Dans le n° 153-octobre 2023  - Partie II  16087

La fin du travail ?

Si l'on veut dépasser les discours simplistes sur une France paresseuse, cherchons un peu de nuances... D'où cette relation distanciée au travail peut-elle provenir ?

Dans notre chronique précédente, nous évoquions le manque d'appétence pour le travail en France. Les réalités chiffrées et les analyses qualitatives montrent qu'il y a bien sujet. Certes le travail est moins central qu'avant. Une étude Ifop, déjà évoquée dans ces colonnes, montrait que le travail était « très important » pour seulement 24 % des Français, contre 60 % 20 ans avant. Mais le travail reste « important », pour la majorité des personnes interrogées. Une autre étude[1] nous dit que 74 % des actifs se déclarent très satisfaits. Et 68 % se disent même heureux au travail !

Ce qui compte le plus au travail, ce n'est pas le travail !

À 81 %, ce sont les relations avec les collègues qui sont la première source de satisfaction. Juste devant l'intérêt du métier. Ce que l'on oublie ainsi trop souvent, c'est que le travail est avant tout un vecteur de lien social. D'ailleurs, 74 % des actifs estiment que leur travail leur permet de se sentir intégrés dans la société[2].

Ce qui nous amène à une autre question : si le travail renforce ce lien social tant attendu, pourquoi n'arrive-t-on plus à embaucher en France ? Pourquoi tant de postes vacants, de jobs non pourvus ?

Les difficultés à embaucher sont liées à un fait social majeur : la France traverse un véritable choc démographique. Départs massifs à la retraite depuis 2006 et chute de la natalité de la population française ces douze dernières années (100 000 naissances de moins entre 2010 et 2022) ont conduit à une diminution du nombre d'actifs disponibles. Ajoutez à cela un marché du travail plutôt dynamique pour les cadres et les diplômés, et vous obtiendrez une inversion du rapport de force entre employeurs et employés. Les postes à pourvoir sont nombreux, mais les forces vives sont rares.

Alors quels leviers pour séduire les salariés ?

L'étude montre que les principaux critères pour choisir un poste demeurent finalement peu surprenants mais très rationnels. Le salaire apparaît en première position, loin devant l'ambiance. En troisième position, on note la distance entre le travail et le domicile. En période de forte inflation avec des tarifs de carburants plus élevés, la question des déplacements devient sensible. Parallèlement, l'organisation de la vie de famille se complique. Plus que « flemmards », les Français doivent gérer leur travail avec l'organisation familiale : faire garder les enfants, les emmener à l'école, aller les chercher et, un élément souvent peu connu et dont l'importance sera croissante dans les années à venir (là encore, la démographie explique beaucoup de choses), s'occuper d'un proche âgé. Selon le dernier Observatoire Viavoice-Ocirp, l'âge moyen d'entrée dans l'aidance chez les salariés du secteur privé est de 36 ans en moyenne[3]. Et leur charge hebdomadaire consacrée à l'aidance, de 10,5 heures.

Les entreprises et plus largement la société française sont devant une forte évolution des imaginaires et attentes face au travail. Il faudra réinventer un récit où le travail est valorisé symboliquement et matériellement. Au-delà de la rémunération, les avantages pratiques (crèches dans l'entreprise, soutien aux aidants et aux salariés fragilisés, accompagnement et valorisation concrète des seniors, amélioration des conditions de déplacement, aide à l'autonomie dans le travail...) sont autant de leviers d'action à investiguer. Ces actions concrètes doivent être associées à une plus grande mobilisation du collectif autour de l'impact social et environnemental des organisations.

 


01/11/2024  - Partie III

Société de la longévité : démographie et sociologie sont dans le même bateau

Dans les deux chroniques précédentes, nous avons posé comme hypothèse qu'après l'émergence d'une culture spécifique des jeunes, qui a influencé le pays à partir du milieu des années 1960, le phénomène se reproduit depuis les années 2015 avec les seniors...
01/11/2024  - Billet

Je suis une personne à risque

C'est fait ! Je sais désormais grâce aux médias qui annoncent la campagne de vaccination en prévention de la grippe (et je m'en réjouis car notre pays avait un retard à combler) que cela me concerne car je fais largement partie des « personnes à risque de plus de 65 ans » selon la formule utilisée. Oui, j'ai plus de 65 ans... et même bien au-delà. ...
01/11/2024

Mon domicile, mon chez moi

Vieillir chez moi, vivre à mon rythme, me lever à l'heure qui me plait, rester en pyjama toute la journée si je le souhaite... Comment imposer et faire respecter mes désirs ? interrogent les vieux retraités actifs. S'agit-il d'une vaine utopie lorsque la vie en collectivité s'imposera à moi ? Peut-être pas... ...
01/11/2024  - En réunion d'équipe...

