Pour Daniel Zielinski, délégué général de l'UNCCAS (Union Nationale des Centres Communaux d'Action Sociale), les foyers-logements sont un maillon fort dans le parcours de la personne âgée, fort mais peu soutenu sur le plan financier. Zoom sur la préparation du plan stratégique de l'UNCCAS.
Le foyer-logement, un maillon stratégique
Avec le débat autour du financement de la dépendance, les foyers logements ou EHPA (Etablissement d'Hébergement pour Personnes Agées) sont revenus sur le devant de la scène.
Oui et l'UNCCAS a sorti un livre blanc sur la prise en charge de la perte d'autonomie, avec ses propositions : la solution des foyers-logements en faisait partie. Dans la réflexion sur le vieillissement, il faut voir plus large que l'aide aux seules personnes dépendantes. Réintégrer l'offre foyers-logements, c'est agir sur la prévention et limiter le coût de la dépendance.
Il y a cinq ans, à la DGAS (Direction Générale de l'Action Sociale), on s'interrogeait sur l'utilité des foyers-logements. Certains pensaient qu'avec de bons services à domicile, on pouvait les supprimer. Aujourd'hui, la DGAS a disparu et la Direction Générale de la Cohésion Sociale tient un discours différent. De même, nous avons beaucoup de contacts avec les Conseils généraux et l'ADF (Association des Départements de France). Tous ont bien compris ce mécanisme : soutenir les foyers-logements, c'est réduire les investissements dans la médicalisation. J'ajoute que notre président de l'UNCCAS, Patrick Kanner, est président du Conseil Général du Nord, le plus gros département de France. L'UNCCAS a donc une vision intégrée du sujet.
Quelle est la place des foyers-logements dans l'offre d'hébergement ?
Sur le plan quantitatif, les CCAS/CIAS sont gestionnaires de 70% du parc national des foyers-logements. 841 CCAS gèrent 1 123 foyers-logements. Les foyers-logements accueillent d'abord des personnes aux faibles ressources. Le loyer des foyers logements gérés par les CCAS varie entre 400 et 600 euros, selon qu'il est situé en ville ou en milieu rural. Les CCAS investissent en moyenne 1 800 euros par logement et par an.
Pour en savoir plus, nous lançons une enquête au sein de notre réseau, les résultats seront diffusés en 2012. D'une façon générale, le nombre de foyers-logements a baissé ces dernières années du fait de la médicalisation : certains EHPA sont devenus EHPAD (Etablissement d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes). L'étude de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques) qui doit paraître en fin d'année permettra de faire un point sur l'ensemble de l'offre.
Sur le plan qualitatif, l'offre n'est plus adaptée. Les structures ont été construites dans les années 70, en périphérie des villes. Aujourd'hui, le public des EHPA cherche un lieu de vie sécurisant en centre-ville, près du centre et des services. De plus les établissements doivent être mis aux normes : largeur des portes, accessibilité, taille des salles de bain,... Actuellement on réhabilite peu. Quant à la rénovation, elle s'élève environ à 50 000 euros par place.
Le paysage est disparate. De nouvelles structures apparaissent en milieu rural, souvent en accord avec la MSA (Mutualité Sociale Agricole), qui par ailleurs finance les MARPA (Maison d'Accueil Rurale pour Personnes Agées). On construit aussi beaucoup dans le Midi. Rappelons que les personnes aisées ont tendance à aller vers le Sud... or, pour équilibrer son budget, un EHPA doit aussi accueillir des personnes à plus forts revenus. Il y a aussi un problème dans les DOM (Départements d'Outre Mer) où les structures d'accueil rencontrent de nombreux problèmes : locaux, formation...
Comment faire évoluer l'offre foyers-logements ?
