L'Ehpad privé Les Monts du Matin (Drôme) teste, à l'initiative de son directeur, un système basé sur une utilisation « bienveillante » de l'intelligence artificielle.
L'intelligence artificielle au service de la détection des chutes
Didier Meyrand, directeur de l'Ehpad privé Les Monts du Matin (84 chambres), est un « déçu » des outils de détection et de gestion des chutes actuellement sur le marché. « La montre connectée, les personnes oublient de la remettre et d'autres ne la supportent pas. Le bouton d'appel, il faut tomber juste à côté... ». Et même si son établissement est de plain-pied et propose différentes activités de prévention, minimisant ainsi les risques d'accidents, il a souhaité apporter une nouvelle solution.
Depuis 2020, son Ehpad est équipé du système Jouvenc'I.A., une innovation faisant appel à l'intelligence artificielle (IA), qu'il a pensée avec des spécialistes et dont il finance, avec un associé, le développement. Jouvenc'I.A. comporte différentes fonctionnalités, dont une application « Famille », qui permet de suivre en temps réel l'activité de son proche, un « Eval'Menu » pour que les résidents participent à l'amélioration de la restauration, une aide à la gestion des stocks et, donc, un outil de détection des chutes. Pour tester cette fonctionnalité, une quinzaine de chambres et leur salle de bains ont été équipées de capteurs reliés à un boîtier d'IA qui, en cas de détection d'un mouvement suspect, envoie via le wifi une photographie de la scène sur les tablettes du personnel soignant. Le professionnel de santé de garde analyse la scène et décide s'il doit intervenir, « ce qui représente un gain de temps dans des journées très chargées et une aide importante dans l'organisation », estime le directeur. « L'outil est assez sophistiqué pour détecter les chutes dites "molles", quand une personne tombe doucement au sol comme lors d'une syncope. Il est particulièrement utile en unité protégée en informant de l'absence anormale d'une chambre. Dans leur errance, certains résidents s'introduisent dans une chambre qui n'est pas la leur, générant, parfois, une altercation suivie d'une chute », poursuit-il
IA et éthique
Didier Meyrand le reconnaît : « l'introduction de l'intelligence artificielle en établissement interroge, mais nous prenons toutes les précautions nécessaires, en, notamment, recueillant l'aval des proches et des résidents en liaison avec notre comité d'éthique dont font partie les membres du conseil de la vie sociale (CVS). Nous avons développé notre outil, non invasif, dans le respect de la personne. Quand une photo est prise, si la personne est nue à ce moment-là, le corps est automatiquement flouté. » Le directeur est actuellement en pourparlers avec son agence régionale de santé sur les conditions de diffusion de Jouvenc'I.A., en particulier sur la question de prise en charge financière le coût étant un frein à l'appropriation de cette innovation. « J'aimerais que les établissements puissent financer la fonctionnalité de détection des chutes sur le budget soins, avec l'argument que prévenir les chutes permet de faire d'importantes économies sur la prise en charge des accidents évités, et les autres fonctionnalités sur la partie hébergement », espère le directeur, qui estime que son invention serait tout aussi utile dans le cadre du maintien à domicile.