La Journée mondiale de la santé bucco-dentaire, qui se déroule le 20 mars, vise à rappeler l'importance de l'hygiène bucco-dentaire, composante essentiel d'un bon état de santé général, de bien-être et de qualité de vie.
La santé bucco-dentaire : un enjeu crucial pour prévenir la perte d'autonomie
D'après les données de l'Union française pour la santé bucco-dentaire (Ufsbd), 60 % des personnes âgées de 75 ans et plus n'ont pas consulté de chirurgien-dentiste en 2017 et 80 % des résidents d'Ehpad ne disposent d'aucun suivi bucco-dentaire[1]. Pourtant, « l'état bucco-dentaire est prédictif de l'état de santé général d'une personne, indique le Dr Anne Abbé Denizot, chirurgien-dentiste et vice-présidente santé publique de l'Ufsbd. Si on veut prévenir la perte d'autonomie, il faut s'inquiéter de la santé bucco-dentaire des personnes âgées. »
Des pathologies sous-jacentes
Les liens entre la fragilité de la personne et la santé bucco-dentaire ne sont plus à démontrer. À défaut d'un brossage dentaire régulier, deux fois par jour, la plaque dentaire s'accumule sur la surface des dents. Conséquences : des pathologies peuvent se développer, au premier rang desquelles des caries et des parodontites (inflammations du tissu de soutien des dents pouvant atteindre l'os). Des problématiques plus graves peuvent également survenir. Certaines pathologies dentaires non traitées sont une voie d'entrée des bactéries dans l'organisme. « Les gencives étant hypervascularisées, une infection bucco-dentaire peut contaminer d'autres organes du corps », fait savoir le Dr Anne Abbé Denizot. Poumons, coeur, reins sont susceptibles d'être touchés, entraînant des complications cardio-vasculaires ou respiratoires.
Outre le fait d'éviter des pathologies, une bonne hygiène bucco-dentaire permet de conserver des dents et des gencives en bonne santé, et ainsi de s'alimenter correctement. « Une personne qui n'a plus de dents aura des problèmes de mastication et des difficultés à manger, rappelle le chirurgien-dentiste. Le risque de dénutrition associé est plus important. »
Parmi les autres avantages d'une bonne hygiène dentaire : éviter les problèmes d'occlusion dentaire [rapport entre les dents supérieures et les dents inférieures, ndlr], qui impactent directement la posture et l'équilibre d'une personne, avec une répercussion sur les risques de chute. Sans parler de l'incidence d'une haleine agréable et d'un beau sourire sur l'estime de soi ou encore du rôle des dents dans la communication avec les autres.
Encourager la formation
La clef d'une bonne hygiène bucco-dentaire chez les résidents d'Ehpad repose sur la formation du personnel des établissements, qui doit être convaincu de l'importance à accorder au brossage des dents. Cependant, l'Ufsbd constate que le personnel n'est pas toujours bien formé à cette question et manque également de temps. « Pourtant, il ne faut souvent que deux à trois minutes pour assurer un bon brossage des dents, rappelle le Dr Abbé Denizot. Mais certains craignent de mal faire, de blesser le résident voire manifestent une forme de dégoût à accomplir cet acte. » Les formations participent justement à l'élaboration de protocoles adaptés à chaque résident et facilitent le travail des soignants. Les établissements peuvent aussi nommer et former des correspondants santé orale (CSO), pour créer une dynamique autour de l'hygiène bucco-dentaire, dont ils seront les garants.
Les différents protocoles
Divers protocoles peuvent être mis en place auprès des personnes âgées, à définir en fonction de ce que chacune peut supporter et de ses besoins individuels.
Pour les personnes autonomes lors de l'entrée en établissement, il est important de continuer de les laisser se brosser les dents seules et de les encourager. Mais la situation peut rapidement se dégrader. « Les soignants doivent être alertes et conscients que le résident va, un jour ou l'autre, arrêter de se brosser correctement les dents seul », pointe du doigt le chirurgien-dentiste. Ils doivent donc observer régulièrement son état bucco-dentaire pour s'assurer que le brossage est correctement effectué.
« Le risque de foyer infectieux est majeur chez la personne âgée qui souvent ne se plaint pas, signale le Dr Abbé Denizot. Voire qu'elle en ait plusieurs en même temps, par manque de suivi d'un chirurgien-dentiste. »
Si les résidents portent un appareil prothétique, il doit être rincé après chaque repas. Lorsque l'appareil est partiel, il faut à la fois le brosser et brosser les dents restantes, en raison d'une accumulation possible de nourriture, provoquant un risque accru de caries.
Dès lors que la personne est en difficulté, il est nécessaire de prendre le relais et de l'accompagner dans le brossage des dents et des gencives.
Le matériel adapté
Il est possible d'utiliser des brosses à dents trifaces ou des brosses à dents électriques, plus faciles d'utilisation pour les personnes en perte d'autonomie. Il n'est pas nécessaire de se concentrer sur le mouvement mais simplement de positionner la brosse sur la zone à nettoyer. Les brosses à dents avec des petites têtes facilitent aussi le brossage des dents du fond. Lorsque le brossage traditionnel n'est pas possible, les soignants peuvent, a minima, nettoyer le dépôt sur les dents avec une compresse imbibée de bain de bouche.
En cas de problème, des chirurgiens-dentistes se déplacent dans les maisons de retraite, mais les soins dispensés vont se limiter le plus souvent à des soins de confort. Les soins techniques sont quant à eux réalisés au cabinet dentaire. Il est également possible d'orienter les résidents ayant des difficultés comportementales (Alzheimer ou maladies apparentées par exemple) vers des professionnels de santé formés à la perte d'autonomie et/ou au handicap dans des structures de soins dédiés.