Acte intime, la toilette est sortie de la sphère privée pour devenir un enjeu public de la qualité des prises en charge en Ehpad.
La toilette comme marqueur, la douche comme indicateur...
La toilette est-elle devenue un marqueur de maltraitance ? Les banderoles du mouvement social inédit de 2018 l'ont souvent choisie comme symbole de conditions de travail délétères dans les Ehpad. Micros tendus, les aides-soignantes ont raconté les toilettes chrono de 10-15 minutes - souvent juste « VMC » (visage-mains-cul) selon les mots crus de certaines, les cadences, les douches expédiées...
Puis le séisme Orpea a secoué le secteur. L'enquête de Victor Castanet a emmené le public dans les chambres et les salles de bains, la sphère jusque-là intime de la toilette a volé en éclat. Et les familles de résidents ont demandé des comptes... de douches.
Choc de transparence
Onde du choc de transparence, le nombre de douches pourrait d'ailleurs devenir un nouvel indicateur de qualité. Contre l'avis du gouvernement, les députés ont voté le 23 novembre dernier un amendement à la proposition de loi Bien Vieillir qui ajoute aux 10 indicateurs-clés actuels des Ehpad le nombre de douches hebdomadaires par résident, la durée moyenne d'un repas, l'état nutritionnel des résidents, le nombre de résidents ne quittant pas leur chambre, le nombre de protections individuelles utilisées par résident « et tout autre indicateur de qualité de vie et d'encadrement fixé par le conseil de vie sociale » (art. 12). Les sénateurs ont supprimé cet amendement le 6 février. La commission mixte paritaire doit donc trancher le 12 mars, et si elle n'y réussit pas, les députés auront le dernier mot.
Mais quelle que soit l'issue, le débat aura montré en creux le manque de concret du référentiel de la Haute Autorité de santé sur lequel se fondent désormais les évaluations de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Auteur du livre Démarches qualité : progrès ou asphyxie ?[1], le consultant Laurent Barbe parle de « hors sol » et de « déconnexion avec le travail réel ».
Or selon la dernière enquête Ehpa[2], 98 % des résidents d'Ehpad ont, concrètement, besoin d'aide à la toilette : un tiers parce qu'ils ne sont aptes à la faire seuls que partiellement, ou non habituellement ou non correctement, et les deux-tiers parce qu'ils ne sont pas du tout aptes. Et malgré les difficultés de recrutement, le turn-over, l'absentéisme, les Ehpad et leurs équipes tentent de tenir bon pour que la toilette soit, sinon un marqueur de bientraitance, du moins non maltraitante...