La réforme des Régions est sur les rails. Du moins sur le papier. Il y a une certaine logique à vouloir regrouper des entités pour le rendre plus efficaces et tenter de réduire les coûts de gouvernance. C'est moins évident de coupler cet élargissement avec la mise en cause des départements. Dans un monde mondialisé, les individus ont besoin de territoires solidaires et de liens sociaux de proximité.
La République a besoin de territoires cohérents
D'abord pour une raison de mécanique sociale qui veut que plus le monde s'élargit et se durcit, plus nous avons besoin d'un ancrage culturel, de lien social, de sécurité. Ensuite, parce que le soutien, vital, au développement économique et à l'emploi passe par des politiques de proximité prenant en compte les besoins locaux et le type de qualification des populations. Il importe que le territoire ait une envergure suffisante afin que des mutualisations soient pertinentes et efficaces. Enfin, plus le territoire concerné sera homogène et à dimension humaine, et mieux ce sera un espace pertinent pour expérimenter, tenter, innover, inventer une société qui soit plus économe des ressources naturelles et des deniers publics, tout en permettant d'accompagner les personnes en fragilité, en particulier les personnes très âgées, dont le nombre va tripler dans les 30 ans qui viennent.
Un territoire solidaire repose sur une culture de la mutualisation des actions et des expériences. C'est aussi un espace où la rencontre se produit et où l'habitude de travailler ensemble favorise l'efficacité. Un territoire solidaire associe l'ensemble des acteurs autour d'une vision commune.
La dimension senior
Les choses bougent. Face à la transition démographique, en termes de besoins des populations et d'opportunités de développement (silver economie), le développement de structures comme le Gérontopole des Pays de Loire, ou bientôt celui de Champagne-Ardenne, marque bien cette nouvelle approche territoriale où l'ensemble des acteurs d'une filière se retrouvent et coopèrent. De même, le réseau Villes Amies des Ainés regroupe des communes qui développent et mutualisent une démarche globale de prise en compte de la dimension senior. De leur côté des Départements multiplient les initiatives comme en Essonne où un service public des maisons de retraite a été mis en oeuvre ou dans la Nièvre qui à travers la dynamique "Bien vieillir en Nièvre" stimule et fédère quantités d'initiatives sur l'ensemble du territoire en direction des seniors. Tandis que le Conseil Départemental du Lot et Garonne expérimente le baluchonnage comme solution de répit pour les aidants bénévoles. Pour sa part le conseil général du Tarn a lancé L'Autabus qui, avec les bénévoles de la Croix Rouge, va au devant des populations en forte précarité et en déficit de mobilité.
L'Acte III de la décentralisation ouvre vers les métropoles. Il y a, en effet, une logique à ce que les territoires hyper urbains et connectés à la mondialisation intègrent une gouvernance rassemblée. Encore ne faut-il pas minorer les obstacles et les coûts cachés de ce genre d'entreprise. Par ailleurs, pour les 60% de la population vivant dans des territoires éloignés des grands centres, la logique départementale propose un échelon pertinent pour développer une vision à moyen et long terme, définir les priorités et mobiliser les acteurs.
Le défi se joue sur les territoires et passera par la mutualisation des services publics, la démocratisation de l'accès au numérique, le soutien à la formation professionnelle, la priorité donnée à la prévention (santé, habitat...), la coopération entre les acteurs (collectivités, Economie sociale et solidaire, bailleurs sociaux, associations, retraités bénévoles, entreprises et artisans... ), le droit à l'expérimentation... L'innovation de proximité est notre chance!
Serge Guérin
Professeur à l'ESG-Management School
Dernier ouvrage: " La solidarité ça existe... et en plus ça rapporte ! ", Michalon