L'entretien annuel, également appelé entretien d'évaluation, vise à faire un bilan du travail accompli par un salarié durant l'année écoulée. Il est aussi l'occasion de fixer des objectifs pour l'année à venir et d'y discuter des propositions de formation, de nouvelles missions... En pratique, certaines organisations de travail le couplent avec l'entretien professionnel. Retour d'expérience avec deux directrices de ressources humaines (RH) dans le secteur médico-social associatif.
L'entretien annuel, exercice imposé et moment d'échange privilégié
Chaque année, c'est un peu la même ritournelle. En début ou fin d'année, les entreprises se mettent à l'heure des entretiens annuels. Plutôt bien perçus des personnels, ils sont pour les encadrants tantôt un exercice obligé tantôt l'occasion d'un échange privilégié avec, en toile de fond, une réelle dimension managériale. Ils rythment quoi qu'il en soit bien souvent la vie des entreprises côté RH comme côté encadrement.
Un outil d'évaluation et de pilotage RH
L'entretien annuel est en fait un outil d'évaluation qui a pour visée principale d'apprécier les aptitudes professionnelles des salariés durant l'année écoulée et de faire le point sur la réalisation des objectifs fixés lors du précédent entretien. Ce bilan avec le supérieur hiérarchique (N+1) est aussi l'occasion de préparer l'année à venir en fixant de nouveaux objectifs, en anticipant d'éventuels besoins de formation et/ou évolutions de poste/fonction, mobilités... En cela, il s'agit donc également d'un outil de pilotage des activités des ressources humaines de l'entreprise. « C'est un outil utile pour fonder le plan de formation, et repérer les talents et les compétences », explique Morgane Moineau, directrice des ressources humaines (DRH) du groupe Arpavie. « Suite à la fusion1, nous avons travaillé un entretien sur la base des compétences clés et transverses à détenir, avec une appréciation du collaborateur (critères de 1 à 4, 4 étant le meilleur) ». Et d'ajouter : « L'entretien annuel vise à apprécier non pas la personne mais ses compétences », l'idée étant de « travailler sur une cartographie des compétences ». Une vision du dispositif également partagée par Sophie Inserguex, DRH au sein de l'association Monsieur Vincent qui l'a uniformisé à l'ensemble de ses établissements depuis 2015-2016 : « C'est un bilan de l'exercice écoulé, avec fiche de fonction à l'appui, et objectifs, lequel sert au plan de formation pour l'année à venir. [...] Au sein de l'association, il est réalisé tous les ans en lien avec l'entretien professionnel ».
Modalités à respecter
Légalement, et à la différence de l'entretien professionnel 2, l'entretien annuel n'est pas obligatoire. Cependant, il peut l'être par un accord collectif ou une convention collective. C'est le cas notamment pour les cadres lorsqu'il a été conclu une convention de forfait sur l'année, c'est-à-dire un accord par lequel est définie une durée de travail au-delà de la durée légale assortie d'une rémunération forfaitaire. L'employeur devra alors « respecter les dispositions prévues (entretiens d'évaluation obligatoires, périodicité et contenu de ces entretiens...) sous peine d'indemnisation des salariés. » 3
Quoi qu'il en soit, « un salarié ne peut pas refuser d'être évalué par son employeur, s'il a préalablement été informé des méthodes et techniques d'évaluation professionnelles utilisées dans l'entreprise. Elles doivent être objectives et transparentes (pas de critères d'évaluation discriminatoires, ni de critères susceptibles de générer du stress). » 3
En pratique
En amont de l'entretien proprement dit, il n'est pas rare que le salarié ait eu à compléter une grille d'appréciation qui servira de support à l'entretien le moment venu. « Nous avons mis au point une grille des compétences clés pour un poste, avec des objectifs pour l'année à venir. Cela permet ainsi de fixer des objectifs communs pour un service, le salarié et l'association », précise la DRH du groupe Arpavie. En pratique, « le collaborateur s'auto-évalue via la grille informatisée reçue, puis la transmet à son manager qui pourra la compléter lors de l'entretien. À l'issue duquel ce dernier la retournera alors cosignée au service RH » poursuit la DRH. Précisons ici que si un compte-rendu lui a été remis, le salarié n'est toutefois pas obligé de le signer. Une grille préremplie sert aussi de canevas au sein de l'association Monsieur Vincent. Mais « pour positiver l'exercice », il a été convenu que l'entretien débute sur « le témoignage d'une expérience marquante positive qui s'est déroulée pendant l'année », indique Sophie Inserguex.
À noter, la trame de la grille peut différer selon le statut du salarié (cadre ou non). C'est le cas par exemple chez Arpavie où est abordée, pour les cadres seulement, le sujet de la charge de travail (adaptation du forfait jour à la force de travail, articulation salaire/poste). « Une obligation légale pour le cadre » rappelle Morgane Moineau.
Quant à savoir s'il est ou pas opportun d'aborder la question de la rémunération, les deux DRH répondent à l'unisson : « On y parle pas de rémunération », souligne la DRH du groupe associatif Arpavie. « Y évoquer la rémunération est totalement déconnecté, tout comme il ne s'agit pas non plus d'un entretien de sanction », renchérit sa collègue de l'association Monsieur Vincent. Néanmoins, à l'issue de l'évaluation un employeur peut décider de proposer, par exemple, une augmentation de la rémunération ou une promotion à un collaborateur.
Enfin, au niveau timing, lorsqu'ils sont prévus chaque année, les entretiens se déroulent fréquemment au second semestre. « Chez Arpavie, la campagne est lancée en novembre via l'envoi des grilles et les entretiens s'effectuent dans la foulée jusqu'en février » témoigne Morgane Moineau. « Chez nous, la période est un peu open. Certains établissements les démarrent dès l'été, d'autres plus tard. Généralement, cela se fait avant la fin de l'année en vue du plan de formation », renchérit, sa collègue de l'association Monsieur Vincent.
Une lourde charge pour les opérationnels
En Ehpad, comme dans la plupart des secteurs d'activité, ce sont les opérationnels qui sont à la manoeuvre. Soit les cadres de santé et cadres hôteliers la plupart du temps qui se répartissent chacun une bonne part de l'effectif, les directeurs d'établissement se focalisant, quant à eux, essentiellement sur les personnels administratifs et techniques. Une charge, il va s'en dire, conséquente compte tenu de la durée de ces entretiens (45 min-1h15 voire un peu plus pour les plus bavards et les profils cadres).
Toujours est-il, on retiendra que l'entretien annuel est l'un des outils de la gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC), lequel prend en compte les aspirations des collaborateurs et les met en lien avec les besoins de l'employeur afin de construire une politique de développement RH ambitieuse.
Danielle Julié, Richard Capmartin
Cabinet RC Human Recruitment