Fourre-tout législatif, la proposition de loi Bien Vieillir contient d'importantes mesures que les députés ont manifestement voulu caler avant la loi de programmation grand âge promise en 2024 par le gouvernement.
La PPL Bien vieillir considérablement enrichie par les députés
Les députés ont adopté le 23 novembre une proposition de loi (PPL) « portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France » passée en près d'un an de 14 articles à plus de 60. Quelques points-clés de ce texte adopté (provisoire) devenu foisonnant et qui sera examiné par le sénat à une date encore inconnue.
Prévention de la perte d'autonomie
L'un des enjeux principaux de la PPL est la prévention de la perte d'autonomie des personnes âgées. Elle prévoit notamment la création d'une Conférence nationale de l'autonomie. Cette nouvelle instance étatique aura pour mission de piloter la politique de prévention et d'en détailler les fonctions. Elle pourra s'appuyer sur un « centre national de preuves de prévention de la perte d'autonomie et de ressources gérontologiques ». Ce dernier aura notamment pour rôle d'identifier les aides ou nouvelles technologies favorisant notamment « le soutien à domicile ».
Loi de programmation décalée
L'annonce faite par la Première ministre le 22 novembre d'une loi de programmation pluriannuelle sur le grand âge « d'ici l'été pour un examen et une adoption au second semestre 2024 » a rassuré les députés. Ils avaient pris les devants dès le 13 avril, en votant contre l'avis du gouvernement un amendement imposant l'adoption de cette loi et ont accepté par une nouvelle délibération d'en décaler la date limite au 31 décembre 2024 (nouvel article 2bisB). Elle aura lieu tous les 5 ans.
Droit de visite
L'article 3 de la PPL assure un droit de visite des proches en complétant le 1° de l'article L.311-3 du code de l'action sociale et des familles (CASF) : « le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, « et familiale, notamment la visite de sa famille et de ses proches, sous réserve que la personne ne s'y oppose pas, et le maintien d'un lien social », de son intimité, de sa sécurité et de son droit à aller et venir librement ».
Maltraitance
L'article 4 de la PPL instaure notamment une instance permettant de recenser les signalements de violences à l'encontre des personnes âgées.
Elle prévoit également de faciliter les échanges entre territoires pour mettre en place des mesures coordonnées face à ces maltraitances.
Mobilité des aides à domicile
Une aide financière annuelle est créé au profit des départements qui soutiennent les déplacements (en voitures ou en transports en commun) des aides à domicile (article 7). Elle est conditionnée au montant de l'indemnité kilométrique versée par les départements qui ne sera pas inférieure à 45 centimes du kilomètre, au temps du déplacement décompté comme travail effectif entre les interventions...
Une aide financière aux départements est également créée pour l'organisation, au profit des professionnels de l'aide à domicile, de temps d'échange et de partage de bonnes pratiques.
Les députés ont également répondu favorablement à l'expérimentation jusque fin 2027 d'un financement de l'aide à domicile par forfait.
Obligation alimentaire des petits-enfants
Dans le cadre de l'aide sociale à l'hébergement, la PPL supprime l'obligation alimentaire pour les petits-enfants et leurs descendants. Par ailleurs, les enfants d'un parent condamné pour crime ou agression sexuelle contre l'autre parent seront dispensés d'aide alimentaire.
Les Ehpad post-scandale Orpea
Un amendement (après article 11) prévoit la mise en place d'une réunion régulière rassemblant tous les quatre mois les représentants des autorités, établissements et services compétents en matière de contrôle des Ehpad. Cette mesure vise à favoriser la coordination des actions de contrôle et de prévention des risques, assurant ainsi une meilleure qualité de vie aux résidents des Ehpad.
Deux autres mesures visent à ne pas renouveler tacitement les autorisations des Ehpad dont l'évaluation externe ou le contrôle de l'agence régionale de santé (ARS) n'a pas été satisfaisant et à renforcer le contrôle des Ehpad privés lucratifs et les sanctions en cas de constat du mauvais état d'entretien d'un immeuble ou de travaux non réalisés. De son côté, le gouvernement a fait voter un amendement (art. 11 bis D) pour obliger les Ehpad privés lucratifs à consacrer une partie de leurs bénéfices à l'amélioration de l'hébergement et du bien-être de leurs résidents. Un décret devra préciser cette obligation, qui sera applicable au plus tard en 2025.
En application de l'article 12 quinquies, les Ehpad commerciaux et leurs gestionnaires devront s'inscrire dans le cadre de sociétés à mission pour renforcer les exigences en termes d'engagements d'intérêt général et d'utilité sociale.
Nouveaux indicateurs, taux d'encadrement...
Sur proposition de LR, la PPL acte l'instauration de nouveaux indicateurs pour évaluer les Ehpad, comme le nombre de douches hebdomadaires, la durée des repas, l'état nutritionnel des résidents ou le nombre de protections individuelles par résident.
La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) devra élaborer des référentiels en matière de taux d'encadrement. Les Ehpad devront transmettre tous les ans leur taux d'encadrement à cet organisme, qui rendra ces données publiques sur son site internet.
Un cahier des charges spécifique aux Ehpad, défini par arrêté des ministres chargés des personnes âgées et de l'alimentation, précisera la quantité et à la qualité nutritionnelle des repas proposés.
Pour accorder un peu de répit aux proches aidants ou rassurer les personnes âgées vivant seules, l'État pourra instaurer un quota minimal de places réservées à l'accueil de nuit dans les Ehpad, à titre expérimental de 2024 à 2026. Enfin, le gouvernement devra remettre au Parlement, dans les six mois de la publication de la loi, un rapport sur l'opportunité de créer un taux minimal d'encadrement pour les personnels « au chevet » (infirmières et aides-soignantes) pour les personnes âgées.