Le mois dernier, pour évoquer la société de la longévité, nous avons insisté sur la nécessité de repenser le parcours de vie des plus âgés. Il s'agit aussi de s'inscrire dans une logique de qualité de la vie et qualité du soutien aux aidants comme aux professionnels du care.
L'habitat face à la société de la longévité
On évoque souvent, à raison, la transition énergétique. On peut, en miroir, défendre la notion et la dynamique de transition démographique. L'une et l'autre sont finalement très complémentaires, très solidaires ; y compris dans la démarche de prévention : soutien à l'autonomie et efficience énergétique dans les logements favorisent la vie à domicile. Ces deux sujets se rejoignent d'autant plus que 50 % des 4 millions de personnes en précarité énergétique sont des seniors...
Relier les deux démarches s'inscrit dans un processus d'innovation sociale qui favorise la qualité de vie comme la préservation de l'environnement : prévention de la précarité énergétique ; prévention de l'isolement ; approche personnalisée en fonction du mode de vie de la personne... La prévention est un ensemble qui va de lutter contre l'isolement et pour le soutien au couple aidant/aidé, à réduire le nombre de chutes à domicile, favoriser l'activité physique adaptée ou améliorer la performance énergétique du logement.
Cette démarche implique aussi la valorisation des professionnels du soutien aux personnes fragilisées, que ce soit en termes de soin comme d'accompagnement social dans le logement. « L'âme a besoin de reconnaissance », rappelait Simone Weil[1].
Et les aidants ?
Au-delà, pour prendre en compte réellement les modes de vie de celles et ceux qui avancent en âge, il apparaît nécessaire d'analyser le logement dans une perspective de couple aidé/aidant ou aidé/professionnels du soin. Il s'agit alors de penser une approche qui considère l'habitat comme un lieu de vie ET un lieu de travail, pour ne plus proposer une analyse cloisonnée à une situation d'urgence uniquement orientée sur les problématiques de l'aîné.
La transversalité, clef de la réussite
Pour se faire, il s'agit de développer des actions solidaires de proximité qui contribuent à l'inclusion sociale et qui trouvent une réalité économique pertinente[2]. Soulignons aussi le potentiel d'une démarche comme celle du réseau francophone Villes amies des aînés qui, à partir des travaux de l'OMS, initie une vision transversale de la prise en compte de la question senior par le territoire. La question de la santé est l'un des huit axes d'intervention, mais cela implique aussi de penser les mobilités, l'habitat, la participation sociale des seniors... L'idée étant de mobiliser les services et les acteurs en fonction des situations locales. D'autres démarches transversales apparaissent, en particulier de la part du monde HLM. Les conseils départementaux sont aussi à l'initiative pour lancer, accompagner et démultiplier des initiatives de la société civile dans le territoire.
Dans cette optique, aller vers des formes d'habitats inclusifs ouvre de belles perspectives.
Serge Guérin
Professeur à l'INSEEC GE. Parmi ces derniers ouvrages : La société résiliante (avec V. Fournier), Fauves, 2022, Au services de la vie, Les métiers du service à la personne, Fauves, 2021, Les Quincados , Calmann-Lévy, 2019 et co-auteur de La Silver économie, La Charte, 2018 et de La guerre des générations aura-t-elle lieu ?, Calmann-Lévy, 2019