Le rôle de l'HAD est appeler à se développer et à se professionnaliser encore plus. Elisabeth Hubert, présidente de la FNEHAD, rappelle les limites de son action définies par les autorités mais aussi ses perspectives dans le cadre de l'accent mis sur le maintien à domicile et l'évitement du recours à l'hospitalisation conventionnelle.
L'HAD est une passerelle entre les domaines sanitaire et médico-social
Quelle est l'identité et les buts de la FNEHAD et que représente-t-elle?
La Fédération Nationale des Etablissements d'Hospitalisation A Domicile (FNEHAD), est la seule fédération spécifiquement dédiée à l'HAD. Elle regroupe plus de 230 établissements d'HAD installés sur le territoire métropolitain et ultra-marin quel que soit leur statut juridique (public, privé non lucratif, privé lucratif). Ces structures ont réalisé plus de 90% des journées d'hospitalisation à domicile en 2011.
Cette très large représentativité permet à la FNEHAD de siéger dans toutes les régions au sein du Comité national d'organisation sanitaire et sociale et des Conférences régionales de santé et de l'autonomie, à travers ses délégués régionaux.
La FNEHAD remplit 4 missions essentielles:
- Elle assure la promotion de l'identité et du rôle de l'HAD;
- Elle oeuvre au développement de l'HAD sur tout le territoire national afin d'en favoriser l'accès à toute la population:
- Elle mutualise et promeut l'expérience de ses adhérents;
- Elle représente ses adhérents et en défend les intérêts.
Quel est le rôle actuel des HAD dans le "parcours du patient"?
L'Hospitalisation A Domicile est une hospitalisation à part entière qui permet d'assurer, au domicile des patients, des soins médicaux et paramédicaux continus et coordonnés en associant le médecin hospitalier, le médecin traitant et tous les professionnels paramédicaux et sociaux. L'HAD peut intervenir à plusieurs étapes du parcours du patient: en aval d'une hospitalisation avec hébergement ou en évitement de celle-ci, mais également en amont ou en aval d'une prise en charge par un SSIAD.
En effet, l'hospitalisation à domicile est une passerelle entre les domaines sanitaire et médico-social, et entre les secteurs hospitalier et ambulatoire. Elle permet, par les compétences qu'elle réunit, médicale, soignante et psychosociale, de répondre à des difficultés de nature différente et surtout éminemment évolutives dans le temps : l'HAD est ainsi un élément concret du parcours de soins, concept souvent évoqué mais rarement effectif.
L'HAD intervient peu dans les EHPAD. Quelles en sont les raisons ?
Quel serait l'intérêt de développer cette relation et des interventions plus fréquentes ? L'ouverture du périmètre d'intervention de l'HAD aux EHPAD a été effective en 2007. Le démarrage de cette activité, depuis cette date, a en effet été lent, mais on compte aujourd'hui bon nombre d'établissements qui collaborent régulièrement avec les EHPAD de leur territoire d'intervention, certains y consacrant même une part non négligeable de leur activité.
Les freins à ce développement sont divers : caractère chronophage des démarches liées à cette coopération (temps d'échange indispensable, prise de connaissance mutuelle, élaboration de la convention et répartition des charges, etc.), limitation des modes de prise en charge autorisés, manque de connaissance de l'HAD de la part des prescripteurs libéraux et des médecins coordonnateurs 'EHPAD et encore trop souvent réflexe de transférer les résidents en établissement de santé avec hébergement plutôt que de solliciter une HAD. Autant de difficultés qui ont contribué à ralentir la montée en charge des hospitalisations à domicile en EHPAD.
Pourtant, l'HAD constitue, pour ces personnes particulièrement vulnérables, une réelle plus-value et leur offre une chance de vivre plus longtemps dans leur environnement habituel, en raccourcissant ou en évitant des hospitalisations souvent traumatisantes et en les accompagnant jusqu'à la fin de leur vie, aussi lourds soient les soins à délivrer.
Mais forts de la nouvelle impulsion donnée par l'ouverture de l'HAD à l'ensemble des établissements sociaux et médico-sociaux avec hébergement, les établissements d'HAD souhaitent davantage s'investir dans ces prises en charge à l'avenir. Gageons que l'accompagnement des tutelles dans cette démarche encouragera ce déploiement.
Quelles prises en charge sont envisageables ?
Les possibilités de prise en charge de l'HAD en EHPAD sont plus réduites qu'au domicile "classique". En effet, l'arrêté du 24 mars 2009 précise et encadre les modes de prise en charge autorisés: peuvent être ainsi réalisés, notamment, l'assistance respiratoire, la nutrition parentérale, les traitements intraveineux, les soins palliatifs ou encore des pansements complexes. Autant de possibilités d'intervention qui augmentent tout de même les chances pour ces patients d'être soignés dans leur environnement familier.
