Les EHPAD seront bien au programme de la rentrée sociale qui s'annonce mouvementée. Une mission flash sur la situation des établissements et la mise en place d'un comité de suivi de la réforme de la tarification devraient apporter, en septembre, les premiers éléments d'analyse. Retour sur les événements forts de cet été.
La situation des EHPAD : le dossier chaud de la rentrée
Le secteur a-t-il enfin été entendu ? Depuis plusieurs mois, les principales fédérations représentant les gestionnaires d'EHPAD réclament une remise à plat complète de la réforme de la tarification. Le 14 juin, le Conseil d'administration de la Fédération hospitalière de France (FHF) allait plus loin, demandant le retrait pur et simple de la réforme.
Lors du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) du 4 juillet, Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé avait - pour répondre aux inquiétudes du secteur - chargé le directeur général de la cohésion sociale, de présider un comité de suivi de la réforme associant la CNSA, des représentants des agences régionales de santé, l'Assemblée des départements de France (ADF) et les fédérations représentant les gestionnaires d'EHPAD. Mais le 25 juillet, la FHF est revenue à la charge, déplorant dans un communiqué, que le comité ne se soit toujours pas réuni. "Pourquoi attendre une déstabilisation massive annoncée pour agir ?", interrogeait avec impatience la fédération. Et de dénoncer à nouveau une perte de recette estimée à 200 millions d'euros pour les EHPAD publics. Pour la FHF, le nouveau dispositif de la réforme met en place "une convergence public/privé et opère bien un transfert massif des ressources du public vers le privé."
Une "mission flash" pour un état des lieux
Au coeur de l'été, la publication d'un article à la Une du journal Le Monde du 19 juillet, consacré au mouvement de grève de l'EHPAD de Foucherans (Jura) qui a débuté le 3 avril (soit plus de 100 jours de grève) focalise l'attention médiatique sur les conditions de travail et les effectifs insuffisants en EHPAD. Un buzz médiatique qui pousse alors les pouvoirs publics à se pencher vraiment sur le dossier "EHPAD". Dans ce contexte tendu, Brigitte Bourguignon (LREM), présidente de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, a annoncé le 2 août, l'ouverture d'une mission flash (première de la législature) sur les EHPAD. "L'objectif de ce nouvel outil de contrôle est de dresser, dans des délais très courts, un état des lieux de la situation des EHPAD et de formuler des propositions en vue de travaux plus approfondis de la commission au cours de la législature." Brigitte Bourguignon a précisé toutefois qu' "une mission flash n'a pas vocation à traiter du fond du sujet, mais à déterminer quels seront les points d'urgence à traiter et à répondre en un temps très court par des propositions d'action". Monique Iborra, députée LREM de la Haute-Garonne, nommée rapporteure de cette mission flash organisera, à partir du 5 septembre, des auditions de tous les acteurs concernés. Les conclusions de ces travaux sont attendues dès le 13 septembre.
L'opposition s'est saisi du sujet de la réforme du mode de financement des EHPAD. Ainsi, la ministre des Solidarités et de la Santé a été interpellée, le 25 juillet, par deux questions écrites par les députés de Seine-Maritime, Christophe Bouillon (Nouvelle gauche) et Agnès Firmin Le Bodo (Les Constructifs). Les deux députés s'inquiètent de "l'impact de la redistribution des ressources financières des départements" et de "lourdes conséquences financières pour certains EHPAD" induits par le nouvel modèle de tarification. A l'instar de la FHF, les deux élus considèrent que "cette redistribution avantage grandement les EHPAD privés, alors que les EHPAD publics ou associatifs se voient privés d'une part importante de leurs ressources".
"A titre d'exemple, au cours de la période de convergence progressive imposée par la réforme, c'est-à-dire 7 ans, 24 EHPAD de l'Aveyron verraient leur budget diminuer de plus de 993 000 euros. Une telle baisse entraînerait immanquablement des licenciements, alors qu'une diminution des effectifs ne peut être justifiée compte tenu de l'accroissement des besoins de personnes de plus en plus dépendantes", souligne pour sa part dans une question écrite le 8 août, le député de l'Aveyron, Arnaud Viala (les Républicains).
Faire émerger les points de blocage
Dans sa réponse publiée le 8 août au Journal officiel de l'Assemblée nationale, Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, relativise toutefois les effets jugés pervers de la réforme. "Afin de ne pas alourdir la charge financière des conseils départementaux, la convergence des tarifs dépendance des EHPAD est organisée autour du tarif moyen départemental. La convergence, à la hausse comme à la baisse, est étalée sur sept ans afin de permettre aux établissements de se réorganiser en conséquence. Les EHPAD publics, qui bénéficiaient de tarif dépendance plus élevés que la moyenne, sont surreprésentés parmi les EHPAD convergeant à la baisse. Pour la ministre, "cet impact négatif est contrebalancé par la convergence des tarifs soins grâce à laquelle 83 % des établissements vont recevoir des financements supplémentaires de l'assurance maladie. Au total, le gain de la convergence vers le forfait global de soins est respectivement de 163 millions d'euros pour les EHPAD publics et 105 millions pour les EHPAD privés à but non lucratif sur la période 2017- 2023."
La bataille des chiffres est donc ouverte... Le premier comité de suivi de la réforme de la tarification se réunira le 25 septembre. Il doit permettre "d'apprécier qualitativement et quantitativement les avancées liées à la mise en oeuvre des évolutions réglementaires dans les territoires". "Ce bilan permettra de faire émerger d'éventuels points de blocage ou difficultés de mise en oeuvre de textes actuels en matière de tarification des forfaits soins et dépendance des EHPAD et les améliorations techniques qui pourraient y être apportées", a précisé la ministre.