Rapporteurs de la commission d'enquête du sénat sur le contrôle des Ehpad, Bernard Bonne et Michelle Meunier ont, le 13 juillet, rendu ses conclusions publiques accompagnées d'une synthèse titrée « Ehpad : le contrôle au service des résidents : c'est possible ! »
La commission d'enquête préconise un renforcement et un recentrage des contrôles
« L'émotion légitime » provoquée par Les Fossoyeurs de Victor Castanet avait conduit le Sénat à constituer en février une commission d'enquête sur le contrôle des Ehpad. Après plusieurs mois de travaux et une cinquantaine d'auditions des dirigeants d'Orpea, de représentants du Gouvernement, des instances de contrôle, des financeurs, son rapport de plus de 300 pages a été adopté à l'unanimité par la commission des affaires sociales le 12 juillet et présenté à la presse le 13 par ses deux rapporteurs Bernard Bonne (LR Loire) et Michelle Meunier (Socialiste, Loire-Atlantique).
« Le rapport n'est pas un exercice d'Ehpad bashing », ni « une enquête sur la gestion des Ehpad Orpea » a souligné le premier, en insistant d'entrée de jeu : la priorité n'est pas de balayer les 7500 Ehpad sur deux ans comme annoncé par le Gouvernement, mais de cibler les groupes privés lucratifs. Car l'affaire Orpea a révélé les lacunes de ces contrôles qu'elles viennent des choix de stratégie, de la réglementation elle-même ou de l'insuffisance des moyens qui y sont consacrés : ils sont centrés sur la maltraitance (ce qui est justifié !) mais avec un important angle mort, le financier ; ensuite ils ciblent les établissements et pas les groupes et leur siège ; enfin la baisse continue des effectifs aboutit à ce qu'un Ehpad est contrôlé tous les 20 ou 30 ans - la Cour des Comptes l'a relevé. S'ajoute aussi le fait que les acteurs du contrôle sont nombreux, ARS, départements, DGCRFF, inspections du travail, et ne se parlent guère entre eux... La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pourrait être chargée d'un comité d'animation des contrôles avec déclinaisons au niveau départemental, suggèrent Bernard Bonne et Michelle Meunier.
La commission d'enquête demande en conséquence un renforcement du contrôle d'autant plus nécessaire que d'ici 2030, « il faudra ouvrir 56.000 places environ », a souligné Michelle Meunier qui insiste sur l'importance d'encadrer l'évolution de l'offre privée lucrative par rapport à l'offre globale d'un département.
Mais au-delà de l'actualité brûlante, le rapport de la commission d'enquête élargit son propos, et ses propositions, à l'exercice du pilotage stratégique du secteur par l'État et les autorités de tarification : modalités d'autorisation et de tarification à simplifier ; gouvernance plus efficace en associant mieux les usagers et en mettant en place un pilotage territorial adapté.
Et pour l'avenir, la commission d'enquête réclame le déploiement d'une approche pilotée par la qualité, qu'il s'agisse de financements, de management, de formation initiale ou continue. Vaste programme qui, pour elle, passe par une loi grand âge « visant à structurer un service public de la prise en charge de la perte d'autonomie répondant aux besoins et aux souhaits de la population », sa 24 e et dernière proposition.
Sans écho du côté de l'exécutif : l'après-midi même, dans le cadre des questions d'actualité au gouvernement, Jean Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes a éludé ce point dans sa réponse à Michelle Meunier.
Les 24 propositions de la commission d'enquête
1 Étendre la campagne de contrôle annoncée par le Gouvernement aux sièges des groupes privés lucratifs multi-gestionnaires d'Ehpad ;
2 Conclure une convention pluriannuelle d'objectifs entre la CNSA et chaque groupe privé lucratif multi-gestionnaires d'Ehpad ;
3 Fixer un taux maximum de prélèvement au titre des frais de siège ;
4 Clarifier les règles d'imputation des dépenses de personnel entre les différentes sections tarifaires ;
5 Clarifier la réglementation et les attentes des autorités de tarification et de contrôle sur les imputations budgétaires et l'usage des excédents par les gestionnaires d'Ehpad ;
6 Plafonner le montant des crédits pouvant être mis en réserve ;
7 Étendre la compétence de contrôle de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes au volet hébergement des établissements et services médico-sociaux ;
8 Définir les actions préalables au prononcé de sanctions financières ;
9 Compléter la procédure de récupération des sommes utilisées à des fins autres que celles prévues par les textes ;
10 Attribuer des moyens supplémentaires aux autorités de tarification et de contrôle pour accroitre le nombre de missions d'inspections-contrôles dans le secteur médico-social ;
11 Créer un comité d'animation des contrôles au niveau national réunissant les directions d'administrations centrales et les caisses de sécurité sociale concernées, le défenseur des droits, afin de définir des orientations nationales et donner des impulsions aux réseaux déconcentrés ;
12 Décliner le comité d'animation des contrôles au niveau départemental, avec un représentant du conseil départemental, afin de coordonner les actions ;
13 Donner un droit d'opposition élargi aux autorités de tarification et de contrôle sur les transferts d'autorisation (et notamment en cas de vente) ;
14 Prévoir le versement d'une redevance pour les Ehpad commerciaux (ou pour le rachat par une société commerciale) ;
15 Encadrer l'évolution de l'offre privée lucrative par rapport à l'offre globale d'un département ;
16 Supprimer les dispositifs de défiscalisation pour les investissements immobiliers en Ehpad (ou les soumettre à des règles plus protectrices des petits épargnants et plus contraignantes sur l'entretien du bâti) ;
17 Donner aux acteurs publics et privés non lucratif la possibilité de s'appuyer sur des professionnels pour les accompagner dans la gestion du patrimoine immobilier des Ehpad (foncières solidaires, OPHLM) ;
18 Ouvrir les CVS à des personnes extérieures à l'établissement, telles des associations d'usagers agréées sur le modèle du secteur sanitaire ;
19 Créer un conseil national consultatif des personnes âgées ;
20 Prévoir une convention entre le conseil national consultatif des personnes âgées nouvellement créé et le comité d'animation des contrôles ;
21 Créer une conférence territoriale des personnes âgées ;
22 Se doter rapidement d'outils fonctionnels de signalement des événements indésirables graves en Ehpad ;
23 Imposer une obligation de réponse sur la suite donnée aux signalements de maltraitance adressée par les familles aux autorités tarificatrices et de contrôle ;
24 Examiner une loi grand âge visant à structurer un service public de la prise en charge de la perte d'autonomie répondant aux besoins et aux souhaits de la population.
Rapport de la mission d'information (version provisoire)