Les troubles de la mémoire constituent les symptômes cognitifs les plus fréquents et les plus invalidants dans la maladie d'Alzheimer. En facilitant la mémorisation, l'outil " Récupération espacée " peut faciliter la vie quotidienne du malade et celle du soignant. Avec Jérôme Erkes, psycho-neurologue et directeur de recherche et du développement chez AG&D.
La récupération espacée
Définition
La récupération espacée est un outil destiné à compenser les troubles mnésiques chez les patients atteints de démence. La récupération espacée vise l'apprentissage, le réapprentissage et la mémorisation de connaissances. Elle est fondée sur un rappel de l'information à des intervalles de temps croissants jusqu'à son maintien à long terme.
La récupération espacée a été développée par les neurologues Landauer et Bjork dans les années quatre-vingt.
Pour quels professionnels ?
Les équipes des EHPAD, d'ESA (équipes spécialisées Alzheimer), les intervenants des services d'aide à domicile, les équipes gériatriques...
Pour quel public ?
La récupération espacée les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'une maladie apparentée et qui présentent des troubles mnésiques sévères au quotidien.
Les personnes doivent être capables :
- de produire des réponses verbales et/ou motrices adaptées.
- de se concentrer sur une activité donnée pendant au moins quelques minutes.
Attention?: les troubles sensoriels et/ou moteurs, les syndromes confusionnels, les troubles du langage sévères en expression et compréhension peuvent constituer des freins à l'utilisation de la RE.
Fonctionnement
1) Le soignant/l'aidant fournit à la personne malade l'information à mémoriser. Ex : " Quand je suis devant mon assiette et mes couverts, je mange ".
Le patient doit la répéter immédiatement.
2) Après un délai très court (par exemple 30 secondes), le soignant demande à la personne de redonner l'information. " Que faites-vous quand vous êtes à table avec une assiette et des couverts ? " Si le patient répond correctement, le soignant repose la question après un délai un peu plus long (par exemple 60 secondes).
3) Le délai est alors progressivement allongé. En cas d'échec, on revient au délai précédent. Chaque essai se termine par la production de la bonne réponse.
4) L'information est considérée comme mémorisée quand la personne redonne l'information après un délai de 5 minutes ou quand elle redonne seule l'information après 3 séances consécutives.
Lorsque les apprentissages s'avèrent impossibles (pas d'évolution des délais), le soignant peut écrire l'information sur une fiche. Il apprend alors au patient, par la récupération espacée, à consulter une fiche liée à la connaissance à acquérir. Cette méthode peut mener dans certains cas à un apprentissage de l'information.
Exemples d'applications
- Une résidente ne reconnaissait plus son fils. Après un travail sur photo, elle a pu de nouveau nommer son fils. Chaque rencontre entre mère et fils commence dès lors dans de bonnes conditions.
- Une patiente atteinte d'une démence sévère restait immobile devant son assiette pleine. Elle a réappris à manger (et évité la pose d'une sonde).
- Une personne qui restait seule au domicile de son fils dans la journée était sujette à des crises d'angoisse (appel des pompiers...). Elle a appris à consulter en cas de stress le message collé sur la porte : " Maman, je suis parti travailler. Je vais rentrer ce soir. En attendant, lis, regarde la télé. Je t'aime. "
- Un monsieur n'arrivait pas à utiliser son téléphone portable. Il a appris à consulter une fiche explicative. Sa femme lui a demandé d'appeler un de leurs enfants tous les soirs.
Méthode
- Définir une connaissance/compétence à apprendre. Celle-ci dépend de la situation particulière de la personne, de ses besoins et de ses capacités. C'est le travail de la personne référente (psychologue...) en concertation avec les soignants/aidants
- Obtenir le consentement de la personne malade pour éviter les comportements d'opposition. La personne doit y trouver du sens. Exemple : " Nous pouvons travailler ensemble pour que vous pensiez à prendre votre aide à la marche quand vous souhaitez déplacer. Ce sera facile. Êtes-vous d'accord ? "
- Réaliser au moins une session par semaine
- Former les soignants et les personnes proches de la personne malade. Ils pourront solliciter la personne en dehors de la session.
- Facteurs de succès :
- Être souple : modifier et adapter le déroulement de l'apprentissage si nécessaire. Les délais peuvent être ajustés, le nombre de sessions également.
- utiliser fréquemment les connaissances " entraînées " lors des sessions dans la vie quotidienne.
NB : chaque session vise à mémoriser une seule information. Toutefois, plusieurs projets d'apprentissage peuvent être menés de front : l'un avec les kinés autour de la marche, l'autre avec une AMP autour de l'association nom d'un proche/visage avec une photo.
Bénéfices
- autonomie retrouvée des personnes malades
- changement de regard des soignants
- fierté de la personne malade et de sa famille
Compatibilité avec d'autres approches médicamenteuses
La Récupération espacée est un outil qui débloque des situations précises. Cet outil n'a pas vocation à être le seul. D'autres outils ou méthodes peuvent être utilisés en parallèle (Montessori, Humanitude ®, validation de Naomi Feil...).
Formation
Contenu : L'outil Récupération espacée est simple d'utilisation. La formation porte sur la définition de la compétence à travailler, la préparation aux conditions de l'apprentissage, les jeux de rôle...
Qui former ? La Récupération espacée est utilisable par tout soignant au quotidien : il est donc important de former 10 à 15 personnes par établissement. À l'issue de la formation deux ou trois personnes seront choisies comme pilotes : psychologue, ergothérapeute,...
Durée : la formation dure 2 ou 3 jours selon la formule choisie. Il est conseillé de suivre une journée supplémentaire trois à 6 mois après la session, pour discuter de son expérience.
Organisme de formation : AG&D