Adopter la douche au lit pour les résidents immobilisés dans leur lit n'est pas un acte anodin, explique Yves Clercq, psychologue et formateur. Il détaille sa pensée.
La douche au lit : un soin technique qui n'est pas anodin
La douche au lit est une décision qui doit se prendre selon les règles d'une réflexion éthique. Qu'est ce qui nous amène à penser que cette solution technique est la meilleure pour nous et la personne ? Il faut remettre en perspective les bénéfices pour l'équipe, les bénéfices pour la personne mais aussi les risques pour la personne, et pour l'équipe.
Ceux qui prônent ou qui sont contre la douche au lit de manière systématique sont plus dans l'idéologie que dans la réflexion. Il faut s'interroger : est-ce que l'outil est au service de la personne ?
Si c'est au service de l'équipe qu'on utilise l'outil, mais qu'on en a conscience, on mettra en place d'autres dispositifs pour éventuellement accompagner la personne. Si l'équipe en a besoin parce que vraiment c'est compliqué, cela fait mal au dos, etc. il faudra prendre conscience des dérèglements que cela peut générer chez la personne pour pouvoir aussi les compenser...
Comment peut-on compenser ce soin technique s'il est absolument nécessaire ?
On peut prévoir un temps particulier de soin relationnel avec la personne qui va permettre de revaloriser son estime de soi, l'écouter pour éviter que le choix technique soit un élément qui va favoriser sa dévalorisation, sa démotivation et son silence.
D'où le rôle important de l'infirmière coordinatrice et du médecin-coordinateur qui doivent animer cette réflexion. Le protocole mis en place ne doit pas être seulement technique mais inclure une réflexion collective, car la douche au lit est une option technique ni bonne ni mauvaise mais qui n'est pas anodine.
Il n'y a pas tellement de choix: soit on fait la toilette manuellement, soit on utilise une aide technique?
En général il faut transférer la personne du lit vers un chariot. La finalité de l'acte est d'être plus efficace, plus respectueux en terme d'hygiène. Est-ce que ça peut être effectivement un facteur d'aggravation du repli sur soi? Le risque pour les équipes n'est-il pas qu'en systématisant cela, on transforme la personne en objet qu'on lave ?
Si on met en place une instance de réflexion et de décision, comme pour les contentions, qui discute régulièrement, l'équipe aura confiance dans la dimension éthique de son acte. Mais on est dans du provisoire qui est appelé à se renouveler éventuellement mais qu'on doit pouvoir réinterroger. Comment la personne le vit-elle ?
Le risque c'est qu'on considère que la personne est grabataire, qu'elle n'a plus beaucoup de conscience, que cela ne la dérange pas, et qu'elle devient de plus en plus un objet qu'on manipule.
Avoir une instance de réflexion collective et choisir collectivement de le faire, remet le soignant face à cette nécessité de ne pas transformer la personne en objet au service de la douche au lit qui deviendrait la finalité. Il faut bien rappeler que la douche au lit est au service de la personne et de ce fait le soignant doit rester dans une dynamique de questionnement et non pas de routine. La personne peut l'accepter à un moment et à un autre mal le vivre. Comme pour l'équipe qui peut trouver à un moment que c'est intéressant et à un autre tomber dans une espèce de routine en oubliant de mettre la personne face à un choix. Cela doit toujours rester dans un libre choix et ne peut pas être définitif.