Voulue par la Fehap, la généralisation des CPOM médico-sociaux marque une nouvelle étape. Antoine Dubout, Président de la FEHAP, se réjouit de cette réforme qui devrait produire plus d'égalité et d'autonomie. A condition que les gestionnaires soient bien accompagnés dans leur application. Explications.
La réforme budgétaire va créer un modèle " d'Associés " entre financeurs et gestionnaires
Quels effets attendez-vous de l'application de la réforme de la tarification pour les EHPAD, en règle générale et pour les adhérents de la FEHAP en particulier ?
Antoine Dubout : L'action de la FEHAP ces dernières années a été de convaincre les pouvoirs publics de l'intérêt que pourrait avoir la mise en place d'une relation contractuelle moderne, entre les autorités et les gestionnaires du secteur médico-social, basée sur une logique de pluriannualité budgétaire. La décision de généralisation des CPOM médico-sociaux à un large champ d'établissements et services à compter de 2017 n'a pu que me réjouir.
L'achèvement de la réforme tarifaire des EHPAD engagée par la LFSS pour 2009, prévoyant justement les premiers balbutiements de cette forfaitisation des financements, n'a eu de cesse d'être reporté. C'est donc avec enthousiasme que la FEHAP a accueilli la récente parution du décret tarifaire nécessaire à la finalisation de cette réforme inaboutie. Désormais, nous attendons, lors de sa mise en application, une juste équité financière entre les EHPAD. Cette allocation des ressources devra respecter les critères objectifs d'attribution contenus dans le décret tarifaire et ne plus être soumise à une tarification historique des financeurs. Cette réforme doit être ainsi l'occasion de redonner quelques marges de manoeuvre et de la souplesse de gestion à nos adhérents afin qu'ils puissent adapter leur activité aux nouveaux besoins du public âgé. La FEHAP sera extrêmement vigilante quant à la bonne application par les pouvoirs publics de cette nouvelle réglementation et notamment dans les mêmes conditions dès cette année pour tous les gestionnaires d'EHPAD. Je regrette en effet que la parution tardive de ce décret tarifaire ait participé à alimenter les réticences de certains départements à mettre en application ces réformes dès 2017.
Pensez-vous que vos adhérents soient suffisamment informés du point de vue juridique sur la mise en place du CPOM et de l'EPRD ? Comment former et informer les directeurs d'établissements à cette nouvelle règle du jeu ?
Antoine Dubout : J'attache un intérêt certain à informer en temps réel les adhérents de la FEHAP sur les enjeux jouxtant les réformes en cours et à venir. Dans le cadre spécifique de la réforme budgétaire et contractuelle des EHPAD, les équipes de la fédération ont anticipé depuis de nombreux mois son application. Aussi, dès la publication des textes, un " kit des réformes budgétaires et comptables applicables au 1er janvier 2017 " a été mis en ligne sur notre site internet à destination de l'ensemble de nos adhérents du secteur médico-social. En parallèle, et depuis plus d'un an, la FEHAP organise des formations sur le CPOM et l'EPRD médico-social dans toute la France.
Certains financeurs ont comme nous anticipé la réforme en organisant notamment des journées d'information auprès des gestionnaires de leur territoire. D'autres se sont laissés déborder, parfois volontairement, par la parution, toute fin 2016, des textes. Cette appropriation tardive des réformes par certaines autorités de tarification ne peut que contribuer à augmenter mon inquiétude sur l'accompagnement qu'elles pourront exercer auprès des gestionnaires. A noter que l'application pleine et entière de cette réforme ne pourra se produire qu'après la publication des instructions CPOM et EPRD que j'espère prochaine.
Cette nouvelle réglementation ne va-t-elle pas changer les règles de négociations avec les conseils départementaux ?
Antoine Dubout : En effet, la réforme budgétaire et contractuelle des ESMS doit faire évoluer positivement les relations avec les financeurs. Je m'attends à plus d'égalité et d'autonomie des gestionnaires vis-à-vis des autorités. La création d'une réelle relation contractuelle entre les parties doit contribuer à la création d'un modèle " d'Associés " entre le financeur et le gestionnaire en lieu et place du modèle historiquement connu de " tutelle ".
