En juin dernier, Valérie Rosso-Debord remettait son rapport et 17 propositions pour une " prévention plus dynamique des pertes d'autonomie, une politique plus cohérente de prise en charge". Face à un débat perçu comme prometteur, la députée de Meurthe-et-Moselle livre quelques réflexions complémentaires.
Le débat va faire émerger des solutions
Le rapport que vous avez remis en juin dernier fait beaucoup parler. Etes-vous satisfaite de cet état de fait ?
Je n'étais pas en quête de popularité (rires)... L'idée était de mettre en place le champ des possibles. Le problème de la dépendance n'est pas dramatique. En année pleine, la dépendance représente un coût de 30 milliards d'euros. Aujourd'hui, nous en sommes déjà à 22 milliards. Je crois qu'il y a des sujets plus compliqués, celui des retraites par exemple.
Le rapport est critiquable, par exemple il n'a pas inclus les personnes handicapées dans le champ des personnes dépendantes. La loi de 2005 prévoyait une convergence entre la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées d'ici 2011, nous n'avons pas voulu la reprendre. Parfois les écarts sont considérables. Les plans d'aide aux personnes handicapées peuvent aller jusqu'à 10 000 euros par mois ! Converger, c'est faire pareil pour les deux populations. De cela nous n'avons pas les moyens. Les personnes handicapées, on l'a vu, ne sont pas dans le périmètre de la réflexion. Déjà 1,1 million de personnes touchent l'APA. L'APA moyen est de 938 euros pour les personnes handicapées, 438 euros pour les personnes âgées. On ne peut pas aller sur tous les territoires en même temps : si nous ne réussissons pas à maîtriser les déficits, on n'empruntera plus aux taux actuels...
Nous nous sommes donc focalisés sur les GIR 1 et 2. Les aidants sont épuisés, et, on le sait, leur espérance de vie diminue. D'ailleurs l'Union Européenne s'est saisie de la question et a rendu un rapport sur les aidants. L'idée est de mettre en place un droit au répit. Nous avons voulu faire un rétro-planning à partir de 2030. En effet, parmi les personnes nées en 1945, 1 sur 4 a un aléa de dépendance. Il faut donc être prêt ! Entretemps, nous trouverons des solutions d'adaptation pour ce qui ne va pas. Ainsi l'Etat ne tient pas ses engagements financiers. En 2002, le pacte initial portait sur une répartition à part égale entre les Conseils généraux et l'État. Aujourd'hui l'État ne paie que 28 %. D'autre part, on manque de moyens pour prendre en charge les GIR 1, 2 et 3.
Le président Nicolas Sarkozy souhaite que des mesures soient inscrites au PLFSS 2011 pour un démarrage en 2012. Pour résumer, nous devons faire face à deux séquences distinctes : le présent et le choc démographique à venir. Quelle est la bonne idée ?
Que choisit-on comme dispositif ? La réflexion est lancée et mon rapport est une pierre à l'édifice. Il sera impossible de tout faire et le débat dira quel périmètre il faut choisir.
Quelles mesures ont votre préférence ?
Je n'ai aucune préférence. Tout dépend de ce que l'on veut comme système. Toutes les pistes méritent réflexion, l'assurance ou l'alignement de la CSG des retraités sur celles des actifs (il y a actuellement trois niveaux de CSG). Auparavant les retraites étaient inférieures au coût de la vie donc elles bénéficiaient d'un taux plus favorable. Rien n'est figé. Le débat qui est lancé dans les 22 régions métropolitaines et les 4 régions supra-marines est fondamental, il dégagera des lignes de force. Comment lier la solidarité nationale alors qu'on constate une iniquité géographique entre les départements ? Les départements veulent continuer à gérer mais dans ce cas, il faut instaurer des contrôles et viser l'uniformité. Si on veut l'indépendance, il faut avoir une organisation comme celle des Länder allemands.
Qui va s'exprimer dans ce débat ?
