La Fehap et Nexem vont chacune soumettre le 17 février une résolution pour une convention collective unique à leur assemblée générale extraordinaire. Une première pierre pour un chantier d'envergure.
La première pierre de la fusion des CCN 51 et 66 va être posée
CCUE : retenez ce sigle, vous allez en entendre parler durant ces prochains mois, ces prochaines années. Il s'agit de la « convention collective unique étendue » que les employeurs de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale privée à but non lucratif (Bass) envisagent de construire depuis de nombreuses années - étendue parce que devant s'appliquer aussi aux établissements et structures non adhérents. Première étape : fusionner les deux mastodontes que sont les CCN 51 et 66, autrement dit la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde du 31 octobre 1951 et la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, signées du côté patronal, respectivement par la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (Fehap) et par Nexem.
La Fehap représente 4 700 établissements et services sanitaires sociaux et médico-sociaux dont plus de 1 700 à destination des personnes âgées, soit plus de 280 000 salariés.
Nexem représente 10 000 établissements et services, qui emploient plus de 300 000 professionnels dans cinq secteurs d'activité : les personnes handicapées, la protection de l'enfance, l'insertion sociale, les personnes âgées et le sanitaire.
Une démarche accélérée de fusion
Le 4 octobre dernier, la Fehap et Nexem ont annoncé « s'engager dans une démarche accélérée de fusion de leurs conventions collectives pour constituer un nouveau cadre juridique commun ». Accélérée ? Les deux fédérations y affirment une motivation essentielle : remédier au manque d'attractivité des métiers du secteur (que la crise sanitaire n'a fait que mettre en exergue) en bâtissant une grille de classifications et de rémunérations commune et en restructurant le secteur pour apporter des réponses transversales aux défis RH que sont la formation, les compétences... Chacune a effectué un tour de France de ses représentants territoriaux pour présenter les premières orientations et thématiques clés d'entrée en négociation avec les organisations syndicales. Toutes deux soumettront une résolution à leur assemblée générale extraordinaire (AGE) réunie le même jour, le 17 février. Une note d'accompagnement éclaire la feuille de route proposée pour la conduite du chantier, avec en annexe d'intéressants exemples possibles de classifications et rémunérations issus des travaux préparatoires.
Le 17, on sera à la veille de la conférence des métiers de l'accompagnement social et médico-social, orchestrée par deux membres de l'Inspection générale des affaires sociales, Jean-Philippe Vinquant et Benjamin Ferras, à la demande de Jean Castex. Dans une lettre de mission du 21 décembre aux allures de note de cadrage, le Premier ministre les a également chargés d'expertiser les conditions de réussite d'une CCU : « Il est essentiel que l'État, en lien avec les départements, puisse jouer son rôle vis-à-vis des parties prenantes à la négociation en précisant les objectifs à atteindre du point de vue des politiques publiques considérées et en précisant la nature et les conditions de son concours, y compris financier », écrit-il. On ne sera pas dans le « quoi qu'il en coûte ».
Une première embûche
Une fois la résolution signée par les AGE, le dossier passera à l'échelon de la Bass. Du côté des organisations patronales, la confédération Axess aura donc la main. Créée en avril 2019, elle réunit la Croix-Rouge française, la Fehap, Nexem et Unicancer et a déjà notamment à son actif un important accord de branche du 9 septembre 2020 sur la formation professionnelle, signée par la CFDT et la CGT. Mais « réunissait », devrait-on dire, car Unicancer en a démissionné le 21 décembre. Une première embûche ! Fédérant 18 centres de lutte contre le cancer (CLCC) et comptant 25 000 salariés, elle « ne perçoit pas l'intérêt d'aller vers une CCUE », explique-t-elle dans une note à ses représentants syndicaux. En substance, elle estime ne pas pouvoir peser face à la Fehap et Nexem pour défendre les spécificités des CLCC avec en outre le risque d'entraver le dialogue social constructif en interne. Le représentant FO avait alerté la ministre du Travail à peu près dans les mêmes termes sur les risques d'une CCUE assurément « moins-disante »
que la CCN du 1er janvier 1999. Bien sûr, les CLCC « ont aussi des difficultés de recrutement, explique-t-il à Géroscopie, mais beaucoup moindres et le turn-over y est peu important. Nos 25 000 salariés sont peu de choses vis-à-vis des centaines de milliers de salariés de Nexem ou de la Fehap mais ce petit nombre (relatif), notre branche a su en faire une force avec des circuits de décisions raccourcis et une réactivité dans le dialogue social. »
Le dialogue social au niveau de la Bass ? Il va aussi falloir recoller les morceaux après des transpositions à géométrie variable ou inabouties du Ségur. Décrochage de l'associatif du public, distorsions gigognes entre sanitaire et médico-social, grand âge et handicap, métiers du soin et de l'accompagnement, le contexte est éruptif. Et les syndicats sont divisés sur la question de la CCUE. Cela dit, le Code du travail donne cinq ans aux partenaires sociaux pour se mettre d'accord.