La voix se modifie tout au long de la vie, et plus particulièrement en vieillissant. Les personnes âgées de 70 ans et plus sont souvent touchées par la presbyphonie, un phénomène physiologique qui impacte la tonalité de la voix.
La voix : un instrument à préserver
La presbyphonie accompagne le vieillissement général de la personne. Ce phénomène se manifeste par une voix dont l'intonation est modifiée et l'amplification réduite. Elle va ainsi être fragilisée et voilée.
Les causes de la modification de la voix
« Comme le corps qui évolue avec le temps, la voix change, elle aussi, de façon plus ou moins prononcée selon les personnes », souligne Elodie Minghelli, orthophoniste lrs d'un entretien réalisé le 4 avril 2022. . L'ensemble de l'appareil vocal évolue et, avec le temps, une dégradation des capacités pneumo-phono-articulaires peut être observée. De même que les cordes vocales peuvent s'atrophier, perdre de leur souplesse, impactant la qualité de la vibration. L'action de parler sollicite plusieurs organes. « Tout d'abord, l'air remonte des poumons dans le larynx, et fait vibrer les cordes vocales », rapporte l'orthophoniste. Cet air doit être régulier, vif et être amplifié par une sphère orale efficace. « Le pharynx, la bouche et le nez servent ensuite de caisse de résonance pour amplifier le son, ajoute-t-elle. Enfin, le palais, les dents et les lèvres permettent l'articulation des mots. » L'ensemble de cette zone doit être en bon état. Un problème dentaire (dentier mal positionné, dent abîmée) peut amener la personne à moins parler. En conséquence, les muscles fondent, la langue peut être impactée, l'appareil laryngé va alors moins bien fonctionner. Les modifications de l'état hormonal, notamment à la ménopause, mais aussi la baisse des capacités musculaires et respiratoires, ont également un impact sur l'état de la voix.
Des conséquences sociales
Outre les causes physiques, la presbyphonie trouve aussi son origine dans l'isolement. « Avec la réduction des contacts sociaux, certaines personnes perdent l'habitude de parler, ce qui peut modifier l'état de la voix, alerte Elodie Minghelli, et comme un cercle vicieux, avoir des conséquences non négligeables sur leur vie sociale. » Car certes, l'isolement a un impact sur la voix, mais la voix a aussi un impact sur l'isolement. La personne rencontrant des difficultés va moins s'exprimer, moins sortir, moins discuter et les troubles persister, avec des conséquences tant psychologiques que sociales.
La rééducation de la voix
La voix faisant partie de l'identité de chacun, il est important d'être bien dans sa voix, pour ne pas en souffrir. Les soignants en Ehpad jouent un rôle important à l'égard des résidents. « Ils doivent être attentifs à toute modification, prévient l'orthophoniste. S'ils constatent un changement, la première mesure est d'organiser une consultation chez un oto-rhino-laryngologiste (ORL). » Ce professionnel de santé va alors éliminer toutes les causes pouvant justifier d'une modification de la voix telles qu'un cancer ou un reflux gastro-oesophagien à l'origine d'une dégradation de la muqueuse, en réalisant un bilan complet. En fonction des résultats, il pourra proposer une intervention chirurgicale ou un traitement hormonal associé à des séances de rééducation chez un orthophoniste.
Lorsque l'orthophoniste reçoit l'ordonnance de l'ORL avec le plan cordal du patient, il réalise son propre bilan : manque de vibration, atrophie totale ou partielle des cordes vocales. « Ce plan vocal lui est indispensable pour une rééducation adaptée, ajoute Elodie Minghelli. Son objectif est de permettre à la personne âgée d'utiliser sa voix du mieux possible en donnant un nouveau souffle à l'appareil nasopharyngé. Elle va apprendre à bien utiliser sa voix sans forcer, en favorisant la caisse de résonance. »
Les séances de rééducation chez l'orthophoniste ne sont possibles que si le résident n'est pas atteint de troubles cognitifs, car elles impliquent sa mobilisation active.
Le respect de mesures préventives
En parallèle de la rééducation de la voix, la personne âgée doit s'astreindre à des mesures d'hygiène assez stricte. « Les muqueuses étant déjà abîmées par la presbyphonie, il est déconseillé de boire de l'alcool et de fumer, au risque d'aggraver cette altération, fait savoir l'orthophoniste. Il est aussi conseillé d'adopter une bonne hygiène bucco-dentaire pour favoriser l'articulation, et de surveiller son audition, car l'oreille dirige la voix. »
Des mesures, à la fois de rééducation et de prévention doivent, en parallèle, être mises en place, ce qui en Ehpad, suppose des investissements pour impliquer les résidents concernés dans divers ateliers. Il faut cibler des activités basées sur l'échange, la communication, les activités sociales car il est recommandé de parler deux à trois heures par jour pour conserver son capital voix : par exemple les faire chanter et lire chaque matin pour entretenir leur voix. « Il est également possible de pratiquer des exercices d'endurance pour augmenter les capacités pulmonaires ou encore de la relaxation, pour améliorer l'amplitude respiratoire », indique Elodie Minghelli. Ces mesures de prévention et de rééducation conjointes sont indispensables. Seul, l'orthophoniste ne parviendra pas à rééduquer la voix.