Dans le n° 109-octobre 2019  - Hygiène de la bouche  10656

La santé bucco-dentaire, en progrès mais perfectible...

Nous avons souvent abordé la question de l'hygiène buccodentaire des résidents, parce qu'elle altère la santé, la qualité de l'alimentation et les relations sociales mais aussi parce que cette toilette est délicate à réaliser pour les professionnels.

Le sujet est tellement sensible et important que nous y consacrons le dossier du mois, sous le regard expert du Dr Joseph-John Baranès, Référent handicap du Conseil Départemental de l'Ordre des chirurgiens dentistes de Paris, Coordinateur Régional handicap Ile de de France du Conseil Régional de L'Ordre, Référent dépendance du Conseil National de L'Ordre dans le cadre du rapport d'accès aux soins bucco-dentaires. Interview.

Comment enseigner les techniques et principes de base en matière d'hygiène bucco-dentaire ?

Dr JJ Baranès : Je suis absolument catégorique : seule la formation en présentiel fonctionne. On nous parle d'e-formation, d'e-santé, cela ne marche pas. Les soignants ont besoin d'être accompagnés et on doit trouver à l'intérieur de chaque établissement une personne qui accepte de former ses collègues à cette thématique. Avec l'ARS, nous avons choisi d'avoir un référent, formé sur 8 jours en présentiel, et sur une année. Une autre personne est formée sur 3 jours, en complément. Le médecin coordonnateur est un autre élément essentiel. Il est formé sur deux jours. Chaque EHPAD, en fonction de son système public, privé ou associatif, va avoir des particularités territoriales et de gestion. A chaque fois, nous essayons de proposer des outils adaptés. Par ailleurs, tous nos intervenants sont formés en pédagogie de la santé. Et l'ARS confirme qu'un établissement est à l'excellence quand il a résolu le problème dentaire car cela signifie qu'il a réglé toutes les difficultés. C'est un indice de qualité important.

Comment améliorer la formation des jeunes dentistes ?

Dr JJ Baranès : Les universités sont très impliquées dans la formation au handicap, à la perte d'autonomie de la personne et à la précarité. Nous avons aujourd'hui un internat de médecine buccale avec des dentistes formés aux soins spécifiques. Mais ils ne sont pas encore assez valorisés sur les territoires. Les CPTS, Collectivités professionnelles territoriales de santé, de la future loi santé devraient permettre de mettre certains thèmes prioritaires dont la dépendance sur le plan territorial. Cela amènera peut-être ces personnes à entrer dans un parcours de soins spécifique. Cela prend du temps, c'est un changement de culture.

Pourquoi ne pas développer de postes fixes de dentisterie en EHPAD ?

Dr JJ Baranès : Toutes les solutions sont bonnes. Mais pour un EHPAD, un poste fixe, c'est beaucoup de dépenses et cela, sans compter les difficultés pour obtenir une équipe opérationnelle. Il faut le faire par petites grappes, et mutualiser les besoins sur un plan territorial de santé. Les CPTS sont un lien possible. Si les EHPAD étaient reliés par 8, 9 ou 10, on pourrait imaginer avoir un dentiste de coordination d'EHPAD, avec un référencement fort financé par l'ensemble des EHPAD, et qui réaliserait cette thématique dans l'ensemble de son groupe. Pour l'heure, ces postes de salariés n'existent pas. Il pourrait y avoir aussi des équipes mobiles qui interviennent en fonction des besoins. On doit enfin faire face à un problème de rémunération. Les dentistes sont saturés dans leur cabinet et ne voient pas comment gérer cette situation. Mais on avance. Le ministère, les ARS, le Conseil de l'Ordre travaillent ensemble. C'est un signe encourageant.

Comment L'Ordre National des Dentistes agit-il pour tenter de pallier à ces difficultés ?

Dr JJ Baranès : Le Conseil de l'Ordre a beaucoup travaillé ces dernières années à la création de référents départementaux. Il existe aujourd'hui dans tous les départements un référent handicap capable d'intervenir dans le champ des EHPAD, du handicap, de la précarité. En parallèle, il y a un coordinateur régional qui permet que les acteurs soient formés et interactifs. Il établit un cahier des charges de référencement des personnes susceptibles d'intervenir. Un nouveau questionnaire, élaboré cet été, est sur le point d'être adressé aux dentistes. Il les interroge sur leur capacité à intervenir en EHPAD, à recevoir des patients avec des problématiques spécifiques, leur formation pour cela... Cela devrait permettre d'obtenir des chiffres fiables, et d'identifier cette « armée de libéraux » capables d'intervenir auprès des plus âgés. L'Ordre a fait et continue de réaliser un travail colossal pour favoriser l'accès aux soins et à l'hygiène des plus fragiles.

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