En revanche, il est à noter que tous les modes de prise en charge de l'HAD sont admis pour les interventions en établissements sociaux et médico-sociaux avec hébergement, notamment pour personnes handicapées (MAS, FAM, etc.) autres qu'EHPAD. C'est peut-être là une piste de réflexion et une voie à étudier pour moins restreindre les interventions des HAD en EHPAD.
Les autorités encouragent cette démarche depuis les décrets de 2007, 2009 et plus récemment avec l'ouverture au secteur social. Le rapport Jacob va aussi précisément dans ce sens.
Comment expliquez-vous le manque de motivation et quelles actions envisagez-vous de mettre en oeuvre ?
La motivation de coopérer de nos établissements est réelle. Il s'agit surtout de leur donner toutes les cartes en main pour réaliser ces prises en charge dans les meilleures conditions, de communiquer et d'expliquer ces nouveaux dispositifs.
Des actions de communication sont actuellement menées en régions et la FNEHAD a consacré l'un des ateliers de ses journées nationales à l'intervention de l'HAD en établissements sociaux et médico-sociaux. Ce temps fort de notre fédération a réuni plus de 300 professionnels d'HAD autour des enjeux de l'HAD et des sujets d'actualité; c'est donc un lieu privilégié d'échange et de partage d'expériences.
Le dispositif règlementaire a été expliqué à nos adhérents et des établissements d'HAD qui ont déjà réalisé de telles interventions, à titre dérogatoire, ont témoigné de leur expérience pour en tirer les leçons: nous avons soulevé les points essentiels de ces collaborations et les écueils à éviter pour garantir la meilleure prise en charge possible à ces patients particulièrement fragiles, dans un partenariat constructif avec ces établissements.
Ces démarches de communication et d'accompagnement seront renouvelées dans l'année afin de consolider l'impulsion donnée par cette ouverture du champ de l'HAD. En parallèle il appartient aux associations ou syndicats fédératifs des EHPAD d'également de développer la communication auprès de leurs adhérents en faveur des interventions des établissements d'HAD dans les EHPAD et de les encourager à tout le moins a des prises de contact à l'échelon régional avec les délégués de la FNEHAD voire au niveau local directement avec les établissements.
Quelles pistes souhaiteriez-vous mettre en avant pour concilier le besoin de soins de grande technicité et le confort du domicile ?
Les établissements d'HAD ont considérablement progressé en matière de qualité et de sécurité ces dernières années, en raison notamment des exigences de la certification à laquelle ils sont soumis, au même titre que les établissements de santé avec hébergement. Cette professionnalisation devrait croître encore à l'avenir, grâce à l'acquisition de compétences en hygiène, en soins palliatifs, en douleur, en plaies et cicatrisation, à l'intégration dans les équipes d'HAD de qualiticiens, de diététiciens, d'experts en éducation thérapeutique, d'informaticiens, etc. Il s'agira également d'augmenter le temps médical au sein de nos structures et surtout d'assurer la mise en oeuvre de systèmes d'information performants.
Pour ce faire, les établissements d'HAD devront s'appuyer sur des avancées concrètes de la part des pouvoirs publics:
- Prise en compte sur un plan réglementaire de leurs spécificités d'établissement de santé au domicile, notamment en matière de gestion du médicament ;
- Implication de l'HAD dans le Plan hôpital numérique: la FNEHAD a réitéré sa demande d'un financement national dédié à l'HAD dans le cadre de ce chantier engagé par la DGOS pour amener les établissements de santé à s'approprier les systèmes d'information et les outils de télésanté. Il s'agit d'un enjeu majeur pour l'HAD qui, en raison de sa place charnière entre l'hospitalisation conventionnelle et le secteur ambulatoire, est un terrain privilégié pour engager ces projets.
- Aide financière dans les traitements coûteux: certains produits délivrés dans le cadre de l'HAD, souvent sur prescription hospitalière, pèsent actuellement dans les charges des établissements d'HAD, sans que cela n'ait été impacté dans leurs tarifs, contrairement à ce qui se fait pour les établissements d'hospitalisation conventionnelle. Nous avons obtenu sur ce point un engagement du Directeur Général de l'Offre de Soins, Jean DEBEAUPUIS.
L'HAD a donc encore de belles perspectives devant elle: les progrès des techniques d'exploration et des traitements, demain de la télémédecine, permettront qu'elle étende sa présence auprès de patients qu'aujourd'hui elle prend encore trop peu en charge, les patients isolés dans des territoires peu denses, bien sûr, mais aussi les enfants. Cette offre de soins peut, et doit pouvoir, de plus en plus, se substituer effectivement à l'hospitalisation conventionnelle: c'est une chance qu'il faut pouvoir donner à tous les patients et en premier lieu aux plus fragiles d'entre eux.