La Maison de Blandine offre une solution d'habitat partagé et accompagné bigénérationnel. Ce modèle innovant, qui essaime sur le territoire avec six maisons ouvertes et une vingtaine de projets engagés, accueille des personnes autonomes et semi-autonomes dans des appartements privatifs, avec des espaces partagés. Reportage à Limonest, aux portes de Lyon.

La Maison de Blandine développe l'habitat inclusif
Un déjeuner avec Mimie, Mizou, Monette, Franca et Maithé, c'est un antidote à la morosité. Le récit rocambolesque de leur dernière équipée au bar de la ville déclenche les éclats de rire. En ce vendredi hivernal, elles livrent leurs secrets pour mieux vieillir. Leur cadre de vie en est un. « Ici, on a la liberté, la sécurité et la convivialité ! Ce sont les trois choses que souhaitent les vieux, assure la sémillante Mimie, 90 ans. J'aime faire ce que je veux quand je veux. Si j'ai envie de rester au lit tout l'après-midi, personne ne m'en empêche. Le mardi, j'adore faire ma partie de cartes. Vraiment, je ne vois pas ce qu'on peut demander de plus ! » A ses pieds, le teckel Musette semble à son aise. La Maison de Blandine accueille aussi les animaux domestiques. Trois fois par semaine, les 25 habitants -83 ans en moyenne- se retrouvent dans l'élégante salle à manger, avec vue imprenable sur les Monts du Lyonnais, pour cuisiner et partager un repas. La création de lien social est l'un des piliers du concept imaginé en 2017 par Blandine de Traverse. Infirmière libérale, elle accompagnait alors à domicile les personnes en fin de vie. « J'ai été frappée par l'extrême solitude des personnes âgées à domicile et la souffrance que cela générait, non seulement chez elles, mais aussi dans les familles. Notre raison d'être, c'est de rompre l'isolement et de créer du lien en valorisant les personnes âgées et en leur redonnant un sentiment d'utilité. Cela a un impact sur l'estime de soi et par répercussion sur la santé mentale, physique et cognitive » explique-t-elle, en insistant sur l'aspect « participatif » du projet de vie sociale et partagée. Les activités proposées sont choisies selon les envies et talents des habitants : conférences, sophrologie, jardinage, musique, peinture, ciné-club, sorties au restaurant ou culturelles, activités mémoire... « Nous avons aussi cette forte volonté d'accompagner et de soulager les aidants, notamment pour trouver des professionnels de santé ou autres intervenants, pour le ménage ou le portage de repas par exemple », précise la cofondatrice et directrice référente qui évoque les multiples initiatives lancées par les enfants et petits-enfants des habitants (cours de gym adaptée ou de tricot, concert d'un chanteur d'opéra, dîners partagés...).
Dynamiser les relations intergénérationnelles
S'intégrer dans la cité pour « changer le regard sur le vieillissement » (en lien avec les crèches, les écoles et le tissu associatif), proposer un habitat durable avec des bâtiments éco-conçus selon les normes RE2020 et accompagner les personnes en fin de vie, si elles le souhaitent, sont les autres objectifs prioritaires de La Maison de Blandine. Ces lieux de vie composés de 25 à 30 appartements de 45 m² en moyenne avec un accès extérieur et de vastes espaces partagés à la décoration mixent le moderne et l'ancien (salle à manger, cuisine commune, salons, buanderie, salle d'activité). Le forfait mensuel varie de 1200 à 1700 euros selon la taille de l'appartement et le prix du foncier. Chaque équipe compte un coordinateur, responsable du lien entre les habitants, les familles, les professionnels de santé et les prestataires extérieurs, une « animatrice de vie » qui fédère et assure le « vivre ensemble », et quatre jeunes qui vivent dans les lieux et assurent les astreintes de nuit et de week-end.
Répondre collectivement aux défis du vieillissement
Non médicalisée, cette solution est une alternative à mi chemin entre le domicile initial et l'Ehpad. « Chaque personne choisit le médecin, les infirmiers et autres professionnels qui s'occupent de son suivi. Quand nous nous implantons quelque part, nous nous mettons en lien avec les acteurs de santé locaux, la HAD, les équipes de soins palliatifs...», indique la directrice générale Laurence Boluda. « Nous n'avons pas la prétention de révolutionner la question de l'hébergement des personnes âgées en France, poursuit-elle. Même si un jour, nous créons 100 maisons, cela ne représente que 2 500 personnes alors que 200 000 à 300 000 places sont nécessaires d'ici 2050, hors Ehpad ! On est très loin du mur démographique auquel nous allons être confrontés. Les Ehpad réalisent un travail incroyable. Nous travaillons en complémentarité avec les établissements à proximité. Nous savons qu'un certain nombre de personnes accueillies ici iront un jour dans un Ehpad. La limite, c'est lorsque les personnes se mettent en danger ou mettent en danger les autres ». Société à mission dans le champ de l'économie sociale et solidaire, La Maison de Blandine s'est engagée à promouvoir l'habitat inclusif en France et propose une solution clé en main : « Dans notre activité, nous avons deux jambes, précise Laurence Boluda. Nous sommes avant tout des exploitants et des gestionnaires d'habitats partagés. Et nous portons des projets, en identifiant les lieux où s'implanter, en recherchant des investisseurs et des promoteurs qui vont construire les murs pour répondre à notre cahier des charges, en lien avec la collectivité. Nous posons un cadre, mais ce sont les habitants, l'équipe et la localisation qui permettent à chaque maison d'avoir sa propre identité ». Sur le mur du salon de Limonest, face au piano, les habitants ont calligraphié cette identité propre : « A La Maison de Blandine, y a de la joie, du partage, de l'entraide, quel que soit l'âge, on se fait de nouveaux amis, c'est chouette la vie ! »