Dans son rapport annuel publié ce mardi, la Cour des comptes alerte sur la nécessité d'anticiper le changement climatique pour continuer à vivre de façon supportable dans un climat qui a évolué.
La Cour des comptes appelle à une adaptation transversale de la société aux effets du changement climatique
Pics de chaleur, sécheresses, inondations, tempêtes ou phénomènes de retraits-gonflements des sols argileux... les manifestations du changement climatique sont déjà présentes. « Et ne vont pas s'arrêter là », explique Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes lors de la présentation de son rapport annuel (RPA) le mardi 12 mars. « Il faut s'attendre à une augmentation de 4 degrés d'ici la fin du siècle, et se préparer à des événements toujours plus fréquents et graves ».
Pour répondre aux enjeux que pose ce constat, la Cour des Comptes a décidé d'y consacrer son rapport annuel. 725 pages, 62 recommandations, la contribution de 6 chambres de la cour et de 17 chambres régionales et territoriales, et la mobilisation de près de 60 rapporteurs ambitionnent d'éclairer le citoyen sur la complexité des choix auxquels il est déjà confronté.
S'il est clair que les politiques d'adaptation seront spécifiques à chaque territoire (les métropoles sont confrontées à des ilots de chaleur, les territoires ruraux à la sécheresse et au partage de l'eau, les côtes à la montée des eaux), la Cour souligne le caractère transversal de cette problématique. Tous les secteurs sont concernés et ne peuvent agir de manière isolée. « L'adaptation affecte chaque ministère, chaque entreprise, chaque ménage, chaque pays, ajoute Pierre Moscovici. « Il faut donc mettre en oeuvre un pilotage et une coordination nationale ».
Des impacts sur l'infrastructure et le vivant
Les effets du changement climatique sont réputés avoir deux grands types d'impact, comportant des répercussions générales sur l'activité économique et des conséquences spécifiques pour certains secteurs d'activité :
Ils toucheront les grandes infrastructures, les équipements, les villes et plus généralement l'habitat (ce qui a été construit) ; mais aussi l'environnement physique et biologique (trait de côte, forêts, cultures, etc.) et les personnes (en période de canicule, face à l'accentuation des risques d'incendie ou d'inondation, etc.). 5000 décès ont été enregistrés en 2023 à cause des fortes chaleurs. Les personnes vulnérables sont donc particulièrement touchées.
La Cour souligne « la nécessité que les administrations publiques se préparent à financer le coût de la transition écologique » lit-on dans le rapport. Mais cette problématique de l'adaptation au changement climatique ne peut s'appréhender sous le seul angle économique et financier. « Elle impose au préalable que des choix politiques soient faits, dans tous les domaines de l'action publique, dont l'information des citoyens. Les Français doivent savoir ce qui les attend concrètement et à quel horizon, afin d'en comprendre les ressorts et d'anticiper les conséquences du changement climatique sur leur vie quotidienne. »
Les Français se demandent également qui prendra en charge les efforts à réaliser (pouvoirs publics, entreprises, ménages, associations, chercheurs, etc.) car l'adaptation ne doit pas être appréhendée seulement sous l'angle technique, c'est aussi un enjeu démocratique. « La complexité de l'adaptation et l'importance des dépenses à consentir, alors que la situation des finances publiques reste préoccupante, amènent enfin nos concitoyens à se demander comment concevoir, financer et mettre en oeuvre des solutions qui soient à la fois adaptées et soutenables : que peut-on faire d'efficace au moindre coût ? »
La situation du grand âge
La Cour des comptes pointe un risque sanitaire insuffisamment maîtrisé (avec une augmentation des décès pendant les pics de chaleur). Pour pallier cette situation, elle recommande de « conduire les travaux nécessaires à une meilleure connaissance des conséquences des vagues de chaleur sur la santé des personnes vulnérables », élaborer « une liste des médicaments d'intérêt en cas de vague de chaleur », « réaliser un inventaire du parc immobilier des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux pour évaluer son adaptation aux vagues de chaleur ». Les Ehpad sont naturellement en première ligne.
La Cour insiste aussi sur la situation des personnes vivant à leur domicile. MaPrimeRenov ne répondant qu'insuffisamment aux « risque de pics ». Les trois quarts des dossiers subventionnés par MaPrimeRénov' ont concerné le changement de mode de chauffage. Si les rénovations globales, qui permettent de traiter l'ensemble de l'habitat, y compris la ventilation et l'isolation des logements, contribuent davantage à leur adaptation au changement climatique, elles ne représentent que 3 % des surfaces rénovées.
Des efforts financiers indispensables
Si Pierre Moscovici critique les prévisions de croissance du gouvernement et juge la trajectoire budgétaire pour cette année reste précaire, il souligne qu'un plan d'économies massif et inédit sur trois ans est nécessaire pour ramener le déficit sous les 3 % du PIB en 2027. « La trajectoire est peu ambitieuse et très fragile, ajoute t-il. Nous sommes sur le podium des trois pays les plus endettés de la zone euro ». « Il faut désormais concilier ajustement budgétaire at amélioration d'une politique de croissance, car un Etat endetté est un Etat impuissant. Il nous faut nous désendetter pour pouvoir investir, (...) passer d'une culture de la quantité à une culture de la qualité. »