Dans le n° 60-septembre 2015  -  Vivre sa séniorité  5004

L'habitat se place au coeur de la société de la longévité

La transition démographique inédite que nous vivons, conjugue allongement de la vie, croissance du nombre de sexagénaires et changement dans les manières de vivre sa seniorité. Elle se déroule sur fond de contraintes budgétaires, de raréfactions des moyens publics destinés aux plus âgés et de rapports tendus avec les institutions. Ces faits sociaux influencent largement la problématique de l'habitat.

Si trop longtemps, on a pensé de manière binaire "maintien à domicile" contre "tout ehpad" pour faire face au vieillissement de la population, il ressort aujourd'hui que le désir affirmé de la Silver Génération est , au contraire, de bénéficier d'une diversité des possibles.

Si la demande majoritaire des seniors vise à vieillir chez soi, il n'en reste pas moins que 888 000 silvers vivent dans des habitats collectifs. Ce sont d'abord les 570000 âgés qui sont hébergés en maisons de retraite médicalisées et les 165000 qui sont en établissement de soin long séjour. Sans compter les 153 000 qui vivent en résidences autonomie (logement social) ou en résidences service. Il y a fort à parier que la demande va aller croissante pour des solutions hybrides, diversifiés, "hors les murs", partagées...

L'habitat est donc au coeur de ces mutations. D'autant que c'est un élément central de l'identité des plus âgés. S'il est adapté aux évolutions physiques des personnes concernées et inséré dans un espace de vie sécurisant permettant de conserver, voire dynamiser, la sociabilité, il contribue de manière décisive à vieillir au mieux. Cela implique le plus souvent qu'un professionnel assure une présence et une animation de la vie sociale.

Il doit être soutenu, si possible, par une mobilisation du tissu associatif mais aussi des collectivités proches (ville et département) et du secteur privé.

Mais que l'on pense établissement médicalisé, habitat accompagné ou domicile, il est nécessaire de penser un écosystème global : transports, bancs, éclairage public, lieux d'aisance, sécurité, participation sociale des seniors... c'est tout l'espace public, tout le quartier, tout le village, toute la ville qui doit d'adapter. Au-delà, on ne doit pas s'interdire l'innovation dans l'habitat et dans les établissements d'accueil: formules d'habitat regroupé, démarches intergénérationnelles, organisation de partages de services entre résidents, mutualisation d'équipements et de locaux, ouverture des résidences autonomie vers l'extérieur, mobilisation des habitants pour des travaux collectifs afin de réduire les charges locatives...

Au sein des maisons de retraite médicalisées, comme des résidences autonomies, l'innovation technologique et sociale doit accompagner -dans la mesure du possible et en fonction des publics accompagnés- l'ouverture vers l'extérieur, permettre au voisinage comme aux familles de venir se restaurer, faire de la gym ou participer à des activités organisées sur place. De la même manière, ces lieux devraient être des plates-formes pour dispenser des soins, des conseils, de la prévention.... Face au manque de moyens et à l'évolution des attentes des personnes et de leur entourage, il y aura de plus en plus de formules "à la carte", permettant, par exemple, une forme de résidence alternée entre la maison de retraite et le chez soi (ou dans la famille).

Là encore, il faudra d'abord faire la révolution dans les têtes... et dans les normes.

Il faut penser l'habitat comme l'établissement avec ses pieds et avec son ordinateur! En effet, ce qui compte c'est l'environnement proche en termes d'offres de services et de commerces, de sécurité et de bonne ambiance. De leur côté, les technologies numériques permettent de rapprocher la personne de différents services, en particulier de santé ou de culture et de loisirs.

L'enjeu est de trouver le meilleur compromis possible entre l'exigence de surveillance et de sécurisation des personnes- qui parfois peut tutoyer des formes proches du carcéral en s'appuyant sur les possibilités technologiques- et la nécessité d'accompagnement personnalisé et bienveillant. Il n'y a pas de recette miracle, il y a des femmes et des hommes qui doivent être soutenus, formés et accompagnés pour les aider à faciliter au mieux la vie quotidienne des personnes fragilisées.

Serge Guérin

Sociologue

Professeur à l'INSEEC

Auteur de "Silver Génération. 10 idées reçues à combattre à propos des seniors"

01/10/2024  - Ce qui se voit...

Luxe, calme et propreté

S'il est bien une condition indispensable au bon fonctionnement des Ehpad, c'est à n'en pas douter l'hygiène des locaux. Nettoyage, bionettoyage, hygiène du linge... Les consignes et protocoles ne manquent pas pour assurer l'organisation et l'évaluation de ces tâches quotidiennes. Et pourtant, ce travail reste invisible. Ou plutôt, il n'est visible que quand il n'est pas fait. Paradoxe ?
01/10/2024  - Billet

Les vieux aussi !

