Le très attendu décret sur la réfraction serait bien acté, même si les professionnels de l'optique attendent toujours sa publication officielle. Mais de quoi s'agit-il et quels sont réellement les enjeux pour la santé des plus âgés ?
La santé visuelle, une réalité à intégrer
La réfraction de l'oeil, qu'est-ce que c'est ?
C'est un examen de la vue réalisé qui peut être réalise par un opticien. Il permet d'établir un diagnostic de l'acuité visuelle. Depuis le 16 octobre 2016, si la personne est âgée de moins de 42 ans et que sa dernière ordonnance date de moins de 5 ans, l'opticien peut l'adapter en cas de besoin et la renouveler sans obliger le patient à passer par la case ophtalmologiste. Mais ce délai se raccourcit à 3 ans si la personne est âgée de plus de 42 ans. On imagine aisément les difficultés rencontrées par les plus fragiles, en EHPAD ou à domicile, pour obtenir le fameux sésame, si l'on en juge par les délais d'attente pour consulter un ophtalmologiste, qui peuvent atteindre 8 ou 9 mois... ou les problèmes de mobilité des personnes très âgées. Alors maintenant, on fait quoi ?
Un examen de la vue en EHPAD
Un nouveau décret (dont la publication est imminente) devrait permettre aux opticiens diplômés d'intervenir auprès des personnes fragiles directement en EHPAD dans un premier temps. Pour Matthieu Gerber, président fondateur du réseau spécialisé Les Opticiens Mobiles, « c'est une avancée majeure pour répondre aux besoins des personnes fragiles sur leurs lieux de vie, une solution pratique pour les aidants ainsi qu'une reconnaissance des compétences et de l'utilité des opticiens qui se déplacent pour faciliter l'accès à la santé visuelle. Et ce d'autant que nombre de personnes n'ont pas la possibilité de se rendre en boutique, pour des raisons diverses (la perte d'autonomie est trop importante, les magasins trop éloignés du lieu de vie et peu adaptés à ces patients, les ressources financières un frein à l'équipement...). On sait pourtant selon une étude de l'Inserm que 40 % des personnes de plus de 78 ans ne porteraient pas de lunettes adaptées à leur vue.»
Une expérimentation prometteuse
L'expérimentation concernera 4 régions administratives (non connues à l'heure actuelle). Elle permettra d'évaluer la pertinence et l'effet d'une intervention des opticiens sur le lieu de vie. « C'est essentiel, surtout quand on sait qu'une bonne santé visuelle favorise la conservation de l'autonomie, réduit les risques de chutes et favorise l'inclusion sociale », ajoute Matthieu Gerber. Mais ce projet risque de générer de la frustration auprès des personnes âgées, des familles et du personnel de soins des EHPAD car les opticiens vont réaliser des examens de vue mais ne pourront délivrer de corrections adaptées sans l'ordonnance d'un ophtalmologiste. On ne résout donc pas la problématique de l'accès aux soins.C'est un bon début mais il faudra très rapidement permettre aux résidents des EHPAD de pouvoir obtenir une ordonnance en cas de besoin avéré sans devoir se déplacer.
Une accélération du mouvement
Pour Matthieu Gerber, « ce décret devrait permettre d'envisager la suite du dispositif, notamment vers le domicile Il faut espérer qu'il accélère la délégation de tâches entre médecin ophtalmologiste et opticien. La même problématique se décline d'ailleurs entre ORL et audioprothésiste. L'opticien comme l'audioprothésiste sont formés et devraient pouvoir bénéficier d'un cadre réglementaire plus large pour se déplacer, effectuer la réfraction et équiper le patient, en coordination étroite avec le médecin, peut-être via le télé-soin. » Pour les professionnels, il s'agit d'une réponse utile à un besoin flagrant, favorisant une équité de réponse sur l'ensemble des territoires, mêmes les plus isolés. « Les solutions existent et les professionnels de santé spécialisés sont prêts et engagés. Nous devons aujourd'hui oser innover, faire tomber les barrières réglementaires archaïques et faire évoluer les corporatismes ambiants, pour préserver la santé au grand âge ».