Les EHPAD comptent en moyenne près d'un tiers d'admissions nouvelles chaque année. Lors des commissions d'admission, le médecin coordonnateur a un rôle clé. Le point avec le Docteur Gaël Durel, médecin coordonnateur, médecin traitant et membre du CA de la FFAMCO (Fédération française des associations de médecins coordonnateurs).
L'indispensable éclairage du médecin-coordonnateur
En matière d'admission de nouveaux résidents, chaque établissement a ses critères: filière gériatrique de proximité, priorité donnée aux résidants de la commune (EHPAD public territorial), durée d'inscription, critères de priorité spécifiques... L'urgence d'une situation peut aussi primer : 50% des admissions se font depuis l'hôpital. Quoi qu'il en soit, chaque dossier sera examiné en commission d'admission. Là, le médecin-coordonnateur, membre de droit, nourrira le débat avec le directeur de l'établissement, l'infirmière-cadre et, le cas échéant, le psychologue.
Un rôle consultatif
Dans ce contexte, le MC n'a qu'un rôle consultatif. C'est le directeur de l'établissement qui détient un avis décisionnaire, c'est donc lui qui prononce l'admission. Il s'appuie pour cela sur le projet d'établissement, les liens qu'il a établis avec d'autres structures, les pressions de son CA, les avis qu'il a recueillis.
Comparer les soins requis avec les soins possibles
Le MC éclaire sur la cohérence entre la charge en soins, le niveau du GMP en cours au sein de l'établissement et les soins requis par la personne demandeuse. Il dispose du dossier médical unique national (trop souvent incomplet). Il peut prendre contact avec le médecin-traitant du futur résident. Certains médecins-coordonnateurs font des visites de préadmission. Un cas de plus en plus rare car 50% des entrées se font depuis l'hôpital... et le temps de travail du médecin coordonnateur est rarement en adéquation avec les 13 missions qui lui sont confiées.
Quelques situations particulières:
- Personnes atteintes d'une obésité morbide et dotation de l'établissement avec du matériel de transfert adapté pour des poids supérieurs à 150 kg.
- Personnes à mobilité réduite et accessibilité des espaces de vie (escaliers ou portes non adaptées...)
- Sondages urinaires intermittents et présence Infirmière réduite le week-end
- Futur résident atteint d'un néoplasme terminal et capacité du personnel à s'engager sur un nouvel accompagnement de fin de vie alors que le deuil du résident décédé n'est pas encore fait.
Informer sur les coûts induits
C'est également au médecin-coordonnateur d'attirer l'attention du directeur sur les coûts induits par l'accueil d'un résident bénéficiant de traitements spécifiques. En effet, certaines pathologies entrainent des coûts très élevés. Dans la maladie de Parkinson par exemple, la prise en charge des traitements injectables par pompes Apokinon est à la charge de l'établissement au titre des dispositifs médicaux : la location revient à 2500 euros par mois. Dans les établissements ayant opté pour le forfait global les traitements anticancéreux ou de l'insuffisance rénale peuvent générer également des coûts majeurs.
Pour pouvoir accueillir la personne âgée concernée, le mieux est d'obtenir un accord écrit de l'ARS sur la prise en charge des coûts générés par ces pathologies particulières. Dans le cas contraire, soit les frais sont pris en charge par l'établissement, soit la personne demandeuse est orientée vers une USLD, une structure qui risque de ne pas être cohérente avec son projet de vie.
Motiver les avis négatifs.
Face à un dossier mentionnant des troubles psycho-comportementaux liés à la démence, le MC va juger de l'adéquation des moyens existants (PASA, places libres en unités protégées, dispositif de sécurisation...) avec le stade de la maladie. Il s'appuie pour cela sur le dossier médical, les témoignages de la famille, l'avis du médecin traitant de la personne (retenu avec une certaine prudence : le médecin traitant minimisant parfois les symptômes du patient pour favoriser son admission...). Un avis consultatif négatif doit toujours être motivé avec une trace écrite. Si l'avis négatif n'est pas motivé, et qu'un problème survient après l'accueil de la personne (accident sur la voie publique ou agressivité forte à l'encontre d'un autre résident, charge en soins incompatible avec les moyens de la structure), c'est la responsabilité du MC qui se verra engagée.
Défendre le projet d'établissement et la qualité de vie
Faire entrer des personnes fortement dépendantes dépend-il du MC ou du directeur ? Tout dépend de la place du MC dans l'équipe : est-il partie prenante du projet d'établissement ou simple gestionnaire médical soutenant un modèle d'établissement pathos-dépendant ?
Le sujet fait partie des désaccords affectant le tandem directeur-MC. Le MC opte pour la qualité de vie de la personne, indépendamment de la contrainte économique, quand le directeur doit garder en parallèle un oeil sur son taux d'occupation...
Etre un expert gériatrique de proximité
Au moment de l'admission et au vu du dossier, le MC peut proposer d'autres formules : accueil de jour, hébergement temporaire... Souvent impliqué dans les CLIC, MAIA ou réseaux gérontologiques, le MC doit devenir l'expert gériatrique médical et médico-social local. Il peut donc orienter vers une structure apte à donner un avis spécialisé et adapté sur la situation de la personne dans l'attente de son admission ou d'une autre orientation. L'objectif est de trouver la solution la mieux adaptée (l'Ehpad ne l'est pas toujours).
Quelle que soit l'orientation retenue, l'objectif est d'apporter la prise en soins requise adaptée, d'éviter la cassure ou l'échec, de préserver les liens avec le voisinage ou les amis, de maintenir le contact avec les associations dans lesquelles la personne était engagée... Cette attitude assure à la personne la reconnaissance de sa dignité et d'une expression de son autonomie "relative" à faire un choix malgré sa fragilité/vulnérabilité.