Il faut prendre l'avis, non pas seulement des experts, mais des aidants, et des personnes âgées elles-mêmes. Les solutions ne sont pas décidées, et nous attendons beaucoup des rencontres régionales. J'y crois car je me souviens, qu'en 1988, Jean-Pierre Raffarin, alors président du conseil régional travaillait sur la décentralisation. Il y a eu un débat très riche dans les régions. A l'époque j'étais acteur dans la Formation continue.
Quelle est votre position sur la solution assurantielle ?
Je suis pour l'universalité de la solidarité et sa mutualisation. Il y a une base nationale évaluée à 22 milliards. Je pense qu'il faut renforcer cette base et je réfléchis à un surplus assurantiel. Il faut compléter par une participation des mutuelles, qui pourra financer l'hébergement en maison de retraite. Reste la question de savoir si cette assurance doit être obligatoire ou facultative. Personnellement, je suis pour la rendre obligatoire et ce à partir de 50 ans. A partir de là, doit-elle forcément relever du secteur privé ?
Il existe déjà 5 millions de contrats indépendants. Trois millions sont à la MGEN (Mutuelle Générale de l'Education Nationale), ce sont des contrats-groupe et deux millions sont individuels. Il y a déjà un groupe de travail sur l'assurance, mis en place par Xavier Darcos, pour examiner le contenu des garanties des contrats tels que la sélection médicale, les périodes de carence et de franchise, les règles de revalorisation des rentes, les conditions de transférabilité,...
Je veux qu'on labellise ces contrats, qu'on encadre les conditions d'accès en fonction des GIR. C'est la seule solution pour éviter les décalages entre les attentes et la réalisation. L'expertise ne peut pas appartenir qu'aux seuls assureurs. On ne peut pas être à la fois expert et payeur...
Le recours sur succession, le rétablissement des impôts sur les successions sont-ils réellement envisageables ?
Le recours sur succession ne fonctionne pas. On l'a vu avec la PSD (Prestation Spécifique Dépendance) : les Français renoncent à leurs prestations. Cette solution n'est rien d'autre qu'une double peine : il y a la dépendance et en plus la perte de patrimoine.
Pour l'impôt sur les successions, je vous l'ai dit, il faut étudier toutes les pistes. Le rapport a été rendu en juin, le débat va faire émerger des solutions.
Quelles mesures pourrait-on voir dans un premier temps, c'est-à-dire inscrites au PLFSS 2012 qui sera voté en 2011 ?
Je parle ici en mon nom personnel. Nous sommes ici dans une phase d'urgence, il faut travailler sur le reste à charge des personnes en GIR 1, 2 et 3. C'est un engagement de Nicolas Sarkozy. Il faut aussi revoir les financements via la CNSA et les Conseils Généraux.
Ce sont deux problèmes de " sécurité sociale ", il n'y pas besoin de loi spécifique pour les faire évoluer.
D'autre part, il faut établir un rétroplanning pour 2030 : évaluer les moyens nécessaires, définir la montée en charge des besoins et... réfléchir à la gouvernance. Le rôle de la CNSA (Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie) est désormais reconnu. Il faut le conforter. Dans un paysage en pleine mutation, il faut travailler sur l'articulation de la CNSA avec les ARS (Agence Régionales de Santé) et la loi HPST (Hôpital Patients Santé Territoires). Pour le reste, prenons le temps nécessaire. Et travaillons sur la prévention ! Il n'y a pas assez de prévention. Certes les détracteurs diront que la prévention ne permet pas d'économies. Il faut savoir qu'en Italie, 10 % du budget de la Sécurité Sociale " est consacrée à la prévention de la dépendance. Les plans Alzheimer prévoient des consultations... elles n'ont pas été mises en place. Je voudrais qu'on articule la dépendance pour permettre de prévenir la dégénérescence sénile. Si on peut gagner six mois, c'est déjà bien.
Je pense personnellement que si l'on veut être efficace, il faut aller au bout de la loi HPST, et donc mettre en articulation la loi et les moyens. Les moyens dépendent de l'ONDAM (Objectif National de Dépenses de l'Assurance Maladie) et les ARS vont donc aller les chercher là. Je crois que les budgets régionaux sont plus mobilisateurs pour les ARS. Je voudrais donc une vraie décentralisation avec un ORDAM (objectif régional), et une responsabilisation des ARS.