Dans le n° 149-mai 2023  - Tabou  14713

L'incontinence fécale : oser en parler pour adapter la prise en charge

L'incontinence anale ou fécale est un trouble fréquent chez les résidents d'Ehpad. Encore trop souvent taboue, elle implique pourtant une surveillance réelle et spécifique pour adapter la prise en charge.

Un patient sur deux vivant en institution souffre d'incontinence anale ou fécale[1]. Elle se définit par des pertes incontrôlées de matières fécales depuis plus de trois mois, excluant ainsi des épisodes ponctuels pouvant être liés à des diarrhées aiguës ou à un phénomène résolutif. Son retentissement sur la qualité de vie est lourd et représente un cofacteur de dépression. Chez des malades institutionnalisés, la persistance d'une incontinence anale est considérée comme un facteur de mauvais pronostic sur l'espérance de vie.

Différents types d'incontinence anale

Il existe deux grandes formes d'incontinence anale. L'incontinence par impériosité dite « active », qui se manifeste par la survenue de selles difficiles à retenir. Elle peut s'observer en cas de diarrhée chronique ou d'altération des fonctions de retenues de l'anus liée à des lésions périnéales, sphinctériennes ou neurologiques. En général, la personne ressent l'envie d'aller aux toilettes mais ne parvient pas à se retenir.

L'incontinence anale est qualifiée de passive dès lors qu'il y a une fuite de selles sans que le patient ne ressente le besoin d'aller aux toilettes. La constipation en est la première cause. Dans sa forme la plus avancée, elle peut conduire à des fécalomes, c'est-à-dire des bouchons de matières fécales. Particulièrement fréquente chez les personnes âgées, surtout en institution, elle peut être aggravée par l'alitement, la prise de médicaments (iatrogénie), les troubles cognitifs, la perte d'autonomie, la constipation fonctionnelle liée à l'âge ainsi que les troubles de l'exonération.

Anticiper et diagnostiquer

Pour éviter la survenue d'une incontinence fécale, la prévention est d'une importance majeure. Il faut porter une attention particulière à la baisse de la mobilité de la personne, son autonomie pour se rendre aux toilettes, une éventuelle iatrogénie médicamenteuse, l'augmentation de la fréquence de la constipation, et l'association d'autres pathologies dont les troubles cognitifs.

Le diagnostic doit être posé dès l'entrée de la personne en établissement par un questionnement ouvert, et d'autant plus que le vécu de l'incontinence est difficile à exprimer pour les patients qui ne disposent pas toujours de capacités pour la verbaliser. Cette pathologie étant souvent perçue comme « honteuse », il est indispensable d'interroger la personne âgée sur le port de protections, la fréquence et le type de fuites s'il y en a, les éventuels facteurs de risques comme des chirurgies proctologiques ayant causé des lésions sphinctériennes, des antécédents obstétricaux, des chirurgies digestives justifiant une perte de compliance du rectum ou une diarrhée, des lésions neurologiques ou encore une constipation chronique. Au moment du change, la présence de selles dans la protection doit être interprétée.

Prendre en charge

Pour prévenir l'incontinence anale passive ou éviter son aggravation, la mobilisation générale du résident doit être favorisée. Il peut être utile de revoir sa prescription pour limiter les médicaments favorisant la constipation et inciter le résident à se rendre régulièrement aux toilettes en instaurant une routine défécatoire quotidienne, tout en s'assurant de l'évacuation complète des selles. En Ehpad, la tenue d'un calendrier individuel des selles permet de dépister précocement une constipation. Le résident peut être soutenu par un régime riche en fibres et le maintien d'une bonne hydratation qui traite la constipation de manière diététique. Pour éliminer le risque de fuite dans la journée, la personne peut utiliser des produits laxatifs (laxatifs mucilages ou osmotiques) permettant une exonération complète. Il est également possible, en complément, d'utiliser des suppositoires évacuateurs. Enfin, le résident peut recourir à des irrigations coliques transanales afin de vider totalement le rectum le matin après le passage à la selle ; un acte qui ne présente aucune dangerosité pour le colon. L'éducation comportementale de la personne à toute son importance. Pour ce type d'incontinence, aucun examen complémentaire n'est nécessaire en première intention.

Pour l'incontinence par impériosité, il convient d'abord, par l'interrogatoire de la personne, d'éliminer la présence d'une diarrhée chronique. Si la diarrhée est ponctuelle, on peut en traiter la cause en ralentissant le transit et améliorer ainsi le confort du patient.

En l'absence de diarrhée, il est nécessaire de rechercher une atteinte spécifique à la fonction de retenue du rectum. Les raisons sont variées. Il peut s'agir d'un problème neurologique (démence, maladie de Parkinson, séquelles d'AVC). Des examens d'imageries (IRM) sont alors utiles pour établir le diagnostic étiologique. Les lésions peuvent aussi être sphinctériennes, le plus souvent post-chirurgicales ou post-obstétricales. Une écho-endoscopie ano-rectale permet de s'en assurer. Enfin, il est possible de mesurer les performances de retenue du sphincter avec une manométrie ano-rectale, c'est-à-dire un examen avec des sondes mesurant des pressions pour définir la capacité de distension du rectum et de contraction de l'anus.

L'ano-périnéale permet ici d'améliorer la situation par un renforcement de la contraction musculaire. En dernier recours, il est possible d'utiliser la neuromodulation.

L'incontinence fécale n'est pas une fatalité. Il faut oser en parler et savoir la dépister pour proposer une rééducation. Mais s'il est vrai qu'elle peut être difficile à mettre en oeuvre chez des personnes souffrant de troubles cognitifs. Des tampons d'obturation peuvent être proposés, mais ils sont souvent mal tolérés. Les protections restent une solution palliative très répandue, dont il faut savoir assurer la surveillance régulière afin de limiter les lésions cutanées secondaires.


Laure Martin avec la collaboration du Dr Damien Soudan

 Membre du Conseil d'administration de la Société nationale française de colo-proctologie (SNFCP)

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