Je regrette toutefois que ces dialogues de gestion puissent être entachés par le pouvoir de sanction dont ces derniers disposent en cas de refus de signature du CPOM par le gestionnaire, refus qui peut s'avérer " légitime " fonction des propositions tarifaires et objectifs fixés par nos financeurs : la notion de " refus du gestionnaire " mériterait donc d'être étayée, sujétion formulée par la FEHAP à plusieurs reprises pour en limiter le caractère excessif.
L'équivalent du CICE pour le privé non lucratif ne risque-t-il pas d'être une variable d'ajustement de la négociation ?
Antoine Dubout : Tout d'abord, je tiens à rappeler que c'est après plus de deux ans d'actions que les unions et fédérations que sont l'APAJH, la CNAPE, la FEHAP, la FNARS, l'Unapei, UNICANCER et l'UNIOPSS ont enfin obtenu que les employeurs du secteur privé non lucratif sanitaire, social et médico-social bénéficient d'un crédit d'impôt adossé à la taxe sur les salaires pour compenser les déséquilibres issus d'une part de la création du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) prévu pour le seul secteur marchand, et d'autre part des niveaux de prélèvements obligatoires plus faibles du secteur public hospitalier, médico-social et territorial.
L'Etat s'est déjà engagé à ne pas reprendre l'effet favorable de cette mesure dans le cadre des budgets et tarifs qu'il établit et des CPOM qu'il conclut, sous l'égide des ARS et des Préfets. Christian Eckert, Secrétaire d'Etat au budget, s'y est engagé lors du débat parlementaire du 18 novembre 2016 adoptant le CITS ; Marisol Touraine, Ministre de la Santé, a confirmé cette ligne gouvernementale lors de notre congrès national en décembre 2016. La FEHAP sera très attentive à la bonne application de ces déclarations par les services de l'Etat mais également par les Conseils Départementaux en lien avec l'Assemblée des Départements de France.
L'habilitation à l'aide sociale des établissements peut-elle être impactée par ces évolutions ?
Antoine Dubout : La période à venir de négociation des CPOM ouvre aux départements une opportunité pour réinterroger la pertinence des habilitations totales des établissements. De même, les gestionnaires peuvent être séduits par l'idée de redonner un peu de souplesse à leurs tarifs.
Ainsi, certains Conseils Départementaux, aux ressources financières exsangues, incitent fortement les gestionnaires à tendre vers la signature de convention d'aide sociale (ou de dés-habilitation partielle le cas échéant), arguant d'une souplesse accrue dans la détermination des tarifs Hébergement : les spécificités territoriales et institutionnelles de chaque établissement incitent à la prudence et imposent une étude préalable des impacts conséquents d'une telle décision.
Enfin, nous défendons la pertinence d'une habilitation à l'aide sociale majoritaire ou totale, gage d'une éthique humaniste fondée sur le respect des personnes accueillies, la personnalisation du service rendu, sans discrimination liée aux ressources individuelles. L'habilitation totale ou majoritaire à l'aide sociale reste, par ailleurs, gage d'une maîtrise du " reste à charge " des usagers accueillis.
Mini bio
Démarre sa carrière dans l'administration territoriale de l'équipement (DDE de la Nièvre puis du Pas de Calais)
De 1986 à 1997 : Directeur Régional, Directeur Général adjoint puis Directeur Général de ICP/SICP, groupe Immobilier
De 1998 à 2006 : Vice-président Directeur général et fondateur de Perexia, qui devient une filiale du Crédit Foncier de France
2006-2008 : Président du Directoire de GCE Immobilier (CGE-I)
2009-2011 : Président du Directoire de l'Union des Entreprises et des Salariés pour le Logement (ex 1%)
Antoine Dubout est président de la Fehap depuis 2008.