Trois facteurs sont mis en cause : la culture carabine, des rapports hiérarchiques et fonctionnels déséquilibrés et une culture du silence.
La moitié des infirmières se déclarent victimes de violences sexistes et sexuelles
Plus de 21 000 infirmières et infirmiers ont répondu à une consultation de l'Ordre national des infirmiers (ONI) dont un peu plus de 19 000 infirmières, une proportion proche de celle du métier - à ce propos, quand l'ONI changera-t-il son intitulé ?
49% des répondants, soit 53 % des femmes et 24 % des homme déclarent avoir été victimes d'au moins un type de violences sexistes et sexuelles (VSS) dans le cadre de leur exercice. 39 % ont subi des « réflexions inappropriées », 21 % des « outrages sexistes » (propositions outrancières, propos homophobes, moqueries...), 4 % des agressions sexuelles et 0,13 % un viol. Quatre sur dix affirment avoir subi des faits « à plusieurs reprises » et 6 % « de façon régulière ».
La grande majorité des victimes accusent un autre professionnel de santé (47 % des répondants, plusieurs réponses possibles) ou un patient (60 %) mais il peut s'agir d'un visiteur (26 %), d'un autre infirmier (15 %) ou encore d'un responsable administratif (3 %) ou hiérarchique (14 %).
Les faits ont souvent eu un impact sur la santé et la vie intime. Ils ont fait naître un sentiment d'insécurité au travail (37 %), modifié le rapport au travail notamment en matière de motivation ou d'absentéisme (14 %) voire provoqué un changement d'activité (12 %).
Et ça commence dès les études ! Près d'une infirmière ou d'un infirmier sur quatre déclare avoir été victime de VSS dès sa formation initiale, « période de grande vulnérabilité, et enjeu dont nous devons nous saisir urgemment, alors qu'un étudiant infirmier sur 10 abandonne ses études dès la première année, 7% en 2e année, et 4 % en 3e année » commente l'ONI
Trois facteurs favorisent cette prévalence importante des VSS selon les répondants : la culture carabine (71%), des rapports hiérarchiques et fonctionnels déséquilibrés (59%) et une culture du silence qui reste prégnante au sein des établissements de santé (53%).
Campagne d'information en 2025
Depuis sa naissance début 2009, le jeune ONI a connu une présidence féminine de deux ans (Dominique Le Boeuf) puis masculine de 3 mandats entre 2011 et 2024 (Didier Borniche et Patrick Chamboredon), jusqu'à l'élection en avril dernier de Sylvaine Mazière-Tauran. Cela explique-t-il que la question n'ait pas été une priorité jusque-là ?
« Le mouvement #MeToo à l'hôpital a permis une nécessaire levée du silence qui règne depuis trop longtemps sur les violences sexistes et sexuelles dont sont victimes les soignantes et soignants », reconnaît-il aujourd'hui. Dans le sillage de ce mouvement, l'Ordre a souhaité « être force de propositions ». En tant qu'institution, il a annoncé pour 2025 une campagne d'information spécifique sur le rôle qu'il peut jouer, via le dispositif d'entraide, « qui est une de ses missions constitutives », et le soutien notamment juridique : l'Ordre peut ainsi se constituer partie civile aux côtés de la victime et s'associer à toute plainte d'infirmière ou d'infirmier contre son agresseur. L'Ordre national entend aussi « renforcer la formation des référents violence » de chacun de ses conseils départementaux et interdépartementaux, dans le cadre de sa convention avec la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof), afin que « toute victime trouve auprès de son conseil une écoute et un soutien attentifs ».