Serge Guérin me pardonnera de paraphraser le titre de son dernier ouvrage en date* pour titrer mon billet. Vous l'avez lu ou en connaissez le thème : bousculer les idées reçues sur le désintérêt des « vieux » en matière de gestes écologiques et solidaires. Tribune pour répondre à ceux qui pensent que ces générations issues de la deuxième guerre mondiale et des années cinquante ont abusé des trente glorieuses et se moquent des incidences climatiques et générationnelles futures. Elles pourraient pourtant donner des leçons d'économies à beaucoup en matière d'eau, de déchets et de courage. Une anecdote a fini de me convaincre. Récemment par une belle journée je me dirigeais vers la déchetterie suite à des travaux de jardin et je vis sur le bord de la route une personne âgée, courbée et tirant deux chariots utilisés pour les courses. Je me fis la remarque du courage de cette personne sachant que le commerçant le plus proche était à bonne distance. Sur la route de mon retour, je la revis. Quelle ne fut pas ma surprise de constater qu'en fait cette dame âgée ramassait des deux bords de la route les déchets que les « clients » de la déchetterie laissaient tomber de leurs remorques en roulant. Je ralentis pour en avoir la certitude et raconter ce vécu à l'ami Serge. Plus encore, je décidais en ces temps riches d'à priori primaires d'en faire le thème de ce billet. Méfions-nous de ces raccourcis trop faciles. Oui, les vieux « aussi » sont sensibles à ces sujets qui mobilisent beaucoup de jeunes, à juste titre. Gardons-nous de ces clichés clivants. Demain ne pourra se construire qu'en faisant société, intelligemment, avec tolérance et respect. Et dès lors, même si mon propos est naïf, il fera bon vivre ensemble. ...
01/07/2024  - Billet

La victoire appartient au plus opiniâtre

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01/06/2024  - Toucher

Découvrir le corps

Toucher des corps qui ne sont ni les nôtres ni ceux des proches aimés. Les couvrir et les découvrir, au gré des soins et des besoins de chacun. Les toucher avec pudeur et respect, dans l'intimité d'une chambre. C'est notre quotidien de soignants, qui prenons soin de ceux qui ont besoin d'assistance pour les actes simples de la vie.
01/06/2024  - Partie I

Virage domiciliaire: Les risques du tête à queue...

Le « virage domiciliaire » est une formule qui sent bon la novlangue administrative et le poncif bureaucratique. Voici des années que ce virage est annoncé, que de nombreuses caravanes publicitaires stationnent sur les aires d'autoroute de la seniorisation... Pour autant, le bilan est maigre.
16/05/2024  - Billet

Éloge du temps

Le débat sur la fin de vie est en cours. Tel un marqueur politique nécessaire, il a été décidé d'en accélérer la réflexion. Il est vrai que le sujet est plus que sensible car on le constate déjà, la sémantique le dispute au fond. On évoque un « modèle français », qui de mon point de vue sera difficile non seulement à construire mais aussi à mettre en oeuvre. Il a été dit qu'il fallait donner du temps au temps. Et cette formule est reprise bien souvent et complaisamment. Sans vouloir procrastiner, car il est légitime qu'une société évolue, j'ai pour autant l'humilité de penser que notre pays est assez enclin à légiférer et « sur-légiférer » sans s'assurer de la réelle application des lois déjà votées. Un consensus se dégage ainsi pour affirmer qu'en matière de fin de vie, la douleur est le facteur essentiel. Et que le nombre de places en soins palliatifs est non seulement insuffisant mais géographiquement injuste. Le sujet presque tabou est difficilement évoqué. Triste constat. La loi Claeys-Leonetti est incomprise, souvent non mise en oeuvre. Elle correspond pourtant à un encadrement important et nécessaire de ces moments si difficiles. ...
01/05/2024  - Billet

Marqueurs de bienveillance

Les débats sur la loi « Bien vieillir » agitent les acteurs du secteur médico-social. Le grand public est plus préoccupé par d'autres sujets sociétaux, anxiogènes et médiatiquement plus à la « une ». Encore une fois, le grand âge est victime du syndrome de l'indifférence et d'un manque de volonté politique face au mur qui se rapproche de plus en plus. C'est un combat permanent, lassant, décourageant souvent, mais essentiel cependant selon le terme si employé lors de la récente pandémie. ...
01/05/2024  - Partie IV

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Pour poursuivre notre série sur la valorisation des métiers du care, évoquons les initiatives visant à améliorer très concrètement le quotidien des femmes et des hommes (surtout des femmes) qui travaillent auprès des plus fragiles.
01/05/2024  - Chronique

Et si on arrêtait de cacher les vieux?

La France des vieux, c'est la France du passé, la France d'hier. Place aux jeunes, à la modernité et à l'innovation digitale ! Bien entendu, je ne suis pas sérieux... Je vous imagine déjà sursauter...