Nous travaillons à un plan stratégique pour 2012-2014. Nous voulons d'abord retravailler l'aide à l'investissement. Les provisions pour grandes réparations ont disparu, la CNSA n'a aucune enveloppe pour les foyers-logements, la CNAV peut intervenir avec des prêts bonifiés et des subventions mais les dispositifs ne sont pas intégrés dans une réflexion d'ensemble. Nous réunirons donc nos partenaires en janvier : CNAV, Mutualité Française, CNSA (Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie), Banque Européenne d'investissement, peut-être la Caisse des dépôts. Le volet Financement soulève aussi celui de la formation des élus et des professionnels. Souvent l'élu chargé du dossier n'est pas le directeur du foyer-logement et voit l'aspect surtout financier, ce qui a des conséquences sur le projet comme sur les usagers. Le financier construit un budget et en déduit un loyer pour les usagers. Nous pensons au contraire qu'il faut partir des ressources des personnes pour déterminer un reste à charge acceptable et, de là, construire le budget du projet. Le deuxième volet du plan stratégique porte sur l'aide au fonctionnement. Aujourd'hui certains EHPA bénéficient d'un Forfait de Soins courants sous certaines conditions : l'EHPA doit avoir un GMP inférieur à 300 et compter moins de 10% de personnes de GIR 1et 2. Le forfait de soins courant est essentiellement utilisé pour financer des postes de personnels de soins et charges salariales afférentes (aides soignantes, auxiliaire de soins,...). Ce forfait pose aujourd'hui deux problèmes : il concerne peu d'établissements et il n'est pas attribué aux structures créées après 2008. Sans moyens, comment feront les EHPA pour répondre aux indicateurs de qualité que prépare la DGCS, si ces critères sont à la fois opposables et sophistiqués ?
Quels sont les deux autres volets du plan stratégique ?
Le troisième volet du plan porte sur l'image. Il faut revoir le nom et l'offre pour satisfaire les nouveaux usagers : des personnes de 60 ans, qui ont des besoins culturels, sportifs. Le quatrième volet est la levée des nombreux freins juridiques et techniques. Ainsi la règle sur le GMP inférieur à 300 doit être assouplie. Récemment, dans un foyer-logement de douze lits, une personne a fait une chute. Sa dépendance temporaire a fait passer le GMP au dessus de la barre des 300. L'EHPA devait alors soit demander à la personne de partir en EHPAD, soit d'aménager la chambre... Autre exemple : si dans un couple habitant en foyer-logement, une des deux personnes devient dépendante, va-t-on séparer le couple et faire partir une personne en EHPAD, l'autre restant dans l'EHPA ? Autre problème : les foyers-logements dépendent de deux ministères, celui du Logement et celui de la Santé, par les ARS. Or les règles sont différentes et relèvent d'un côté du Code de la construction, de l'autre du Code de l'Action Sociale des Familles ! Nous avons donc proposé une réunion pour définir des règles communes.
Enfin, les foyers-logements qui relèvent de la Fonction Publique Territoriale (FPT) sont en concurrence avec la Fonction Publique Hospitalière (FPH). Cela renforce le problème de la pénurie d'infirmières. Dans la FPT, la grille indiciaire (qui détermine le salaire) est moins favorable, l'âge du départ à la retraite était jusqu'à peu, supérieur de cinq ans, les postes sont accessibles uniquement sur concours. Une aberration dans un contexte de pénurie ! Nous cherchons donc un parcours commun avec la FPH.
Quand le plan stratégique sera-t-il prêt ?
Le prochain congrès de l'UNCCAS aura lieu à Marseille en septembre 2012. Il sera dédié à l'habitat des personnes âgées. Nous espérons présenter un plan clé en main. Les foyers-logements ont une vraie carte à jouer. A nous de faire preuve d'imagination, de mutualiser le personnel, d'avoir une direction unique pour plusieurs établissements ! En pays rural, les CIAS (Centre Intercommunal d'Action Sociale) sont très présents : la France compte 33 000 communes de moins de 3 000 habitants ! Certains CIAS ont même commencé un maillage. Nous étudions avec intérêt l'avancement des groupements de coopération entre EHPAD et les économies d'échelle qui en découlent. Partout il faut raisonner en termes de parcours gérontologique : aide à domicile, accueil temporaire, foyers-logements, EHPAD,... A Marcq-en-Baroeul, le CCAS gère un vrai continuum. Les CCAS gèrent 25% de l'aide à domicile, plus de 800 EHPA, 500 EHPAD,... Notre plan sera intégré car il vient du terrain.
Propos recueillis par Marie-Suzel Inzé