Dans le n° 19-avril 2012  -  Interwiew de Roselyne Bachelot-Narquin  774

La recherche de l'efficience doit s'accompagner de réformes de structures.

Signature des conventions tripartites, reprise du forfait global ou financement des temps de médecins-coordonnateurs,... les attentes des directeurs d'EHPAD sont nombreuses. Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, rappelle les augmentations de crédits et les travaux en cours d'expérimentation dans la qualité,... Et à la rigueur budgétaire, la Ministre répond nécessaire recherche d'efficience. Interview réalisée en mars 2012.

Les professionnels de la prise en charge des personnes âgées dépendantes sont inquiets : taux de reconduction bas, reconduction des conventions tripartites insuffisante, pause dans le passage au tarif global, report de la réforme sur le financement de la dépendance. Comment peut-on les rassurer ?

J'ai entendu les craintes des professionnels. Mais je veux rappeler que depuis 2007, les moyens sont en constante progression : nous avons ainsi augmenté de 75 % les crédits destinés aux services et établissements accueillant des personnes âgées. En 2012, alors que les dépenses d'Assurance-maladie progresseront de 2,5 %, celles en faveur des personnes âgées augmenteront de plus de 6 % ! Cette forte croissance permet notamment de disposer d'une enveloppe de 140 millions d'euros pour financer de nouvelles conventions de médicalisation.

Le principe du budget global permet une meilleure cohérence opérationnelle et budgétaire. Il est de ce fait très attendu par les directeurs d'EHPAD. Pourtant en 2012, tout semble bloqué...

Le tarif global a fait l'objet d'une importante mission de l'IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales). Celle-ci a révélé plusieurs points que vous occultez et qui m'ont conduite à prolonger la pause dans la signature de convention tripartite au tarif global. Cette pause n'est pas réalisée dans le but de faire des économies.

Le rapport qui m'a été remis fait ressortir différents éléments. Le tarif global est pertinent pour certains établissements, en particulier ceux de taille suffisante ou disposant d'une pharmacie à usage intérieur. Mais des incertitudes persistent sur le calibrage du tarif global : la différence entre tarif global et tarif partiel excède très largement les dépenses supplémentaires couvertes par le tarif global, même si on augmente ces dernières des économies réalisées globalement par l'Assurance-maladie en raison d'une meilleure prise en charge des résidents.

Cette situation crée une distorsion entre les EHPAD au tarif global et ceux au tarif partiel.

J'ai ainsi décidé de lancer une étude de coût et de confier cette mission à l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH).

La coordination en établissement est essentielle pour une bonne prise en charge de la personne âgée. Pourtant le décret sur le temps des médecins-coordonnateurs n'a pas été accompagné des moyens financiers nécessaires. Aucun établissement ne peut la mettre en oeuvre... Que répondez-vous aux directeurs de structures ?

Le médecin coordonnateur est un acteur essentiel du parcours de soin, pour les personnes âgées comme pour les familles. Il constitue un véritable pivot entre les différents professionnels intervenant dans les EHPAD.

L'augmentation du temps de présence du médecin coordonnateur sera graduée dans le temps : elle s'appliquera lors du renouvellement des conventions tripartites qui conduit à l'octroi de crédits supplémentaires.

La réforme des retraites était nécessaire du fait de l'accroissement constant de la durée de vie. Cette réforme a-t-elle été un frein à la réforme du financement de la dépendance ?

Au contraire ! La réforme des retraites était une étape indispensable au lancement d'une réforme de la dépendance. Comment, en effet, pouvions-nous réfléchir à la prise en charge des personnes âgées dépendantes alors même que le financement de leurs pensions de retraite n'était pas assuré ?

Face aux déficits croissants de nos régimes de retraite, aggravés par la crise, le Président de la République a fait le choix de lancer une réforme sans plus tarder. C'était son devoir, sa responsabilité. Notre système de retraite sera de nouveau à l'équilibre en 2017.

Votre question soulève néanmoins un point important : l'incroyable progression de l'espérance de vie représente un défi majeur pour les sociétés occidentales. En France, alors que nous consacrons aujourd'hui 30 % de notre richesse nationale aux politiques de protection sociale, le vieillissement de la population va nous contraindre à dépenser mieux, avant de souhaiter dépenser plus.

Le débat sur la dépendance demeure une grande nécessité pour le prochain quinquennat. Compte tenu de la rigueur budgétaire, pour financer la dépendance, faudra-t-il selon vous s'orienter vers le recours sur succession ? Vers une deuxième journée de solidarité ? Vers une taxe supplémentaire ?

Face aux trois évolutions majeures que nous rencontrons - mondialisation, vieillissement de notre population, épuisement de nos finances publiques -, nous devons redonner un nouveau souffle à notre modèle social. Loin de le détricoter, nous devons l'adapter aux réalités du XXIe siècle.

