Le président de la République s'est engagé sur une réforme profonde de notre système de santé. Or, face à la croissance du vieillissement de la société et de la chronicisation des maladies, le nouveau modèle de soin, n'a pas fait sa révolution culturelle. Elle implique que les personnes touchées et leurs proches soient des acteurs au long cours de la démarche de soin.
La démocratie de la santé comme levier de transformation du système de santé
Après les combats dans les années 1980 pour la reconnaissance du Sida par les porteurs du VIH, puis de l'intense travail de mobilisation d'associations de malades ou de proches et des personnes concernées par la reconnaissance des différentes maladies orphelines, l'émergence de la notion de patient expert, la prise de conscience progressive que l'expérience du malade, de l'ancien malade ou de l'aidant d'un proche doivent être valorisées, par exemple par des formations (Master Class, DU, VAP, VAE...). Dans la lutte contre les addictions, des personnes concernées, ou l'ayant été, se sont auto-organisées, sur le modèle des Alcooliques Anonymes. Ainsi, les Narcotiques Anonymes organisent des réunions quotidiennes pour accompagner des personnes touchées et les aider à sortir de l'engrenage. Pour certaines personnes, ces démarches efficientes et respectueuses de la réalité, leurs permettent de sortir de la dépendance, sans passer par des thérapies médicamenteuses. Là encore, c'est le rôle des pairs, de celles et ceux qui sont passés par là, qui doit être pris en compte.
La révolution des patients experts
La création en 2018 au CNAM de la première Chaire « Humanités et Santé » de Philosophie à l'hôpital, dirigée par la psychanalyste et philosophe Cynthia Fleury, et l'Université des patients créée à Paris Diderot par la professeure Tourette-Turgis, expriment combien la société du soin et de la longévité s'est mise en mouvement. Sans attendre les politiques et les Lois. A l'Université de médecine Paris 13, les patients experts interviennent déjà dans la formation des internes, en duo avec un enseignant. Là encore quelle révolution ! Notons que la CNSA, sous l'impulsion de sa présidente Marie-Anne Montchamp, s'inscrit aussi dans ce tournant essentiel : la prise en compte de l'ensemble des personnes (patients, malades, proches, professionnels...) concernées par les soins, va transformer le monde de la santé et ouvrir à des processus de co-constructions des lieux et des pratiques. Ces personnalités et institutions transforment les lieux de soin dans une démarche où le patient, l'être humain, est au coeur du processus. Une sorte de sociologie des usages, de design thinking de la décision, de démocratie sociale de la santé, pour que les choix soient plus rationnels car plus attentifs, adaptés et bienveillants aux attentes et besoins des acteurs. Il s'agit de sortir d'une logique comptable de restriction des moyens pour se donner comme priorité de répondre aux besoins réels des personnes et de redonner du sens et de la responsabilité aux professionnels du soin.
Serge Guérin
Sociologue, directeur de MSc « Directeur des établissements de santé », Inseec Paris. Co auteur de « La guerre des générations aura-t-elle lieu ? », Calmann-Lévy, 2017 et « La Silver économie », La Charte, 2018