Qui dort dîne

C'est une préoccupation qui revient régulièrement dans les Ehpad : comment prendre soin du sommeil des résidents tout en préservant leur confort ? Entre les équipes de jour et celles de nuit, le sujet ne cesse de faire débat, et peut être source de tensions. Horaires de coucher et de lever, soins d'hygiène et accompagnements nocturnes... Qui fait quoi, quand, comment ?
01/10/2024  - Ce qui se voit...

Luxe, calme et propreté

S'il est bien une condition indispensable au bon fonctionnement des Ehpad, c'est à n'en pas douter l'hygiène des locaux. Nettoyage, bionettoyage, hygiène du linge... Les consignes et protocoles ne manquent pas pour assurer l'organisation et l'évaluation de ces tâches quotidiennes. Et pourtant, ce travail reste invisible. Ou plutôt, il n'est visible que quand il n'est pas fait. Paradoxe ?
01/10/2024  - Billet

Les vieux aussi !

Serge Guérin me pardonnera de paraphraser le titre de son dernier ouvrage en date* pour titrer mon billet. Vous l'avez lu ou en connaissez le thème : bousculer les idées reçues sur le désintérêt des « vieux » en matière de gestes écologiques et solidaires. Tribune pour répondre à ceux qui pensent que ces générations issues de la deuxième guerre mondiale et des années cinquante ont abusé des trente glorieuses et se moquent des incidences climatiques et générationnelles futures. Elles pourraient pourtant donner des leçons d'économies à beaucoup en matière d'eau, de déchets et de courage. Une anecdote a fini de me convaincre. Récemment par une belle journée je me dirigeais vers la déchetterie suite à des travaux de jardin et je vis sur le bord de la route une personne âgée, courbée et tirant deux chariots utilisés pour les courses. Je me fis la remarque du courage de cette personne sachant que le commerçant le plus proche était à bonne distance. Sur la route de mon retour, je la revis. Quelle ne fut pas ma surprise de constater qu'en fait cette dame âgée ramassait des deux bords de la route les déchets que les « clients » de la déchetterie laissaient tomber de leurs remorques en roulant. Je ralentis pour en avoir la certitude et raconter ce vécu à l'ami Serge. Plus encore, je décidais en ces temps riches d'à priori primaires d'en faire le thème de ce billet. Méfions-nous de ces raccourcis trop faciles. Oui, les vieux « aussi » sont sensibles à ces sujets qui mobilisent beaucoup de jeunes, à juste titre. Gardons-nous de ces clichés clivants. Demain ne pourra se construire qu'en faisant société, intelligemment, avec tolérance et respect. Et dès lors, même si mon propos est naïf, il fera bon vivre ensemble. ...
01/10/2024  - Marie-Sophie Ferreira, directrice stratégie et pôle performance médico-sociale à l'Agence nationale de performance sanitaire et médico-sociale (Anap)

« Nous ne prônons pas la création de mastodontes ni la suppression des antennes locales, mais plutôt la mutualisation des fonctions et la création de dynamiques de groupe »

Forte de sa double responsabilité, Marie-Sophie Ferreira détaille pour Géroscopie l'action de l'Agence nationale de la performance sanitaire et médico-sociale (Anap) au service du médico-social. Entretien.
30/09/2024  - Privé lucratif

Groupe Bridge : des précisions de Charles Memoune

Charles Memoune, fondateur et ancien associé de référence du réseau Bridge, souhaite répondre à un article de geroscopie.fr du 4 septembre, suscité par une pétition (toujours) en ligne de directeurs d'Ehpad de son ex-groupe.
01/09/2024  - Partie I

Société de la longévité : démographie et sociologie sont dans le même bateau

La société de la longévité a commencé. On va avoir des surprises ! En ouvrant les yeux, en sortant des ornières idéologiques, en rajeunissant le regard, une petite promenade sociologique permet de saisir combien les nouveaux seniors inventent la culture des temps présents.