amandine Chaignot et l'urgentiste Mathias Wargon.
Et sur le terrain, citons pour exemple l'initiative Cuisines Ouvertes qui a permis aux chefs des Ehpad de mettre en oeuvre leur créativité culinaire. Animation et dégustation de produits avec les résidents et le personnel soignant, organisation d'ateliers cuisine pour les résidents autour d'une recette salée proposée dans le livret gourmand des Insatiables 2023, ou une recette sucrée inspirée de la cheffe pâtissière Sandrine Baumann-Hautin, rencontres avec les familles...