Créé par un Ehpad pour les Ehpad, un chatbot épaule les agents des services hospitaliers en charge du bionettoyage et de l'hôtellerie.
Jadbot : le Siri des ASH
Les chatbots sont partout. Vous les interrogez sur les sites d'e-commerce, vous sollicitez quotidiennement Siri (ou Alexa) sur votre smartphone... Contraction de « chat » et « robot », ce sont des assistants (ou agents) conversationnels (ou vocaux).
Commercialisé depuis septembre, Jadbot en fait partie. Son objectif ? Épauler les ASH en charge du bionettoyage et de l'hôtellerie.
Et c'est une association, petite en taille mais grande en ambition, qui l'a conçu : l'Association gérontologique interrégionale, Agir, qui gère un Ehpad éponyme de 72 résidents dans le centre historique de Castres.
« Nous comptons 7 équivalents temps plein (ETP) d'ASH sur un total de 48. Elles ont un rôle clé dans la bonne marche de notre établissement, nous avons voulu le valoriser, explique la directrice, Piera Clément. Nous avons décidé de jouer la carte de la professionnalisation et de la montée en compétences. »
Passer par les TIC était une évidence, surtout dans une agglomération Castres-Mazamet devenue un haut lieu de la e-santé avec des universités d'été qui drainent tout ce qui innove dans le monde. Et l'acculturation 3.0 avait été développée entre Agir et Isis, la première école d'ingénieurs spécialisés e-santé, toujours à Castres, grâce à un travail commun sur une modélisation du parcours de vie des personnes âgées en prévention de la perte d'autonomie. Agir a d'ailleurs créé Agirtech, une entreprise de l'économie sociale et solidaire constituant son pôle innovation.
La problématique terrain
Le travail sur Jadbot a commencé par le quadrillage de la problématique terrain : la diversité des tâches, la surcharge de données, le manque de temps qui entraînent une charge cognitive élevée chez les ASH et une recherche, de plus en plus démoralisante, de sens à leur travail auprès de personnes vulnérables.
Côté gestion et encadrement, cela se traduit par un turn-over et un absentéisme importants, des difficultés de formation des remplaçantes ou nouvelles arrivantes aux multiples protocoles, des insatisfactions et plaintes des résidents et des familles, etc.
Une équipe projet a ensuite été constituée autour d'un noyau d'ASH, de leur cadre infirmière coordinatrice et de la qualiticienne pour élaborer un cahier des charges. Avec un principe directeur : la simplicité de l'application. Le travail des ASH étant très « impactant » sur le fonctionnement de l'Ehpad, Jadbot devait être conçu par elles et pour elles comme un outil simple, maniable, réactif.
L'équipe projet a donc puisé dans leurs expériences et dans toutes les situations et tous les cas de figure « rencontrables » - tâches en chambres dites « normales », unité de vie protégée -, pour construire une bibliothèque de questions/réponses référées aux protocoles du CPias Occitanie. Le but étant de les préformater et préenregistrer pour que la « voix » du smartphone les restitue selon un scénario préétabli (que l'on appelle workflow).
Un volet de formation e-learning, intangible, lui, a également été intégré
« Jadbot commence tout juste à être commercialisé, nous ne pouvons pas en dire trop, dit en souriant Piera Clément. Il accompagne chaque agent pour l'aider à réaliser pas à pas l'entretien de la chambre et le service du petit-déjeuner. Il utilise les trois canaux de la mémorisation : auditif, visuel et kinesthésique ».
Le cap de la preuve de concept
Après cette phase d'élaboration, l'Ehpad a eu recours au printemps 2021 à la procédure dite « preuve de concept » (Proof of Concept), c'est-à-dire une démonstration de faisabilité avec l'expertise de deux entreprises spécialisées. Avec succès : Jadbot est déjà devenu un outil familier avec sa voix féminine ou masculine, c'est selon, délibérément restée robotisée pour ne pas perturber les résidents atteints de troubles cognitifs qui, sinon, pourraient le prendre pour une tierce personne « en vrai ».
Puis au printemps 2022, Agir s'est frotté à l'altérité d'un Ehpad, beaucoup plus important, de 165 résidents : l'Ehpad public autonome Saint-Jacques de Grenade-sur-Garonne (Haute-Garonne). « Jadbot est conçu pour être agile. L'intérêt pour nous a été de le retravailler en tenant compte d'un autre modèle d'organisation, avec une équipe bionettoyage et une équipe hôtellerie, et seize ASH en tout, explique la directrice d'Agir. Le test a été concluant, l'Ehpad Saint Jacques est devenu notre premier client ! »
Et le chatbot est aussi adaptable à d'autres types d'établissements et services médico-sociaux. Ainsi, il y a quelques semaines, Agir a eu la fierté d'être retenue parmi les vingt lauréats de l'appel à projets « 21, l'Accélérateur d'innovation sociale » de la Croix-Rouge française. Jadbot devrait être notamment testé dans deux Ehpad et deux maisons d'accueil spécialisées, auprès d'ASH bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs en situation de handicap. Avec donc une vigilance accrue sur ce qui fait aussi son ADN : la prévention des risques psychosociaux.