L'allongement de l'espérance de vie, heureuse nouvelle, met sous pression nos systèmes sociaux, au premier rang desquels l'Assurance-maladie. Nous ne pouvons être spectateurs de la dérive de nos dépenses sociales : en recherchant l'efficience, nous trouverons des marges de manoeuvre que nous pourrons redéployer. Nous savons, en effet, que les nombreuses ruptures dans le parcours de soins des personnes âgées entraînent des coûts supplémentaires pour les pouvoirs publics : nous lançons des expérimentations qui ont pour objectif de déterminer les pratiques qu'il conviendra de généraliser.

La recherche de l'efficience doit s'accompagner de réformes de structures. La loi HPST propose un certain nombre d'outils et crée les ARS. Il faudra probablement aller plus loin en s'assurant qu'à tous les niveaux de décision la coordination soit la meilleure.

L'ensemble des réflexions que nous lançons doit également amener à rechercher une amélioration de la qualité de la prise en charge. Les personnels des établissements et services réalisent un travail formidable, mais il faut aller plus loin en encourageant les meilleures pratiques. Tel est l'objectif des expérimentations sur la modulation de la dotation dans les EHPAD que j'ai souhaitées.

Le discours actuel veut qu'il y ait suffisamment de places en établissements. N'est ce pas plutôt le " reste à charge " qui décourage les familles et fait diminuer la fréquentation des structures ?

Il est exact que des établissements ont, dans certains territoires, du mal à faire le plein. Il ne s'agit généralement pas d'établissements réputés chers.

Les groupes de travail mis en place lors des débats sur la réforme de la dépendance ont en effet montré que le taux d'équipement en places dans les maisons de retraite atteint aujourd'hui un point d'équilibre. Il reste néanmoins des inégalités territoriales que nous cherchons à réduire, et c'est aujourd'hui aux ARS de travailler sur ce point.

Enfin, il ressort des débats sur la dépendance qu'avant l'établissement, c'est le maintien à domicile qui est plébiscité par nos concitoyens. La proportion de personnes âgées dépendantes en établissement pourrait encore diminuer dans les prochaines années.

Il existe de gros écarts de traitement entre les personnes âgées et les personnes handicapées. Comment résoudre cet écart et comment mettre en oeuvre la notion de cohésion sociale ?

La question de la cohésion sociale ne peut se résumer au débat, important, de ce que l'on appelle la barrière d'âge. Elle s'apprécie globalement : je redis que notre pays consacre 30 % de sa richesse aux politiques sociales. Avoir préservé ce haut niveau de solidarité au cours des quatre dernières années marquées par des crises violentes est la preuve de la volonté du Gouvernement de défendre notre modèle social.

La barrière d'âge n'en reste pas moins une question délicate. Y renoncer impliquerait un effort budgétaire de près de 10 milliards d'euros. Cela n'est aujourd'hui pas possible.

Au cours des travaux préparatoires à la réforme de la dépendance, je n'ai d'ailleurs pas senti de la part des associations de personnes handicapées une volonté absolue de renoncer à cette barrière d'âge. Compte tenu de la situation de nos finances publiques, cela aurait pu impliquer une convergence entre les modalités de la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées, et non un alignement à chaque fois sur le plus favorable des deux systèmes.

Le rôle des psychologues semble retenir l'attention de tous les acteurs, Conseils généraux ou ARS. Cette position relève-t-elle d'une volonté nationale ? Si oui sera-t-elle accompagnée de moyens ?

De nombreuses études l'ont en effet prouvé, l'état de santé des proches d'une personne dépendante est en général fragilisé. Préoccupés avant tout par le suivi des soins et le maintien de la qualité de vie de leur proche, les aidants négligent souvent leurs propres besoins de santé et tardent à les exprimer auprès des médecins : ils sont plus souvent atteints de pathologies chroniques, souffrent davantage d'épisodes dépressifs, sont exposés à un risque majoré d'épuisement. J'ai veillé dans tous les plans de santé publique à ce qu'un volet substantiel soit réservé aux aidants. S'agissant du soutien psychologique, je pense en réalité que c'est davantage une question de réflexes que de moyens : il faut que chaque professionnel qui suit, évalue, ou accompagne une personne dépendante ait le réflexe de penser aux besoins des aidants.

De plus en plus s'affirme l'idée que les EHPAD doivent devenir des plates-formes/centres de ressources : accueil de jour et accueil temporaire, service à domicile, voire formation,... Va-t-on vers une tarification à l'activité ?

Oui, nous devons aller vers davantage de décloisonnement entre les modes de prise en charge. Dans ce cadre, les EHPAD me semblent les mieux placés pour jouer ce rôle de pivot. Pour autant, il ne peut être question d'une tarification uniforme. Par exemple, il est nécessaire, dans le cas de l'hébergement temporaire, très utile pour soulager les aidants ou préparer une personne âgée à son entrée dans un établissement, de tenir d'un taux de remplissage légèrement plus faible que dans le cas d'une place d'hébergement permanent. En tout état de cause, la tarification à l'activité telle qu'elle est mise en oeuvre dans les établissements sanitaires n'a pas de sens pour les EHPAD. Ce ne sont pas des actes qui y sont réalisés mais une prise en charge globale allant des soins à des animations diverses.

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