En renouvelant les Universités d'été de la performance en santé à Strasbourg, du 31 août au 1er septembre, l'ANAP a pérennisé un événement singulier, convivial et interactif autour du thème de la santé et de la performance des organisations. Cette année, le thème était la coordination des différents acteurs du système. Ce qui nous a permis de découvrir le foisonnement des initiatives locales ou institutionnelles, mais aussi de percevoir qu'un noyau dur invisible, et certainement très politique, empêche cette coordination de se généraliser à tout le territoire.
La coordination des acteurs : une recherche qui dure !
En mettant en exergue des expériences remarquables, exposées par des professionnels de terrain, l'ANAP a permis de mieux saisir les enjeux, la complexité du sujet mais aussi de percevoir la spécificité des difficultés françaises. Notamment en invitant le professeur Victor Rotwin, Professeur politiques et gestion des services de santé à New York University.
Par quelques graphiques il a montré que la France présente quelques différences avec les autres grands pays : un pourcentage de patients ayant fait l'expérience d'un défaut de coordination durant les deux dernières années (53% - et par comparaison GB 20%); défaut lors de l'hospitalisation en chirurgie ou à la sortie (73% - par comparaison GB 26%), un taux de séjours hospitaliers évitables (10,24% - par comparaison New York City 19,09%), taux qui sont variables suivant les régions, enfin une préférence évidente des français pour l'hospitalisation plutôt que toute autre solution (263 hospitalisations pour 1000 habitants quand le Canada se contente de 84/1000, la moyenne des pays OCDE étant à 160).
Ceci posé en introduction interpelle sur la désorganisation de nos systèmes de santé, le manque de liaisons, de coordinations, de suivis entre le sanitaire et le médico-social par exemple, mais aussi entre le domicile, l'HAD, et les innombrables intervenants travaillant chacun dans leur coin.
Ce qui surgit en participant à ces ateliers de "retours d'expérience" c'est l'impression d'une multitude d'initiatives : continuité des soins en Haute Loire, réseaux structurés en Lorraine pour fluidifier le parcours des personnes âgées, mise en place de MAIA à Mulhouse, réseaux mutualisés sur des thématiques médicales précises (cancer, gérontologie, soins palliatifs). Les ateliers de prospectives, heureuse initiative de l'ANAP en 2012, a permis d'entrer dans le dur des difficultés à coordonner : mode de financement, quelle informatisation pour favoriser la coordination des acteurs de santé, la télémédecine et l'aide qu'elle peut apporter dans le parcours de soins, mode d'exercice des médecins (surtout dans les régions où ils sont peu nombreux), comment garantir une réponse médicale à toute heure en EHPAD, comment résoudre le problème des urgences et l'arrivée de personnes âgées en état de crise.
Un chiffre nous a interpellé au cours d'une des conférences, c'est la somme consacrée aux réseaux : 168 millions d'euros pour 750 réseaux ! Une somme dérisoire pour une coordination recherchée par tout le monde. Comme le souligne avec humour Alain Coulomb, ancien directeur de la HAS : "les réseaux de santé pèsent un poids insignifiant. Chaque réseau reçoit en moyenne 235 000€ et gère 380 patients. On fait petit bras ! Or 70% des dépenses de santé sont pour les maladies chroniques. Et les dotations continuent de décroître. Par ailleurs, on empile les dispositifs. Les réseaux ont échoué dans le maillage territorial mais ont réussi auprès des malades complexes". Singulièrement, ce sont les personnes âgées qui en ont le plus profité. Mais entre les réseaux issus du terrain et portés par des bénévoles et qui font un travail remarquable et les réseaux propulsés à partir des hautes sphères - pour d'obscures raisons politiques - et qui ne rencontrent pas la réalité, le divorce est hélas total. Alain Coulomb, soutenu en cela par M. Christian Saout, président du CISS, propose une segmentation du système de santé en trois niveaux : La base de la pyramide est la prévention primaire, ensuite la prévention ciblée (sous le contrôle de l'Etat), un étage d'accompagnement (par les réseaux), enfin le haut de la pyramide serait le "Care management".
Thomas le Ludec, Directeur de l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins à l'HAS, confirme bien que l'évolution épidémiologique met en tension les systèmes de santé : 15 millions de malades chroniques et une progression de +35% en 5 ans (60% des remboursements de soins), 9 millions de malade en longue durée. Il s'interroge : quel est le bon lieu et l'intégration de l'offre de soins ? D'où le projet SPHERE, pour gérer les pathologies complexes.
Pour finir, Solange Ménival, en charge de la santé au Conseil Régional d'Aquitaine, vient souligner le rôle des collectivités dans le maillage des territoires et la coordination des acteurs. Un acteur souvent oublié, ou pire nié !
Pour conclure ces universités d'été passionnantes, citons ce mot d'un des intervenants : "il faut trouver une trajectoire de parcours du soin : sa concrétude !". En parler ne suffit plus...