Dans le n° 63-décembre 2015  -  Interview  5190

Le Crédit coopératif, interlocuteur privilégié du secteur social et médico-social

Le Crédit Coopératif, banque universelle qui fait partie du groupe BPCE, est l'interlocuteur financier privilégié de l'économie sociale et solidaire, du secteur social et médico-social. C'est aussi la seule banque française a avoir été admise au GABV (alliance mondiale pour une banque fondée sur des valeurs).

Pour en savoir plus sur cet établissement pas comme les autres, nous avons rencontré Valérie Vitton, directrice de marché des organismes d'intérêt général et Magali Tarrin, responsable de développement.

Valérie Vitton : Historiquement, le Crédit Coopératif a été créé pour financer les coopératives puis elle est devenue la banque de l'économie sociale et solidaire : coopératives, associations, mutuelles et, depuis une quinzaine d'années, nous nous intéressons à l'ensemble des formes juridiques. Sur le secteur de la santé et des personnes âgées, nous travaillons à la fois avec le secteur associatif - qui est notre clientèle historique - mais également avec d'autres opérateurs (secteur commercial). Ce qui nous intéresse c'est plus le métier que la forme juridique de nos clients.

Vous avez un département médico-social ?

La maison est organisée en trois directions de marchés : une direction des particuliers classique, si ce n'est que la moitié de nos clients particuliers sont des majeurs protégés, ce qui est une particularité forte; une direction des entreprises et une direction des organismes d'intérêt général (que je dirige) où on s'intéresse à tout ce qui est économie sociale sauf les coopératives. Cela regroupe le secteur associatif et par extension les autres formes juridiques qui exercent les mêmes métiers, le secteur de la mutualité, du logement social, l'économie mixte et les collectivités locales.

Notre plan d'action moyen terme met l'accent sur tel ou tel secteur selon les périodes. Actuellement nous mettons l'accent sur l'économie mixte, c'est-à-dire les entreprises publiques locales de service (SEM) et les secteurs sanitaires, personnes âgées, personnes handicapées et enseignement.

Contrairement aux autres banques mutualistes, nous sommes une banque nationale - nous n'avons pas de caisses régionales - et la spécificité de notre modèle de développement est de s'appuyer sur les fédérations, les têtes de réseau (UNIOPSS, SYNERPA, UNAPEI, etc.) pour acquérir de la connaissance métier. Pour bien accompagner nos clients, nous voulons avoir une expertise sur leur métier. Cela permet de détecter, un peu plus tôt que nos confrères, certaines difficultés ou certaines situations de retournement positif.

Intervenez-vous sur les investissements en EHPAD ?

Oui, nous intervenons en financement immobilier, mobilier, matériels, sur l'ensemble des besoins de financement en crédit classique mais aussi en crédit bail. Nous faisons aussi quelques opérations d'accompagnement de haut de bilan (ingénierie financière, titres associatifs* rénovés par la loi ESS).

Comment se traduisent vos liens avec les Fédérations ?

Cela se traduit de différentes façons : la plus simple est de prendre un stand dans un congrès, cela peut aller jusqu'à co-construire des offres avec les fédérations qui nous font remonter un besoin spécifique ou non encore satisfait de leurs adhérents. Pour les EHPAD, nous sommes allés chercher des financements bonifiés auprès d'institutions européennes (BEI ou CEB) pour en faire bénéficier les établissements.

Nous avons également construit un produit de financement des travaux de mise en accessibilité des locaux. Nous proposons, aux fondations qui souhaitent que leurs placements aient un sens en lien avec leur mission, un livret d'épargne classique rémunéré avec un taux réduit nous permettant ensuite de prêter à taux réduit pour financer des travaux d'accessibilité: ce sont le Livret Fondation et le Crédit Agir. Le produit est d'ailleurs labellisé sur le site de la Délégation Ministérielle à l'accessibilité. Nous avons également construit avec une institution européenne un financement spécifique pour l'innovation, qui n'a malheureusement pas rencontré beaucoup de succès. Le secteur médico-social a du mal à se reconnaître innovant... et à solliciter des crédits, alors qu'il y a plein d'innovations dans la prise en charge des publics.

Les établissements ont peut être déjà des difficultés à fonctionner normalement ?

Magali Tarrin : Effectivement la gestion quotidienne est parfois compliquée mais cela n'empêche pas les EHPAD de rester innovants. Par exemple certains ont fait des soirées veillées, parce qu'ils se sont rendu compte qu'envoyer tout le monde se coucher à 20 ou 21 heures, frustrait pas mal de personnes âgées. Ces initiatives qui ne sont pas standardisées dans les EHPAD ni prises en charge par les tutelles peuvent nécessiter des investissements qui peuvent être financés sans prélever sur le fonds de roulement (grâce au Prêt Innov & plus). Des sorties inhabituelles ou des travaux sur la dénutrition en ré-internalisant la restauration sont également des choses qui pourraient être financées ainsi.

L'introduction d'innovations technologiques peut-elle être prise en charge ?

Oui, ce sont des choses qui peuvent être financées via ce prêt que nous dédions à tout ce qui est innovant. Il bénéficie d'un taux d'intérêt bonifié et d'une garantie européenne.

Nos gros volumes de prêt concernent l'immobilier : créations, extension, rénovations. Nous intervenons sur tous types de structures et de plus en plus sur les résidences services senior. Tous les opérateurs se lancent sur le champ des résidences senior, soit sur le modèle des foyers-logements ou Marpa, avec des loyers abordables, soit sur des résidences haut de gamme.

Quels sont vos critères d'intervention ?

Nous travaillons d'abord avec nos clients qui connaissent très bien le secteur de la dépendance. Avec ceux qu'on connaît moins, on va regarder l'emplacement, l'expérience professionnelle, le loyer final, l'économie globale du projet, et le porteur du projet. Nous préférons travailler sur des projets qui ont une dimension humaine et de territoire.

Nous travaillons en partenariat avec la Caisse des Dépôts, notamment sur des projets habilités à l'aide sociale mais aussi avec le réseau France Active. Nous préférons accompagner longtemps nos clients sur de nombreux projets que d'être assez vite limités par l'encours, la taille et le profil risque du client. Les projets immobiliers mobilisent des montants importants, il vaut mieux faire des cofinancements avec des partenaires sur ce type de projets.

Tous les opérateurs se sont positionnés ces dernières années sur les EHPAD haut de gamme mais aujourd'hui le marché est saturé, dans certaines régions, aussi faut-il aller sur les autres segments de la gamme. L'équation difficile à résoudre c'est la rentabilité et le reste à charge faible. D'où l'importance, sur les projets à vocation sociale, d'avoir des financements à durée très longue pour que la charge annuelle de l'emprunt soit limitée. Et notre spécificité est que, sur ces projets-là, nous prêtons à 30 ans.

Début 2016, nous allons lancer une nouvelle enveloppe de financement avec fonds européens sur des travaux de performance énergétique, et il y a énormément à faire dans les EHPAD...

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