Loin de notre grisaille métropolitaine, je vous emmène aujourd'hui à Mayotte dans l'océan Indien.
L'habitat transitoire : une réponse innovante aux défis du vieillissement
Ce département est souvent associé à sa jeunesse démographique, avec plus de 50 % de sa population ayant moins de 20 ans et un âge moyen de la population de 23 ans. Pourtant, Mayotte n'échappe pas à la transition démographique : la population des 60 ans et plus, estimée à 13 300 en 2023, pourrait doubler d'ici 2030. Dans ce contexte, l'habitat transitoire émerge comme une solution adaptée pour répondre aux besoins spécifiques des seniors tout en respectant les particularités culturelles et sociales de l'île.
Un vieillissement à anticiper dans un contexte économique fragile
Avec 77 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté et un revenu médian six fois inférieur à celui de la Métropole (250 euros par mois), les seniors mahorais évoluent dans une précarité économique marquée. De plus, les structures d'accueil adaptées, telles que les Ehpad ou les logements spécifiques pour seniors, sont inexistantes (le premier appel à projet d'Ehpad a été lancé au printemps dernier). La solidarité familiale, qui a historiquement soutenu les aînés, s'effrite progressivement sous l'effet des mutations sociales et économiques, notamment avec l'augmentation de la participation des femmes au marché du travail et au départ des jeunes Mahorais vers la Métropole.
Une solution ancrée dans les traditions
Nous venons d'y mener une étude pour une collectivité locale qui démontre que l'habitat transitoire, défini comme un logement temporaire et modulaire, offre une réponse flexible et économique. À Mayotte, son intégration dans les cours des bangas traditionnels permet de conjuguer modernité et respect des pratiques culturelles. Ces cours, espaces centraux de la vie familiale et communautaire, peuvent accueillir des unités adaptées pour les seniors.
Cette approche offre plusieurs avantages : elle maintient les seniors au coeur de leur environnement familial, préserve leur lien avec la communauté et réduit leur isolement. Contrairement aux structures classiques comme les Ehpad, ces logements permettent de préserver la solidarité intergénérationnelle tout en favorisant l'autonomie des aînés. En outre, ils permettent de favoriser la transmission du vivant du patrimoine immobilier car les familles peuvent ainsi plus facilement s'installer dans la maison principale.
Des défis à relever pour un projet durable
Pour réussir, ce modèle innovant nécessite une forte implication des acteurs locaux et des familles. Le financement reste un enjeu majeur, avec un besoin de subventions couvrant entre 30 % et 50 % des coûts.
La gestion et l'entretien des unités devront également être assurés par une structure dédiée, garantissant leur pérennité et leur adaptation aux évolutions des besoins des seniors.
Lorsque nous arrivons à Mayotte, nous comprenons tout de suite l'importance d'adapter nos réponses aux besoins locaux. Le copier-coller de modèles métropolitains est voué à l'échec. Ce qui fonctionnera à Mayotte n'est pas nécessairement adapté ailleurs et inversement, d'où l'importance de réaliser des études en amont et de redonner de la noblesse aux disciplines telles que la sociologie, la psychologie, l'anthropologie ou encore la géographie !
Pierre-Marie Chapon
Président de Domelia Conseil