La Cour d'appel de DOUAI a récemment réaffirmé des principes utiles concernant la liberté de la personne protégée, en l'espèce un majeur sous curatelle renforcée, de choisir sa résidence, et donc d'en changer.
Le majeur protégé, la résidence et le juge
Le principe du choix de la résidence
Le Code civil prévoit, pour ce qui concerne la personne mise sous curatelle, en l'espèce une curatelle renforcée, que la personne protégée choisit le lieu de sa résidence.
Il est précisé également qu'elle entretient librement des relations personnelles avec tout tiers, parent ou non. Elle a le droit d'être visitée et, le cas échéant, hébergée par ceux-ci. En cas de difficulté, le juge ou le conseil de famille, s'il a été constitué, statue. (Code civil, art. 459-2)
Le principe est donc de respecter le choix de la personne protégée, qu'il s'agisse d'une curatelle renforcée ou d'une tutelle, et, s'il est constaté, généralement médicalement, que la personne protégée n'est pas dépourvue de volonté propre et qu'elle émet des souhaits clairs quant à la fixation de sa résidence à son domicile ou chez un parent, il convient de respecter le choix.
En ce sens, la Cour de cassation s'était déjà prononcée dans des décisions anciennes (Cass. soc. 25 mars 1997: Bull. civ. I, n° 107...)
En l'espèce, les médecins, ainsi d'ailleurs que le curateur, s'étaient opposés à un retour au domicile d'une personne hébergée en EHPAD au prétexte que l'état de santé n'était pas compatible avec une vie dans un logement individuel compte tenu d'une alcoolisation massive qui avait déjà donné lieu à des hospitalisations en urgence.
Les médecins considéraient, et étaient suivis sur ce point par le curateur, que pour éviter toute déviance du comportement et une mise en danger de la patiente, elle devait rester en EHPAD.
Le juge qui a auditionné la personne a bien noté sa volonté de retourner vivre au domicile, son refus de rester en maison de retraite où elle n'avait aucun contact avec les gens dont, selon elle, "les trois quarts sont en fauteuil roulant, la moyenne d'âge étant de 80 ans"; elle avançait également un coût élevé de l'hébergement par rapport à un retour à la maison.
Le Juge des tutelles prenant en compte l'intérêt de la personne, avait refusé de faire droit à la requête de retour à domicile.
La décision de la Cour d'appel de DOUAI: Le libre choix
Les juges d'appel de la Cour d'appel de DOUAI, en reprenant les termes de l'article 459-2 du Code civil, ont rappelé que "le libre choix du lieu de résidence implique également la liberté d'en changer, et qu'il ne peut être porté atteinte à ce principe fondamental que par le juge saisi en cas de difficulté".
La Cour, dans cette espèce, constate que la personne protégée, qui est valide, qui dispose d'un logement personnel vacant et peu coûteux, et qui est en mesure d'expliciter avec discernement les raisons de son choix, doit être suivie.
Si la Cour d'appel prend en compte les interrogations légitimes du curateur et du médecin, en l'absence de toute difficulté effectivement constatée et avérée, il n'est pas possible de porter atteinte aux droits de la personne protégée de choisir son lieu de vie.
La Cour d'appel rappelle qu'il n'est ni dans l'esprit, ni dans la lettre de la loi, d'établir une sorte d'autorisation préalable de changement de résidence. (CA Douai, Chambre de la protection juridique, audience publique du 8 février 2013, RG: 12 / 06650, minute n° 15/13)
C'est donc la liberté qui s'impose.
Les questions à débattre
Le Code civil, comme le juge, rappelle ici la nécessité de respecter la volonté de la personne protégée dans le choix de sa résidence, mais également dans ses choix de vie concernant des visites, voire même l'hébergement chez des tiers.
Saisi par un compagnon de longue date de la personne protégée, le juge de Versailles a autorisé le droit de visite de celui-ci, une fois par mois, au domicile de sa soeur. (Versailles, 28 avril 2011, Dalloz 2011, pan. 2501)
De même a été annulée la décision d'un directeur d'établissement d'interdire les visites de la fille unique d'un patient âgé pour une durée considérable. (Tribunal administratif de Versailles, 25 janv. 2012)
Cette liberté se heurte cependant à quelques difficultés.
En pratique, dans les EHPAD des manifestations hostiles des résidents souhaitant un retour à domicile ne sont pas rares.
Dans quelle mesure la volonté propre de la personne s'impose au directeur de l'établissement en l'absence de cas critique justifiant la saisine du tribunal?
C'est souvent par la concertation et le dialogue que les problèmes trouveront leur solution.
La loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action médico-sociale a redéfini la charte des droits et libertés de l'usager.
La prise en compte du consentement éclairé avec une information adaptée est primordiale.