Au sein d'une famille, les parents transmettent leurs histoires, leurs valeurs, leurs codes de conduite à leurs enfants, et ils s'enrichissent de ce que leurs enfants leur apportent, du moins quand tout se passe bien. La réciprocité, l'entraide, la transmission des savoirs et savoir être semblent devoir trouver leur place naturelle entre les générations qui composent une famille, et j'y inclue bien sûr les grands-parents ou même les arrière-grands-parents au niveau de la mémoire commune. Le concept d'intergénération étend ce lien indiscutable à l'ensemble de la société, par l'école évidemment où tout passe par cette transmission entre générations, mais aussi par tous les mécanismes d'entraide et d'accompagnement social, par les petits services que chacun se rend entre voisins, et plus largement par ce sentiment d'une histoire commune à transmettre et à enrichir par les échanges entre les citoyens de tous âges et de toutes conditions.

En entreprise, l'intergénération est un combat

Non pas en raison de difficultés entre les âges mais surtout par l'éviction des plus âgés, institutionnalisée pendant plus de 30 ans par le développement des pré retraites, et par la difficulté croissante d'une partie des jeunes, les moins qualifiés, à trouver un emploi.

En outre, les représentations y restent très lourdes : vision négative des jeunes et forte déconsidération pour les seniors et l'expérience.

Reste que les évolutions sont là. La fracture numérique laisse place à une réciprocité. Les retraités sont aussi des mentors pour les plus jeunes.

Le numérique, une voie d'ouverture

Dans la famille, l'entreprise ou la société, on peut montrer les évolutions et les dynamiques intergénérationnelles. Par exemple, le développement du numérique loin d'être un élément de fracture a permis au contraire d'inventer de nouveaux liens entre les générations. Des formes et pratiques de réciprocité où les seniors n'hésitent pas à se faire aider de plus jeunes. Ce qui favorise l'attention de ces derniers à d'autres conseils et accompagnements par des seniors.

Certaines entreprises développent le reverse mentoring en faisant appel aux salariés juniors pour sensibiliser les dirigeants aux enjeux du digital. Ce type de pratiques existe au quotidien dans les associations, et bien sûr au sein des familles, voire entre voisins.

Plus généralement, le monde associatif est un lieu profondément intergénérationnel : soutien des jeunes par les retraités, et inversement, combats, revendications et projets partagés...

La force de l'intergénération réside dans cette relation à la fois symbolique et utile. La prise de conscience de notre interdépendance, et la satisfaction éprouvée grâce à ce lien entre générations, passe par cette réciprocité. Et cette réciprocité ne s'impose pas, mais elle se construit, entre les personnes, sur les territoires...

@Guerin_Serge

Sociologue et consultant, Professeur à l'Inseec, dir du MSc " Directeurs des établissements de santé ". Vient de publier " La guerre des générations aura-t-elle lieu ? " chez Calmann-Levy