S'habiller est bien plus qu'un besoin fonctionnel. Cela contribue à maintenir l'estime de soi et améliorer la qualité de vie. En Ehpad, des actions sont possibles pour redonner une meilleure place au vêtement et soutenir l'envie de s'habiller, malgré les douleurs.
L'habillement en Ehpad : enjeu de bien-être et d'autonomie
Sujet de nombreuses crispations avec les résidents ou les familles, l'habillement est souvent chronophage dans les Ehpad. L'urgence et le quotidien conduisent à adopter des solutions rapides, comme des combi-pyjamas ou des blouses. Or le sujet du vêtement mérite que l'on s'y attarde. « Il y a beaucoup d'impensés sur le sujet », explique Annie de Vivie, directrice des formations Humanitude.
Essentiels pour l'estime de soi
Le vêtement joue un rôle multiple, au-delà de cacher la nudité : il doit être confortable pour encourager la marche et la station verticale, facile à enfiler pour développer l'autonomie de la personne, pratique à défaire lors des soins et fidèle à la personnalité des individus. « Nous sommes des êtres sociaux et vêtus. Le vêtement met en valeur les particularités d'un être », ajoute Annie de Vivie. « Il faut faire en sorte de prolonger cette fonction, malgré des éventuels troubles cognitifs », estime pour sa part Pascal Frisicaro, directeur de l'Ehpad privé Léopold-Cartoux à Aix-en-Provence. Et de citer ce résident qui, tous les jours, arbore un costume cravate : « C'est compliqué pour les équipes de l'aider à s'habiller, mais c'est son choix et son histoire de vie. Le vêtement est très important pour maintenir l'estime de soi », enchaîne le directeur. Il favorise les échanges sociaux. Le petit chemisier bien repassé joue un rôle dans le plaisir de recevoir sa famille ou l'envie de sortir de sa chambre.
La gestion fastidieuse du linge
Mais la réalité n'est pas toujours simple. « Le linge est un problème permanent dans les établissements, source d'épuisement pour les habitants, les familles et les équipes », pointe Annie de Vivie. Aux chaussettes dépareillées et aux vêtements égarés s'ajoutent des pulls miniaturisés et des chemises déteintes... L'habillement requiert un élément précieux que les équipes ont rarement : du temps. La tenue à jour des trousseaux individuels des résidents n'est pas systématique. « Il y a dix ans, les Ehpad étaient pourvus de lingeries gérées par une ou deux lingères. Elles avaient les compétences pour effectuer des retouches et marquer le linge. Ces fonctions ont disparu. Sauf cas exceptionnel, le linge est aujourd'hui entretenu par une blanchisserie industrielle », assure Juan Da Silva, fondateur de la marque Elicris.
Défilés de mode, boutiques éphémères...
Certains établissements tentent d'accorder aux vêtements une bonne place. Ils accueillent, par exemple, des boutiques éphémères de vêtements adaptés aux besoins des résidents âgés. Le Comptoir de l'Hirondelle y organise même des défilés de mode d'habitants. Ils mettent en scène, de façon ludique, des vêtements neufs proposés à la vente. Pascal Frisicaro, directeur de l'Ehpad Léopold-Cartoux, a, pour sa part, plutôt choisi de recycler les vêtements en bon état d'anciens résidents. Disposés dans un showroom, ils ont l'avantage d'être gratuits. « Cela permet aux personnes ayant peu de moyens de sélectionner leurs vêtements », ajoute le directeur de cet établissement qui accueille des résidents habilités à l'aide sociale.
Pour un « pressing » dans l'Ehpad...
Ces actions visent à maintenir l'envie de s'habiller soi-même. Dans cette même veine, Annie de Vivie prône la création d'un pressing interne plutôt qu'une lingerie. Les mots sont importants. « On invite les résidents à marcher et à participer à l'entretien de leurs vêtements », explique-t-elle. L'installation de machines à laver dans les unités de vie est aussi une piste à explorer. Pour éviter que les vêtements soient abîmés, on peut demander aux familles de prendre en charge le lavage du linge délicat. « Elles doivent être associées pour repenser le circuit du linge et le rendre le plus efficace possible », conseille Annie de Vivie.
... et des vêtements customisés
Enfin, entre le moment où une personne est valide et celui où elle se déplace en déambulateur ou en fauteuil roulant, les habitudes vestimentaires évoluent. Pantalon élastiqué, gros boutons en faible nombre, soutien-gorge gilet avec fermeture devant, vêtement ample et muni d'élasthanne, etc., facilitent l'habillement autonome le plus longtemps possible et limitent les douleurs. Quand les personnes sont handicapées, il peut être intéressant de faire appel à des couturiers ou retoucheurs pour adapter les vêtements. Colette Marcotorchino, présidente bénévole de l'association Églantine de l'hôpital gériatrique Bretonneau de l'AP-HP dans le 18e arrondissement de Paris, conçoit de nombreux modèles. « Je couds des pressions sur le côté des pantalons que l'on pose sur le lit. Le patient s'allonge dessus : cela facilite le travail de l'aide-soignante », explique-t-elle. Elle a aussi imaginé de bricoler les chemises des patients en cousant le devant et en ouvrant l'arrière. Ils se ferment dans le dos avec des boutons et évitent les contorsions. C'est une alternative à la blouse médicalisée, pour des personnes qui sortent peu de leur chambre. Elles continuent ainsi à porter leurs propres vêtements.