L'autorisation de prescrire le Rivotril® en ambulatoire tout comme les interdictions d'accueillir les proches de résidents en fin de vie dans les EHPAD ont suscité la polémique. État des lieux réglementaire et sur le terrain.
La fin de vie en période de confinement
Le décret n° 2020-360 du 28 mars 2020 a autorisé la prescription en ambulatoire de Clonazepam (Rivotril®) sous forme injectable aux patients atteints ou susceptibles d'être atteints du Covid-19. Le médecin, précise le décret, doit se conformer « aux protocoles exceptionnels et transitoires relatifs, d'une part, à la prise en charge de la dyspnée et, d'autre part, à la prise en charge palliative de la détresse respiratoire, établis par la société française d'accompagnement et de soins palliatifs ». « Recevoir au début de l'épidémie des informations pour mettre en oeuvre des procédures d'euthanasie active était choquant, témoigne Christine Baconnais, Directrice de l'EHPAD associatif « Résidence bon accueil » à Touvois, au Sud de Nantes. C'était une manière de nous dire que nos résidents n'auraient pas accès à l'hôpital. D'autre part, nous n'avons pas attendu le Covid-19 pour offrir à nos résidents un accompagnement digne de leur fin de vie ».
Le décret a par ailleurs été jugé « insuffisant » par le syndicat « Jeunes médecins » qui a tenu à rappeler son attachement à la loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie et demandé au Conseil d'État de suspendre le dispositif. « Le gouvernement doit prévoir la collégialité de la décision de prescrire le Rivotril ®. La collégialité précisée à l'article L. 1110-5-2 du code de la Santé publique est là pour protéger le patient, mais également pour protéger le soignant contre le risque de faire peser sur les épaules d'une seule personne une lourde responsabilité, témoigne Emmanuel Loeb, Président de « Jeunes Médecins ». Si dans la plupart des EHPAD, des processus de collégialité sont mis en place, notamment avec les équipes mobiles de soins palliatifs, ce n'est pas le cas pour les personnes isolées à domicile ou dans d'autres établissements médico-sociaux ».
Accompagner la fin de vie
En cette période inédite de crise sanitaire grave, la question de l'accompagnement des résidents en fin de vie, théoriquement interdit en raison des mesures de confinement, a également fait débat. « Dans les cas de fin de vie, nous accueillons les proches, avec bien sûr énormément de précautions, témoigne Christine Baconnais. Nous imposons au visiteur de s'équiper dans le sas de l'établissement d'un masque, d'une visière et de gants après un nettoyage méticuleux des mains. La visite d'une seule personne est autorisée pendant une heure maximum. Il est inconcevable de laisser nos résidents partir sans être accompagnés. Cette crise ne doit pas nous faire perdre notre part d'humanité ». C'est aussi ce que préconise le rapport de Jérôme Guedj remis au ministre de la Santé le 5 avril dernier (lire encadré) même si la mention du confinement en chambre irrite Christine Baconnais. « Il n'y a pas dans notre EHPAD de confinement en chambre. Nous avons déjà observé des syndromes de glissement liés à l'absence de visites des proches. Il est hors de question d'imposer des mesures plus strictes, poursuit Christine Baconnais qui prend également le soin de préciser qu'elle exerce sur un territoire en milieu rural, épargné par le virus. Mon positionnement ne vaut que parce que la situation est sous contrôle. »
Le 1er avril, en réponse à une saisine d'Olivier Véran, le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé s'était également prononcé en faveur d'« un accueil organise? pour les familles et les proches aidants, parfaitement régulé et sécurisé avec les protections qui s'imposent, (...) en particulier pour les re?sident(e)s en fin de vie. » Un message finalement relayé par le Président de la République qui a déclaré dans son allocution du 13 avril : « Je souhaite que les hôpitaux et les maisons de retraite puissent permettre d'organiser pour les plus proches, avec les bonnes protections, la visite aux malades en fin de vie afin de pouvoir leur dire adieu. » Un premier pas qui ne satisfait pas complètement les professionnels du secteur inquiets de l'impact d'un confinement prolongé sur la santé des personnes âgées. Au lendemain du discours présidentiel, la Fédération nationale avenir et qualité de vie des personnes Agées (FNAQPA) a par exemple demandé que « soit étudiée la réouverture progressive des établissements aux familles des résidents, au-delà des accompagnements de fin de vie déjà organisés, dans le strict respect des gestes barrières, des équipements de protection individuels et en organisant le test systématique des visiteurs. » Précisément pour limiter phénomènes de glissement et fin de vie...