Pour sa 3ème " nocturne ", la FNADEPA Gard a invité Nicolas Cadène, Rapporteur général de l'Observatoire national de la laïcité auprès du 1er ministre dont le Président est Jean Louis Bianco, à expliciter la pratique de la laïcité dans le contexte des ESSMS, à la fois pour les personnes accueillies et pour les équipes.
Laïcité en établissement
La laïcité est un des principes majeurs de la République. L'Observatoire, instance gouvernementale, a été installé en avril 2013 et même s'il est placé auprès du 1er ministre, c'est un organisme indépendant qui peut être saisi par les élus et les citoyens et s'autosaisir.
La laïcité repose sur trois principes : la liberté de conscience et la liberté de culte, la séparation des institutions publiques et des organisations religieuses et l'égalité de tous devant la loi quelles que soient leurs croyances ou leurs convictions.
La laïcité garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d'expression de leurs convictions. Elle assure aussi bien le droit de changer de religion que le droit d'adhérer à une religion.
La laïcité suppose la séparation de l'Etat et des organisations religieuses. L'ordre politique est fondé sur la seule souveraineté du peuple des citoyens et l'Etat (qui ne reconnaît et ne salarie aucun culte) et ne se mêle pas du fonctionnement des organisations religieuses. De cette séparation se déduit la neutralité de l'Etat, des collectivités et des services publics.
La République laïque assure ainsi l'égalité des citoyens face au service public, quelles que soient leurs convictions ou croyances.
La laïcité n'est pas une opinion parmi d'autres mais la liberté d'en avoir une. Elle n'est pas une conviction mais le principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect de l'ordre public.
L'Observatoire publie des guides pratiques, notamment le Guide Laïcité et gestion du fait religieux dans les établissements publics de santé
Dans le monde, la pratique de la laïcité est diverse :
- En Turquie, l'Etat contrôle les religions,
- En Inde, la reconnaissance des droits est basée sur la religion (castes),
- Au Brésil, les religions influent sur les affaires d'Etat,
- Le Mexique est proche de la France, même si l'église catholique cherche à renforcer son influence sur l'Etat,
- En Ecosse, il n'y a pas de religion d'Etat depuis 1921,
- Aux USA, la séparation de l'église et de l'Etat date de 1791,
- Au Japon, la séparation est stricte,
- En Tunisie, le pays est laïc mais l'Etat protège le sacré (délit de blasphème).
En France, lors la révolution de 1789, le texte majeur des Droits de l'Homme et du citoyen reste identique aujourd'hui, avec son article 10 consacré à la laïcité. La première loi laïque fut celle imposant le mariage à la mairie et autorisant le divorce. En 1801, avec la signature du Concordat, les cultes sont reconnus et mis sous tutelle de l'Etat (la France, fille aînée de l'église). La loi Ferry (1881/82) impose l'école laïque avec du personnel exclusivement non religieux. A la suite de l'affaire Dreyfus (1901/1904), c'est le 9 décembre 1905 que la séparation de l'église et de l'Etat est consommée, avec une loi de liberté, l'Etat devenant indifférent aux convictions de chacun. Aristide Briand promulgue une loi interdisant les vêtements et les signes religieux à l'école. Avec le régime de Vichy, un retour en arrière semble s'opérer mais à la libération, les évêques de France reconnaissent la laïcité de l'Etat en général et de l'éducation nationale en particulier.
En 2004, c'est à la suite du refus de trois jeunes filles de retirer leur voile dans l'enceinte d'un collège de Creil que le Conseil d'Etat a été saisi et a statué en interdisant les signes religieux ostentatoires dans l'enceinte des écoles primaires et secondaires (pas à l'université puisque les " élèves " sont des adultes, majeurs et libres) et en 2010, la loi a interdit la dissimulation du visage dans les lieux publics.
Il existe une vraie difficulté à définir précisément la laïcité. Elle accorde les mêmes droits pour tous, avec un ordre politique fondé sur des citoyens tous égaux en droit. Dans l'espace privé, la liberté est absolue ; dans l'administration la neutralité est stricte pour les fonctionnaires, pas pour les usagers ; dans l'espace social, chacun conserve sa liberté de conscience à la condition de ne pas faire de prosélytisme ; dans la rue, à la plage, chacun conserve la liberté de manifester ses convictions à la condition de ne pas perturber l'ordre public.
Depuis 30 ans, on a commis l'erreur de croire que la laïcité était une évidence et l'abandon de la pédagogie a conduit à son instrumentalisation. En période de crise, les populations peuvent se replier sur des valeurs religieuses puis subir des pressions communautaires induisant une crispation envers les signes religieux. A la suite, on trouve un concept fourre-tout avec le terrorisme, la délinquance, la discrimination, l'intégration et un manque de recul et d'impartialité.
Aujourd'hui, en institution, s'il n'existe aucun trouble et si le travail est accompli, il ne faut poser d'interdictions que sur des faits objectifs. Il faut éviter la désintégration des relations et trouver le juste milieu entre le tout autoriser et le tout interdire. Ainsi, par exemple, pour les repas offrons le choix " avec ou sans viande " qui préservera le repas pris en commun sans stigmatisation ; refuser les demandes d'absences uniquement pour la préservation de l'organisation ; n'admettre aucune inégalité et sanctionner si la mission n'est pas remplie.
En EHPAD on trouve des espaces privés et des lieux communs dans lesquels on doit appliquer le droit, tout le droit mais rien que le droit. La laïcité est un outil d'émancipation et de cohésion sociale avec lequel chacun doit de sentir et s'affirmer français. C'est la clé de la construction de la citoyenneté, le pilier de l'identité républicaine, la liberté de croire ou pas dans la pluralité et le respect mutuel.
Les recommandations de bonnes pratiques demandent le respect des signes religieux et des régimes alimentaires prévus dans le projet personnalisé.
La liberté de conviction ne peut être restreinte que s'il y a une incidence objective dans l'accomplissement des missions car n'oublions jamais que la laïcité c'est la liberté.