L'examen par les députés en première lecture de la proposition de loi « Bien vieillir » n'a pu s'achever le 13 avril dans les (courts) temps prévus. La suite est remise à une date encore indéterminée.
La proposition de loi « Bien vieillir » mise sur pause
Après avoir échappé, à une dizaine de voix près, à une motion de rejet le 11 avril, la proposition de loi (PPL) « portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir » n'a pu être examinée jusqu'au bout le 13 avril et a été mise sur pause à son article 6 sur la carte professionnelle pour les aides à domicile.
« Je m'engage au nom du Gouvernement à ce que nous puissions réinscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée rapidement la suite du texte », a assuré le ministre des Solidarités Jean-Christophe Combe.
De 14 à 33 articles
Portée par les trois groupes Renaissance, MoDem et Horizon, cette PPL avait été accueillie par les oppositions (et par le secteur médico-social) comme un succédané sans ambition du projet de loi Grand âge auquel le Gouvernement a renoncé - et même dans les rangs de la majorité avec la démission surprise de Monique Iborra (Renaissance, Haute-Garonne) de son poste de co-rapporteure, la veille de son examen en commission.
Ce texte a été présenté sous forme de 14 articles ventilés en trois titres :
- renforcer le pilotage de la politique de prévention de la perte d'autonomie des personnes âgées et lutter contre l'isolement social ;
- préserver les droits et la citoyenneté des personnes en situation de vulnérabilité en luttant contre les maltraitances ;
- garantir à chacun un hébergement ainsi que des prestations de qualité et accessibles, grâce à des professionnels accompagnés et soutenus dans leur pratique.
Un découpage masquant mal l'absence de colonne vertébrale avec un patchwork de mesures allant de la création d'une conférence nationale de prévention de la perte d'autonomie à l'expérimentation d'une carte professionnelle pour les intervenantes du secteur du domicile, en passant par la mobilisation du forfait soins des Ehpad pour financer des actions de prévention (activité physique adaptée par exemple) ou encore la suppression de l'obligation alimentaire pour les petits-enfants. Au demeurant intéressantes toutes, isolément.
La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a étoffé la PPL et l'a fait passer de 14 à 33 articles. Elle a, par exemple, institué un référent prévention, bénévole ou salarié, au sein de chaque établissement ; prévu l'élaboration d'un projet d'accueil et d'accompagnement personnalisé dans des conditions fixées par décret dans les deux mois suivant la conclusion du contrat de séjour ; renforcé le rôle du médecin coordonnateur en élargissant son pouvoir actuel de prescription et en ouvrant la possibilité qu'il devienne le médecin traitant d'un résident ; accentué le contrôle des acteurs privés lucratifs et des sanctions en cas de constat du mauvais état d'entretien d'un immeuble ou de travaux non réalisés ; créé un cahier des charges spécifique aux Ehpad sur la qualité nutritionnelle des repas proposés...
Contournements et contre PPL
En trois jours d'examen et de débats souvent âpres, les députés ont ensuite adopté des mesures nouvelles en séance.
L'une d'elles est issue d'un très long amendement du Gouvernement déposé en dernière heure : la création d'un « service territorial de l'autonomie » à partir du 1er janvier 2025. Inspirée du rapport Libault de mars 2022, elle vise à faciliter les démarches des personnes âgées, handicapées et proches aidants, ainsi qu'à apporter une réponse mieux coordonnée et à éviter les ruptures de parcours.
On retiendra aussi le regroupement obligatoire des Ehpad publics autonomes... et l'hypertrophie du volet protection juridique : les députés ont créé un titre II bis, « Renforcer l'autonomie des adultes vulnérables en favorisant l'application du principe de subsidiarité »... au risque d'une quasi loi dans la loi !
Surtout, ils ont voté un important amendement présenté par le député socialiste Jérôme Guedj sur l'obligation, avant le 1er septembre 2023, puis tous les cinq ans, d'une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge. La question des moyens, évacuée par la porte de la proposition de loi, reviendrait par la fenêtre ! « Cette mesure devra être confirmée par l'examen du texte au Sénat », a aussitôt réagi la Fédération hospitalière de France, « mais l'absence d'avis défavorable du Gouvernement et l'adoption à l'unanimité de cet amendement constituent un signal fort et attendu. »
Parallèlement, les députés socialistes ont déposé le 4 avril une contre-proposition de loi (voir encadré ci-dessus) qui décline les propositions des nombreux rapports issus de concertation depuis 4 ans en vue d'une éventuelle loi Grand âge : « elle ne se limite pas aux seuls enjeux de la branche autonomie, du médico-social et du grand âge, car la transition démographique concerne d'autres secteurs : logement, mobilité, aménagement du territoire, emploi, lutte contre les discriminations, sport, culture... », expliquent-ils. « Elle assume une trajectoire financière et la recherche de ressources nouvelles pour atteindre 9 milliards supplémentaires par an à partir de 2030, en cohérence avec toutes les estimations faites. »
Mais revenons à la PPL « Bien vieillir ». Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée mais quand l'Assemblée nationale reprendra-t-elle son examen ? Pas avant mi-mai ou début juin, au mieux. Et il reste un peu plus de 400 amendements à examiner.