Avec la réforme de la tarification, 20 à 25 % des EHPAD, tous statuts confondus, se retrouvent avec une recette « soins + dépendance » nette en baisse. Le rapport du médiateur Pierre Ricordeau, remis le 18 avril à la ministre des Solidarités et de la Santé, propose des mesures d'ajustement pour 2018 et 2019. L'État et les départements devront travailler main dans la main pour sortir les établissements de l'impasse.
La méthode Ricordeau pour rectifier le tir
Après le temps de la colère, de la revendication pour le secteur des EHPAD est venu le temps du dialogue et de la recherche de solutions. Dans son rapport, remis le 18 avril, à Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, Pierre Ricordeau, inspecteur général des affaires sociales, rappelle qu'il n'a pas mené une mission d'évaluation de l'IGAS « mais une mission d'écoute, d'analyse et de recherche de solutions pour aider à surmonter les désaccords apparus entre les acteurs au cours des derniers mois ». Son travail d'analyse ne porte que sur la seule question de la réforme de la tarification, «un angle important mais partiel de la situation dans les EHPAD », précise Pierre Ricordeau. Le médiateur formule 17 propositions pour «surmonter les difficultés liées à la réforme tarifaire ». Ces éléments « n'ont leur sens » que s'ils s'inscrivent dans le cadre de la stratégie globale de prise en charge du vieillissement concoctée par la ministre des Solidarités et de la Santé.
La part d'EHPAD perdants « nettement plus forte » dans le public
Après plusieurs mois de bataille de chiffres entre l'État et les fédérations gestionnaires d'EHPAD, le rapport tranche : les effets de la convergence sur le volet dépendance sont assez différenciés suivant les statuts des EHPAD. Si le pourcentage d'établissements globalement perdants (soins + dépendance) se situe autour de 20/25% tous statuts confondus, il monte à près de 35/40 % pour le secteur public, environ 8% dans le secteur privé commercial, le secteur non lucratif se situant autour de la moyenne de 20/25%.
Pour sortir les EHPAD de leurs difficultés, la médiation préconise de mettre en place « une mesure temporaire de neutralisation des impacts les plus négatifs de la convergence tarifaire dépendance en 2018 et 2019. Cette "pause", comme l'a qualifiée la ministre des Solidarités et de la Santé, doit permettre aux acteurs nationaux d'évaluer ensemble les impacts de la réforme et de déterminer des mesures d'ajustement et d'accompagnement. L'objectif, selon Pierre Ricordeau, n'est pas de « remettre en cause les principes fondamentaux de cette convergence mais de lui donner la souplesse qui lui manque aujourd'hui. »
Les mécanismes pour neutraliser la perte de moyens
La neutralisation proposée apporterait donc «une double garantie temporaire» en cas de perte de recettes au titre de la dépendance. La première garantie concernerait les recettes nettes sur l'ensemble « dépendance » et « soins ». Pour les EHPAD subissant une perte nette malgré une convergence positive sur le soin, une recette temporaire viendrait neutraliser intégralement la baisse de moyens de l'année 2018 puis 2019. En cas de convergence nulle ou négative sur le soin, les crédits complémentaires viendraient intégralement neutraliser la perte sur la dépendance.
La seconde garantie viendrait limiter les effets spécifiques de la convergence « dépendance », quelle que soit la situation sur le solde net combiné « dépendance + soins». Cette neutralisation serait appliquée dès lors que les pertes de recettes « dépendance » pour 2018 et 2019 dépassent un seuil que le médiateur propose de fixer à 5000 euros, afin qu'aucun établissement ne subisse, au titre de chacune de ces années, une perte de recette « dépendance » supérieure à ce seuil, et que ses « gains » au titre du soin soient trop fortement amputés.
Faire du CPOM un outil de gestion de la convergence
Le décalage entre la mise en oeuvre de la réforme tarifaire pour tous les établissements dès 2017 et la programmation des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) étalée sur plusieurs années a été, selon la mission, « dommageable ». Le rapporteur recommande donc d'adapter la programmation des CPOM pour intégrer rapidement les établissements les plus touchés par la convergence dépendance à la baisse et « faire du CPOM un outil de gestion de cette convergence ». Pierre Ricordeau propose également d'ouvrir la possibilité d'accélérer la convergence « soins » dans le cadre des CPOM.
L'État et les départements condamnés à s'entendre
S'ils souhaitent que ces mesures de neutralisation portent leurs fruits, l'État et les départements vont devoir mettre fin à leur jeu de ping-pong accusateur. Pierre Ricordeau insiste sur le fait que ses propositions « n'ont de sens que si les deux acteurs agissent de concert ». C'est à priori ce qui se profile. La ministre des Solidarités et de la Santé a annoncé l'ouverture de réunions de travail avec les fédérations et l'Assemblée des départements de France pour aboutir, d'ici l'automne, à un ajustement du décret relatif au tarif dépendance. Un ajustement qui prendrait donc effet pour l'année 2019.
Et 2018 ? « Compte tenu de l'état d'avancement de l'année budgétaire », ces mesures de neutralisation proposées par Pierre Ricordeau pourront être apportées par les Agences régionales de santé (ARS) en fonction des politiques qui ont été mises en oeuvre dans les départements. Le temps est désormais compté pour limiter la casse...