Traduction du terme anglais plus répandu "serious game" il est important d'y voir plus qu'un subtil oxymore car il s'agit bien là encore d'une révolution en marche de la pédagogie voire de la médecine.
Jeux sérieux
Apprendre en jouant n'est pas une découverte de ce siècle, et si vous regardez une photo de Howard S. Barrows vous le comprendrez tout de suite à son regard malicieux. Né en 1928 dans l'Illinois, ce professeur de médecine fut un des précurseurs de la pédagogie par simulation revenue très à la mode actuellement.
Notre slogan national "Jamais la première fois sur un patient" résonne probablement pour tous ceux qui n'ont pas pu ou vu appliquer ce précepte comme un objectif salvateur. Aussi à la fois pour former, impliquer et intéresser ses étudiants, H. Barrows avait créé un jeu de rôle basé sur des cartes qui permettaient de cheminer dans une démarche diagnostique à l'aide d'un patient fictif. Professeur de neurologie, son premier patient fictif devait évoluer et interagir comme un malade atteint de sclérose en plaque avec paraplégie.
La technologie ayant fait les avancées que l'on connait, le champ du jeu sérieux et de la simulation en santé a atteint des niveaux non imaginables il y a peu. Un étudiant s'entrainera à perfuser ou suturer sur un bras artificiel et un jeune chirurgien apprendra les techniques de coeliochirurgie sur des simulateurs qui le guident, l'évaluent et le font progresser jusqu'à être apte à réaliser une première intervention sur un patient. Mais le monde de la technologie et du jeu se met aussi au service direct des patients et en particulier de nos ainés. C'est une publication dans la revue Nature en 2013 qui a donné ses lettres de noblesse scientifique aux "serious games". Les auteurs ont utilisé le jeu Neuroracer qui entraine un sujet à réaliser des taches multiples à savoir maintenir sa voiture au centre de la route tout en reconnaissant et associant des symboles via leur forme et leur couleur.
Doper les performances
Les auteurs avaient déjà démontré auparavant avec ce jeu que l'aptitude à réaliser des taches multiples décroit inexorablement avec l'âge sans intervention spécifique. Cette fois les auteurs ont étudié trois groupes de quinze sujets âgés de plus de soixante ans. Deux avaient un entrainement d'une heure par jour, trois fois par semaine pendant quatre semaines avec une tache simple limitée à la conduite pour le premier et avec des taches multiples pour le second. Le dernier groupe servait de témoin sans jouer. L'évaluation initiale des trois groupes avec Neuroracer montrait des résultats conformes à l'âge des personnes. Au décours du mois d'étude le groupe témoin n'a pas bougé mais par contre le groupe entrainé à une tache simple a atteint le niveau de performance spontanée de personnes de 30 ans. Celui préparé aux taches multiples dépasse, lui, toutes les performances naturelles mesurées chez des jeunes de 20 ans. Et six mois, après ce succès persiste avec une très légère décroissance de l'aptitude.
Et vous, êtes vous prêt à jouer ?
En savoir plus :
http://www.edu.upmc.fr/medecine/pedagogie/CHABOT/mars%202013/rdp10_edito_chabot.pdf