La société SPH Conseil, filiale de la FHF, organise le jeudi 16 octobre 2014 un colloque sur le thème de l'innovation dans le secteur médico-social. Nous avons interrogé Gérard Miaut, expert SPH Conseil et Maître Delphine Jaafar, de la société d'avocats Bismuth sur le contenu des interventions.
L'innovation dans le secteur médico-social
Le colloque organisé par SPH CONSEIL à destination du secteur médico-social met à l'affiche l'innovation. Pourquoi et quelle est la nature de ces innovations?
Le secteur social et médico-social est constitué d'une large gamme d'établissements et de services qui offrent des prestations et des solutions d'accueil à différents publics : les enfants en âge préscolaire, les enfants ou adolescents en difficulté, les enfants ou adultes handicapés, les adultes en difficulté et les personnes âgées.
Ce secteur d'activité représente un poids économique et " sociétal " très significatif au niveau national, en regroupant près de 35 000 établissements ou services sociaux et médico-sociaux, au sens du Code de l'action sociale et des familles (CASF), c'est à dire autorisés et tarifés, offrant une capacité d'accueil d'environ 1,5 millions de places. Ces structures permettent une grande diversité de prise en charge, garante de l'adaptation aux besoins. La gestion des structures est majoritairement assurée par des associations à but non lucratif, secondairement par des établissements publics locaux et en partie, par le secteur privé lucratif.
Sur le seul champ de l'accueil des personnes âgées, les capacités installées (tous acteurs confondus) s'élèvent à un total de plus de 572 000 lits, dont environ 50% sont gérés par des structures publiques.
Les principaux enjeux des acteurs de ce secteur concernent aujourd'hui :
Le maintien d'un engagement fort de la part de ces structures d'accueil auprès des populations fragiles, correspondant à leur mission d'intérêt général
Le renforcement du respect de la singularité des personnes, qui passe par une offre de services individualisée
Des contraintes tarifaires, et donc de financement des établissements, fortes avec une lisibilité à court terme limitée dans un contexte économique difficile
La nécessité pour les établissement et prestataires de services spécialisés de s'adapter aux évolutions des besoins de la population et à des nouvelles formes de prise de charge et d'accompagnement, dans un contexte d'évolution démographique renforçant la part des personnes âgées au sein de la population globale. Ainsi, selon l'Insee, en 2050 22,3 millions de personnes seraient âgées de 60 ans ou plus contre 12,6 millions en 2005, soit une hausse de 80 % en 45 ans.
Face à ces enjeux, les pouvoirs publics et les acteurs, à leur niveau, doivent mettre en place dès maintenant une véritable culture de l'innovation, tant en termes de prise en charge des personnes accueillies (en établissement ou à domicile : adaptation des modes de prise en charge au développement de pathologies type Alzheimer et apparentées, adaptation des bâtiments/logements à l'augmentation du niveau de dépendance " physique " des personnes âgées,... ) que de gestion des établissements (formation des personnels, optimisation des modes de gestion incluant le regroupement de structures et la mutualisation de certaines fonctions...).
L'innovation en matière immobilière sera explorée. Pourquoi est-ce si important de trouver de nouvelles solutions pour investir ?
La plupart des établissements, publics notamment, vivent une période de restrictions financières, de financement réduit et de rationalisation ou de rajustement des effectifs. En période de compressions budgétaires, après que toutes les économies et optimisation d'efficiences internes possibles ont été réalisées, de nombreux organismes examinent l'option de l'externalisation, perçue comme une manière efficace de réduction des coûts de fonctionnement de l'établissement.
Les externalisations de patrimoine ont notamment pour objectif de dégager des ressources de financement destinées soit à l'investissement dans l'activité coeur de métier, soit à l'amélioration des ratios financiers de la structure (désendettement).
On connaît déjà diverses formes d'externalisation de la gestion immobilière par des partenariats public-privé, dont certaines sont directement applicables au secteur public médico-social.
De telles procédures s'inscrivent pleinement dans le cadre des prescriptions du droit de la commande publique et répondent donc aux obligations procédurales de publicité et de mise en concurrence préalables n'autorisant pas le positionnement direct des partenaires.
Cependant, l'externalisation de l'immobilier d'un établissement lié au service public peut aller plus loin encore que la formule de partenariat public-privé : la personne publique peut décider de ne plus être propriétaire in fine et d'externaliser, dès lors, intégralement la gestion de son immobilier, via un montage dans lequel l'établissement public signe un contrat de location échappant aux règles du droit de la commande publique. Un tel montage pourrait autoriser le positionnement direct des partenaires s'agissant de la construction de l'ouvrage qui sera loué à l'établissement public. Ainsi, dans un tel montage, il s'agira de " renverser " l'initiative du projet de reconstruction / réhabilitation, la position de locataire de l'établissement public lui interdisant la qualité de donneur d'ordre ou de maître d'ouvrage.
Il convient toutefois de rappeler que dès lors que le besoin émane d'un pouvoir adjudicateur et qu'il fait l'objet de spécifications précises et explicites de la part de ce dernier, le droit de la commande publique a vocation à s'appliquer. Schématiquement, dans ce type de montage, un constructeur/promoteur immobilier acquiert un terrain, réalise l'ouvrage qu'il revend, dans le cadre d'une VEFA, à un bailleur (bailleur social, structure ad'hoc,...). Le bailleur loue l'ouvrage à l'établissement gestionnaire, dans le cadre d'un bail en l'état futur d'achèvement (BEFA).
Dans le cadre de cette VEFA, l'établissement se dessaisit donc totalement de sa qualité de maître d'ouvrage. Si tel n'était pas le cas, une contrariété avec le droit de la commande publique serait identifiable. En effet, le contrat échappe au droit de la commande publique dès lors qu'il s'agit d'un contrat de location immobilière. Pour mesurer le risque de requalification du montage au regard des prescriptions du droit de la commande publique, il convient d'apprécier si la personne publique a pris, ou non, l'initiative du projet et si les équipements réalisés par le promoteur sont définis d'une manière ou d'une autre par l'établissement public locataire (par exemple en termes d'affectation et d'importance des affectations).
Le risque de requalification est proportionnel au niveau de description des travaux par l'établissement public qui a vocation à être locataire : " il ne doit pas aller au-delà des exigences d'un simple locataire ". Incontestablement il s'agit là de démarches novatrices de la part d'établissements publics et les exemples restent encore très rares.